chapitre 4

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"— Alleeez Andy, trouve un truc correct à te mettre, c'est pourtant pas compliqué !

Je peste contre mon indécision face à ma garde robe pourtant peu fournie. Booooon ! Faut que je me bouge! Il est déjà 9h45 !

— Réfléchis Andreas, qu'est-ce que tu mettrais comme tenue pour aller au travail ?

Je regarde de nouveau mes vêtements. Pourquoi je me prends la tête déjà ? Si je mets un jean et une chemise, ça passe non? 

— Non ? On va dire que si, de toute façon c'est pas comme si j'avais vraiment le choix... Allez, c'est parti !

Je fonce dans ma voiture et allume le GPS avant d'y entrer l'adresse du bureau du directeur. J'accorde alors quelques douces paroles à mon compagnon de route :

— Je te jure que si tu m'envoies me perdre en pleine forêt, je te jette dans la Tamise."

Je suis d'une nature fort sympathique, tout le monde le sait.

Après un trajet étonnamment sans incident, j'arrive au lieu de rendez-vous. Je vérifie l'heure à ma montre : 10h20, j'ai le temps de repérer un peu les lieux. Le bâtiment n'est pas très grand, il ne dispose que de deux étages et ne doit faire q'une dizaine de mètres de long.
J'entre et me retrouve dans un hall presque vide, seul un bureau de secrétaire, et la secrétaire en question, viennent occuper l'espace. Ce doit être lassant au bout d'un moment, d'être toujours seule, à longueur de journée... Tous les jours... Toute l'année... L'unique personne présente dans cette pièce me tire de ma réflexion en m'interpellant :

— Monsieur ? Je peux vous aider ?

Elle me regarde d'un air interrogateur, et je secoue légèrement la tête avant de répondre :

— Oui pardon, je cherche monsieur Orwell, j'ai rendez-vous à 10h30.

— Ah oui, monsieur Dermanis, c'est ça ?

— Oui. Je souris aimablement.

— Suivez moi, il vous attend.

Elle se lève et s'engouffre dans un ascenseur à ma droite, où je m'empresse de l'y suivre. On monte ensuite au deuxième étage et elle me mène à une porte au bout d'un couloir lumineux.
Ok, c'est maintenant que tout va se jouer, il s'agit désormais de faire bonne impression et de montrer que je suis apte à évoluer dans un milieu professionnel. Elle toque et un "entrez!" déchire le silence du bâtiment.
Nous pénétrons dans le bureau sans plus attendre. Mon cœur bat a une vitesse folle et l'excitation me fait presque trembler... J'ai. Un. Entretien ! Bon allez... Reprends toi Andy... Ce ne sera pas le dernier... Mais c'est le premier !! Les premières fois sont toujours excitantes non ? Je sors de mes pensées quand la secrétaire commence à parler.

— Monsieur Dermanis est arrivé.

Hum, certes, merci captain obvious. Je garde néanmoins cette remarque pour moi, c'est son boulot après tout.

Le directeur, un homme dans la cinquantaine, avec des traits lui conférant une apparence sophistiquée -une mâchoire carrée, des pommettes hautes et des cheveux grisonnants- se lève pour me serrer la main. La secrétaire repart alors, reprendre place à son bureau, et compter les post-it j'imagine...
L'homme me fait signe de m'asseoir, sur un siège face à son bureau, ce que je fais sans poser de questions, tandis que lui même s'assoit dans son fauteuil.

— Bonjour monsieur Dermanis, je suis Nelson Orwell, directeur de cette entreprise. Comme vous le savez sûrement, cette dernière fonctionne sur la mise en relation de particuliers en recherche d'offres de services dans le domaine de l'audiovisuel, avec des professionnels offrants ces services. Un jeune chanteur nous a récemment appelé car il était à la recherche d'un cameraman pour compléter son équipe, j'ai vu sur votre CV que vous veniez d'obtenir votre diplôme, et que vous aviez toutes les qualités requises pour cet emploi. Mon travail étant de mettre en relation les offres et les demandes, je lui ai proposé votre candidature, et il a accepté de vous rencontrer.

— D'accord, très bien... Sera-t-il présent aujourd'hui ?

— Oui, monsieur Penniman ne devrait d'ailleurs pas tarder. Avant que vous ne le rencontriez, je tiens à vous prévenir. Il est assez... spécial, ne vous étonnez pas de son look, ni de la musique qu'il présente, il veut être "unique". Comme beaucoup. À mon avis, il retournera vite de là où il vient, s'il continue à s'obstiner et ne pas vouloir suivre les conseils des maisons de production... Mais ce n'est pas de mon ressort d'en juger, et puis, je ne voudrais pas influencer votre décision, alors je n'en dirais pas plus.

Je le regarde assez surpris de la violence de ses paroles. S'il veut être unique ce n'est pas si mal, pourquoi faudrait-il que l'on soit tous des moutons dans ce monde ?

— C'est avec lui que vous verrez votre salaire, il sera sans doute assez bas au début... Voire jusqu'au bout du contrat. Voilà, vous savez à quoi vous attendre désormais. 

Bon... Ça commence bien. Au moins j'aurais du boulot et un salaire, c'est déjà ça. Il faut toujours re-la-ti-vi-ser, ce job c'est une vraie opportunité pour débuter !

— Que diriez vous d'un café en attendant monsieur Penniman ? Le directeur regarde sa montre. Il devrait être là d'une minute à l'autre.

— Ce ne serait pas de refus !

Nous nous levons et allons au distributeur de café dans une salle attenante au hall d'entrée, puis nous commençons à parler de tout et de rien, avant de nous rendre compte que quinze minutes étaient déjà passées depuis 10h30... Pour faire clair, ce monsieur Penniman est en retard. Génial, franchement, on adore. Plus les minutes passent, plus je sens mon humeur se détériorer, et mon stress monter par paliers. Moi qui me faisait une joie pour mon premier entretien... Enfin ! J'imagine que ça pourrait être pire.

— Il ne faut pas vous en faire, il va arriver, il est juste un peu en retard...

Je souris légèrement, par politesse, mais la joie n'y est pas. Monsieur Orwell a dû le remarquer car il tente une blague. Si on peut appeler ça une blague. Est-il possible de se frapper la tête contre un mur, là maintenant tout de suite ? Non ? Dommage.
Un silence gênant s'installe, si ce Penniman n'est pas là dans quinze minutes je m'en vais.

Dix minutes plus tard la sonnerie de l'interphone brise le silence pesant qui s'est installé. Avec un soupir de soulagement, nous nous rendons dans l'entrée afin d'accueillir mon probable futur employeur, que la secrétaire laisse entrer en appuyant sur le bouton d'ouverture de la porte. Entre alors un homme de dos, très grand, et semblant sortir de la jungle amazonienne, au vu du désordre de ses cheveux. Il  a poussé la porte avec son dos, il doit sans doute avoir les mains chargées. En se retournant... Effectivement... Ses mains sont chargées au point de laisser tomber la moitié des papiers, il a une bouteille d'eau sous le bras et il tente de rattraper les dossiers qu'il est en train de perdre à l'aide de son genou, ce qu'il ne réussit évidemment pas à faire. Il est en équilibre sur un pied et tout cela le fait tourner sur lui-même pour garder son équilibre tandis qu'il essaye de s'excuser de son retard.
Bon... il me fait pitié, je vais l'aider.

— Attendez je vais vous prendre quelques trucs.

Il relève enfin la tête et me remercie avec un grand sourire... Oh non... Je reconnaîtrais son visage entre mille... Voilà Vomito... Quel genre de karma vous fait passer un entretien avec un mec qui vous a vomi dessus  ? Quoique j'aurais dû m'en douter, le karma et moi, c'est pas une grande histoire d'amour... Au moins il est mignon, c'est déjà ça j'imagine...

— Je suis encore vraiment désolé du retard, j'ai raté mon bus, et c'était le dernier avant longtemps, du coup j'ai dû prendre le métro, sauf que je savais pas lequel c'était, donc j'ai dû demander à des contrôleurs, sauf que la ligne directe était en travaux, donc j'ai dû prendre plusieurs correspondance, mais je m'y suis retrouvé et je suis là !"

Sa précipitation à nous expliquer en détail ses mésaventures me fait esquisser un sourire, tandis que je termine de ramasser les papiers éparpillés au sol. Il n'a pas l'air de se souvenir de moi, ou alors il le cache bien. Ou il n'a pas eu le temps de me remettre, c'est aussi une possibilité. Mais vu l'état dans lequel il était, je doute que s'il se souvient de quelques bribes de sa soirée, ce ne sera probablement pas du moment ou il s'est effondré dans mes bras en rendant le contenu de son estomac sur mon t-shirt.

Je me relève et lui tend ses dossiers, qu'il tente tant bien que mal d'attraper, avant de me sourire d'un air contrit en me demandant si je peux les porter jusqu'au bureau.

Tiny Little LoveOù les histoires vivent. Découvrez maintenant