Tout a commencé par des grattements. Peut-être duraient-ils des heures et que le bruit de l’eau nous empêchait de les entendre mais, ce n’est que peu avant vingt-trois heures qu’on les a tous perçus. Au début, c’était infime, presque imperceptible. Puis, peu à peu, ça a grandi en intensité avant de se muer en murmures, en voix chuchotant des paroles incompréhensibles.
- C’est quoi ce délire ? a soufflé Julia, visiblement effrayée.
- Je… Je sais pas, ai-je répondu, tout aussi paniquée.
- Eh, les filles, ne vous inquiétez pas, c’est sûrement juste des gamins qui s’amusent.
Mais, tandis que les plaintes s’amplifiaient, semblant plus nombreuses à chaque parole, il devint évident que ce n’était pas celles de « gamins qui s’amusent ».
- Alix ? Hot combien tu vas voir ce que c'est ? lança Tom, la voix à présent légèrement tremblante.
- Pardon ? me suis-je exclamée. Tu es sérieux ?
- Alors ?
Le « hot combien » ou le « pour combien ». Je détestais ça. La personne interrogée devait dire « hot » et un nombre. Ensuite, les deux participants devaient dire en même temps un nombre entre un et celui choisi précédemment. S’ils disaient le même, la personne à qui le défi a été lancé doit l’exécuter.
- Hot cinquante, ai-je finalement marmonné.
Si je me défilais, j'allais en entendre parler pendant longtemps et je finirais par le regretter. De plus, il n’y avait que peu de chance pour qu'on tombe sur le même nombre.
- Julia, tu décomptes ?
La jeune fille, qui n’avait pas dit un mot depuis un petit temps, hocha la tête, toute tremblante.
- Trois, deux, un…
- Trente-trois, ai-je dit… en même temps que Thomas.
Merde. Dehors retentissaient toujours les voix. Je me suis extraite de mon sac de couchage et je me suis levée lentement.
- Peut-être que ce n’est que des adultes qui fêtent Halloween ?
- N’essaye pas de te défiler Alix ! Allez, vas-y, a dit le garçon en se levant. Je vais t’accompagner jusqu’à l’entrée.
À ce moment-là, un cri a retenti au milieu de chuchotements. J’ai ravalé ma salive, j'ai pris ma lampe de poche dans mon sac et puis, je me suis avancée hors de la pièce. Le parapluie de Julie traînait par terre. Je l’ai ramassé et, une fois déployé, j’ai jeté un regard à mes amis – Julia était venue aussi apparemment - puis, un autre à ma montre. Vingt-trois heures neuf. J’ai inspiré un bon coup et je suis sortie.
Les pieds dans la rivière, la chute derrière moi, j’ai regardé autour de moi, mais je n’ai rien vu qui sortait de l’ordinaire hormis que la lune brillait fort alors qu’elle n’était qu’un mince trait dans le ciel immense.
- Ça va Alix ? m’a questionnée Tom.
- Ou… oui.
J'ai entendu Thomas traverser la chute d’eau à son tour et, quelques secondes plus tard, Julia l’a suivi, sans doute plus effrayée de rester toute seule dans la grotte que de venir avec nous.
- Vous ne trouvez qu’il y a quelque chose d’étrange ? murmura cette dernière.
Suite à cette remarque, j’ai tout de suite compris aussi que quelque chose clochait, mais il m’a fallu quelques secondes pour voir ce que c’était : il n’y avait plus un bruit.
- Les voix se sont tues, a noté Tom avant que je ne réponde.
- On ferait mieux de rentrer, non ?
- Fais pas ta chochotte Julia !
- Je suis d’accord avec elle, ai-je répliqué du tac au tac.
- Attendez les filles. Je crois qu'il y a quelque chose, là, à droite.
En effet, il y avait une ombre étrange sur la rive droite, à une demi-douzaine de mètres de nous. J’ai attrapé ma lampe de poche que je tenais toujours à la main et je l’ai allumé.
- Je… je rêve où… où c'est… c’est un corps ? ai-je bégayé.
À la place de la forme aperçue plus tôt gisait le corps d’un homme. D’ici, je ne voyais pas la blessure qui lui avait coûté la vie mais, en revanche, on ne pouvait pas ne pas remarquer la flaque de sang qui entourait la victime. Ses habits étaient tellement en lambeaux qu’on pouvait apercevoir sa peau blême, presque blanche, sous la triple couche de vêtements qu’il portait. Il était dos à nous, je ne pouvait donc pas apercevoir son visage.
Du coin de l’œil, j’ai remarqué que Julia, pétrifiée d’horreur, était devenue presque aussi pâle que le cadavre. Thomas, quant à lui, s’avançait doucement vers le jeune homme, à l’évidence poussé par la curiosité, tandis que moi, je retirait le couteau suisse toujours accroché à ma ceinture presque par instinct. J’ai exhibé la plus grande lame qui était plié dans son manche avec difficulté à cause de la rouille et du fait qu'une de mes mains était déjà prise par ma lampe de poche.
Lorsque j’ai relevé la tête, Tom n’était plus qu’à deux pas du malheureux et inquiète, je l’ai averti d’une voix tremblante :
- Tom, reviens, va pas trop près s’il te plaît…
À ce moment-là, le cadavre a attrapé le pied du garçon.

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Halloween
Cerita PendekQui aurait pu imaginer que de telles choses pouvaient arriver ? Certainement pas Alix et ses amis. Cela n'arrivait que dans les films, rien ne les avait préparés à ça, pourtant...