Chapitre 6

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Un nouveau scooter passa, le tirant de ses pensées. Il but une nouvelle gorgée de cidre.

– Dépêchez-vous de boire, il va se réchauffer.

Le jeune homme s'exécuta, continuant de regarder Mr Josselin. Celui-ci le regarda aussi, comme fataliste.

– Je crois finalement comprendre vos vraies motivations, dit-il alors. Vous n'avez rien demandé, non pas par discrétion, mais par politesse. C'est la politesse qui a muselé votre curiosité.

– C'est un mal ?

– Oh, non. Bien au contraire. Croyez-moi, quand les gens n'ont rien de plus pressé que de vous arracher tous les tuyaux qu'ils peuvent, vous appréciez quelqu'un qui reste à sa place.

Mr Josselin ne put réprimer un coup d'œil amusé sur Hugo.

– Vous savez, quand les gens viennent vous voir en mode « comment on fait pour devenir une star ? », ils ne se rendent pas compte de ce qu'ils demandent. Ils posent cette question en imaginant le gros contrat, les tapis rouges, les couvertures de magazines, le compte en banque... Le truc, c'est qu'ils ne comprennent pas qu'être une star, c'est vraiment un métier de merde.

– À ce point ? s'étonna Hugo.

– À ce point, assura Mr Josselin. Je vais vous dire une chose, Mr Loiret : de toute ma vie, je n'ai jamais vu un boulot plus pourri que celui d'artiste. Je vous jure, ce truc, c'est pactiser avec le diable. Les gens sont là, à vouloir devenir des stars, mais...

– Beaucoup d'appelés pour très peu d'élus ?

– Même pas. C'est vrai, mais ce n'est pas le pire. Vous savez, quand vous voyez les stars faire leur shopping dans les magazines people, dites-vous bien que c'est l'un des rares moments de libre qu'ils ont eu. Être une star, c'est avoir un agenda de ministre. Quand vous allez à un concert, vous voyez un artiste qui chante, qui danse, qui fait son show. Ce que vous ne voyez pas, c'est tout le fric qu'il y a derrière. Les contrats, les sponsors, les producteurs, le merchandising... Du fric, du fric, du fric, partout. Et du cul, aussi. Le showbiz se résume à deux mots : cul et fric. C'est ça qui a bouffé Adam.

– Il était trop innocent ? grimaça Hugo.

– Il était trop jeune. Et il rapportait trop, surtout. Purée, tout le pognon qu'il a fait, c'est dingue. À la prod', ils n'en ont fait qu'une bouchée. Et quand il a enfin eu l'âge de pouvoir prendre des décisions seul, il n'y était pas correctement préparé. Du coup, il s'y est mal pris et ça lui est retombé dessus.

Il se tut, se resservant un verre de cidre.

– Je comprends, se risqua Hugo. Mais ma question portait sur vous. Je veux dire, pourquoi vous l'avez suivi ? Rien ne vous obligeait à rendre votre tablier comme ça.

Mr Josselin laissa échapper un soupir en secouant la tête.

– Non. Là encore, c'est trop personnel pour que je vous réponde. Adam avait quatorze ans, il connaissait à peine la vie. C'était pas une major, qui lui fallait, mais une nourrice. Et puis, il a grandi. Quatre ans à le voir se transformer, à bosser ensemble, à partager les mêmes hôtels, les mêmes avions, les coulisses de télés, de concerts, les brainstormings, et des conversations, des heures de conversations... Fatalement, ça crée des liens.

Hugo l'écouta bouche bée. Il avait du mal à comprendre ce que voulait dire Mr Josselin.

– Attendez, je comprends rien, avoua-t-il honnêtement. Vous êtes parti... juste parce que vous avez créé des liens ?

Our Love Song - Track 1 [TERMINÉ]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant