Chapitre 4

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Le seul bruit audible dans la ruelle était celui de la peau frottant contre la peau, ainsi que les gémissements de la fille.

Grâce à ses sens surdéveloppés, Ailean notait beaucoup plus de détails que ne l'aurait fait un homme ordinaire. Il sentait par exemple l'odeur légèrement nauséabonde s'élevant de la poubelle située non loin de là. S'il prenait quelques instants pour s'y attarder, il pourrait même en donner la principale composition. Mais c'était bien la dernière chose dont il avait envie en cet instant.

Ce qui l'intéressait à ce moment-là, c'était la fille dont le buste était en appui sur le muret à l'aspect douteux, fille dans laquelle il était en train de se perdre.

À l'air gourmand qu'elle lui avait lancé tout à l'heure, il avait tout de suite compris qu'il n'aurait pas à fournir beaucoup d'efforts pour obtenir ce qu'il voulait. De fait, il lui avait fallu moins de cinq minutes pour réussir à l'avoir ainsi, entre lui et ce muret, lui en elle.

Ce soir, il n'avait pas particulièrement envie de sexe. Malheureusement, pour obtenir ce qu'il convoitait vraiment, il fallait que sa « victime » – encore qu'Ailean préférait le terme de « donneuse » à celui de victime, beaucoup trop dramatique à son goût – soit occupée à autre chose. Cela facilitait l'échange.

Il pouvait l'affirmer haut et fort grâce à ses 308 ans d'expérience, amener la fille lovée contre lui jusqu'à la jouissance était la meilleure stratégie pour détourner son attention. C'était également la façon la plus simple et rapide de lui voler le précieux liquide coulant dans ses veines, indispensable pour lui comme pour elle, mais pour des raisons différentes.

Demain matin, elle ne se souviendrait pas de cette rencontre fortuite. Elle n'en garderait aucune marque, pas même son sperme, les conditions n'étant pas réunies pour qu'il puisse jouir. Elle aurait simplement le vague souvenir d'un rêve érotique.

De son côté, il aurait refait le plein d'énergie pour quelques jours, avant de devoir se remettre en chasse pour trouver une nouvelle donneuse.

En trois siècles d'existence, Ailean ne saurait dire le nombre de fois où il avait maudit Caïn, le premier de ses ancêtres. À cause de lui, tous les vampires en étaient réduits à devoir se nourrir sur les autres êtres en buvant leur sang. Seulement, ils ne tuaient jamais leurs victimes, contrairement à l'image leur collant à la peau. Non pas par bonté de cœur, mais tout simplement parce que cela entraînerait de facto leur propre mort, c'était donc une question de survie. Encore un petit cadeau de leur aïeul.

Au fil des siècles, le folklore avait construit une image à leur sujet, mais peu d'éléments relevaient de faits réels. Certes, ils avaient besoin de sang, leurs sens étaient très développés et ils étaient dotés d'une rapidité et d'une force inhumaines. Pour le reste, ce n'était qu'un ramassis de conneries.

L'ail ne les faisait pas fuir, sauf si la personne qui leur parlait en face en avait mangé avant, comme toute personne ayant un minimum d'odorat !

Ils pouvaient tout à fait se regarder dans un miroir, d'ailleurs sa sœur Rayna ne se privait pas pour le faire à la moindre occasion.

Concernant la lumière du jour, il est vrai qu'ils ne sortaient que très rarement en plein soleil. Cependant, ce n'était pas à mettre sur le compte d'une quelconque combustion spontanée, c'était simplement que leurs pupilles hyper sensibles ne supportaient pas très bien les rayons. Et puis, la nuit était plus propice à la chasse, seul moment où les vampires se mêlaient aux humains. Le reste du temps, ils ne côtoyaient pas ces êtres jugés comme inférieurs.

Au fil des siècles, se nourrir devenait de plus en plus complexe. Les nouvelles technologies étaient une vraie plaie pour les vampires. Ils devaient continuellement faire attention aux caméras pour ne pas trahir leur existence. Une chance pour eux, ils connaissaient un tour de passe-passe leur permettant de les brouiller durant quelques instants. Ils disposaient également dans leurs rangs de vampires très doués avec un ordinateur, comme Livio, un de ses généraux.

Autre ineptie les concernant, il ne fallait pas être mordu par un vampire pour en devenir un. Ailean et son peuple n'étaient pas une bande de morts-vivants à l'origine humaine, mais bel et bien une espèce à part entière. De tous les clichés existants à leur sujet, c'était bien celui-ci qui l'ennuyait le plus.

Les contractions le long de son sexe bandé le ramenèrent à l'instant présent et lui apprirent que la fille collée à lui était sur le point de jouir. Ailean se prépara donc à frapper. Il dénuda ses crocs qui s'allongèrent en prévision de l'attaque à venir. Ils étaient plus effilés que le plus aiguisé des couteaux, pareils à des aiguilles. D'ici peu, ils allaient perforer la peau, la chair et la veine de la fille afin de permettre à son précieux sang de s'écouler pour venir abreuver sa soif.

Malheureusement pour lui, une nanoseconde avant de passer à l'action, une terrible vague de puissance traversa son corps et le terrassa, le mettant littéralement à genoux.

Assommé par l'énergie qui venait de le frapper et par son implication, il se retrouva complètement sonné.

Se rendant compte qu'il n'était plus en train de lui donner du plaisir, la fille se retourna et lui demanda le regard hagard :

— Mais ... que ...

Ailean ne lui laissa pas le temps d'ajouter quoi que ce soit. Utilisant la Voix sur elle – maigre héritage de Caïn– il lui ordonna :

Casse-toi.

La fille cligna des yeux, le temps que le sort agisse sur son cerveau. Elle partit ensuite sans demander son reste. Pour sa part, Ailean l'avait déjà complètement oubliée, avant même qu'elle ne disparaisse. Son attention était uniquement focalisée sur la révélation qui venait de le frapper.

Une Nefasta, il y avait une putain de Nefasta dans les environs.

Ornella - Nefasta T1Où les histoires vivent. Découvrez maintenant