Il y a deux jours, nous sommes allés rendre visite au gérant, chez lui, pour éviter d’attirer l’attention. Il a confirmé une nouvelle fois et a précisé que Damon ne venait que les vendredis et samedis. Il nous a supplié de ne pas intervenir dans son bar, sûrement pour éviter une quelconque casse, si bagarre il devait y avoir. Je l’ai rassuré sur ce point.
Nous avons profité de ce court répit pour monter un plan, en étudiant les photos prises des alentours, sur la façon de le coincer en toute discrétion. À côté du bar, sur la droite, se trouve une petite ruelle, nous comptons mettre quatre hommes armés. En face, une boulangerie/sandwicherie qui ferme à 20h et une armurerie, se trouvant côte à côte et donnant un point de vue parfait sur l’entrée du bar. Je me tiendrai dans l’armurerie puisque je connais très bien le proprio et qu’il a accepté ma présence. Toute la rue sera bloquée, il ne devrait pas pouvoir nous échapper. Je serai en contact constant avec mes frères, nous n’aurons pas droit à l’erreur.
Je suis actuellement assis et de mon poste de surveillance, je peux apercevoir toute personne entrant et sortant du bar. L’impatience me gagne, néanmoins, je dois me canaliser. J’ai attendu cet instant vingt longues années, ce n’est pas le moment de tout faire foirer. Penser à ce monstre fait remonter tous les souvenirs liés à lui.
J’avais dix ans à l’époque des faits. Nous vivions dans un petit quartier résidentiel, dans une maison de la classe moyenne américaine. Un beau jardin, un étage, de belles barrières blanches. Le quartier était occupé uniquement de bikers, c’était plutôt rassurant. Ce jour-là, je suis rentré seul de l’école une heure en avance. Mes parents n’étaient pas d’accord pour me laisser trainer seul puisque, quelques semaines auparavant, un môme avait été kidnappé. Une sale affaire. Ils m’avaient bassiné sur l’importance de faire le chemin en compagnie d’une personne de confiance. Je ne voulais pas que l’école les appelle pour qu’ils viennent me récupérer, alors j’ai menti, prétextant rentrer avec mes copains. Je voulais juste rentrer et jouer aux jeux vidéos. J’ai donc été très déçu de constater que la voiture de ma mère était dans l’allée. J’allais m’en prendre plein la gueule plus tôt que prévu ! Je suis passé par la porte de devant en criant « Maman ! Je suis rentré, mon instit a dû partir plus tôt ». Étonné de ne recevoir aucune réponse, je me suis mis à sa recherche après avoir déposé mon sac. Plus j’approchais de la cuisine et plus une odeur désagréable me parvenait.
Je n’oublierai jamais, au grand jamais ce que j’ai découvert en passant le seuil de la cuisine. Ma mère était bien là, nue, allongée sur le plan de travail dans une position étrange. Son corps était rouge sang. La cuisine en était immaculée. C’était une véritable boucherie ! Je me suis avancé à petit pas, sous le choc et c’est à cet instant que je me suis aperçu que son bide était ouvert. Ses tripes ressortaient, j’ai à peine eu le temps de me retourner avant de vomir à même le sol. Je pleurais et vomissais sans pouvoir m’arrêter. Je voulais quitter cette pièce et prévenir mon père mais j’étais incapable de faire le moindre mouvement.
Je suis resté deux heures dans cette pièce à répéter sans cesse maman, maman, maman…, tout en me balançant d’avant en arrière, mais seul le floc des gouttes de sang de ses entrailles tombant sur le sol me répondait. Je ne sentais plus rien hormis mes spasmes douloureux et un vide immense. Deux heures se sont écoulées, effondré devant le corps de ma mère, son sang imprégnant le jean de mon pantalon avant que mon père ne rentre, portant Sylvia, ma petite sœur, dans ses bras. Il m'a trouvé ainsi, à genoux sur le sol, le corps secoué de sanglots. Il a poussé un cri, qui vingt ans plus tard, résonne encore à mes oreilles. Il s’est retourné pour déposer ma sœur au sol avant de faire de nouveau face à l’horreur. Et pour la première fois. Pour l’unique fois de toute ma vie, j’ai vu mon père pleurer avant qu’il accoure pour cacher le corps de nos vues.
Son Vice-Précédent de l’époque, qui vivait dans la maison d'à côté a accouru, alerté par nos hurlements entremêlés, arme au poing. Les choses se sont passées ensuite si vite que tout reste très flou.
Je ne me souviens que de mon père répétant le prénom de ma mère, et hurler Qui t’a fait ça ?! Une amie de mes parents s’est ensuite occupée de moi, elle m'a lavé, bordé et couché.
Je me suis réveillé un peu plus tard. Il faisait encore nuit. Du bruit me parvenait d’en-bas, j’ai cru que le tueur revenait pour moi, je me sentais prêt à l’affronter, il avait tué ma mère ! En réalité, ce n’était que mon père et ses amis qui discutaient. Je me suis caché pour les écouter et j’ai entendu mon père assurer que c’était un coup d’un certain Damon puisqu’il avait laissé sa carte de visite. Plus il parlait de lui et plus ma rage, ma détermination augmentait. Cette nuit-là, je me suis juré que je le retrouverai et que je lui ferai subir le même sort que celui qu’il a réservé à ma mère.
Une voix à mon oreille m’extirpe de mes souvenirs pour me faire revenir à la réalité.
- Cible en approche ! Je répète, cible en approche !
Tous mes muscles se tendent dans l’attente et je l’aperçois enfin, pile à l’heure. Ses cheveux le rendent reconnaissable, il n’y a aucun doute possible ! Il porte un vieux blouson de cuir, très sale, un jean et une chemise de couleur sombre. Sa démarche est fluide, sans difficulté particulière malgré un léger boitement. Son visage est excessivement ridé, comme si son corps avait vieilli plus vite. A le voir ainsi, il paraîtrait presque inoffensif pour toute personne qui ne le connaît pas. Personne ne se douterait qu’ils viennent de croiser le chemin du diable.
Plus je le regarde et plus cela m’est difficile de me retenir. Je n’ai qu’une envie, foncer dans le tas et lui tomber dessus mais je ne le peux malheureusement pas. J’ai promis à mon père que je le lui ramènerai vivant ! J’envoie un message à mes frères pour les prévenir de ne faire aucun geste inconsidéré. Depuis le temps, tous nourrissent la même rancune vis-à-vis de lui.
L’heure passe lentement, beaucoup trop. Les secondes me paraissent des heures. Je trépigne, ce qui est une mauvaise chose, je dois garder la tête froide ! Quand enfin il apparaît de nouveau et se dirige vers la petite ruelle, j’attends un peu avant de quitter l’armurerie. Je le suis, en gardant une petite distance entre nous. Mes sens me hurlent que quelque chose ne va pas, un mauvais pressentiment me prend à la gorge. Je le laisse prendre encore un peu plus de distance pour ne pas éveiller ses soupçons. Mes frères ne m’ont signalé aucun véhicule avec lequel il serait venu donc, à pied, il n’y a aucune raison pour qu’on perde sa trace !
Nous débouchons sur le croisement, c’est l’endroit où nous pouvons rejoindre la route principale ou continuer sur les petites rues. Du coin de l’œil, je repère mes frères, ils ne quittent pas notre cible du regard. Damon passe dans une autre ruelle où l’éclairage est encore plus mauvais et par manque de chance, ce n’est pas celle où nous avons mis des gars, je me précipite à sa suite mais au moment où j’atteins enfin l’entrée de la ruelle, je me rends compte que ce n’est pas un cul-de-sac. Il y a un chemin qui mène sur une route pavée et une moto est garée juste devant. J’ai tout juste le temps de le voir démarrer sa bécane et quitter rapidement les lieux. Je lui cours après, bien que ce soit inutile mais c’est plus fort que moi. Je cours sans m’arrêter, prenant à peine le temps de respirer. Il ne peut pas m’échapper ! Pourtant, c’est ce qui est en train d’arriver. Quelque chose a merdé et ma cible a réussi à s’en tirer.
Je m’arrête au bout de quelques mètres, je me plie en deux, les mains sur les genoux et mes yeux s’emplissent de larmes. Je les retiens de justesse alors pour évacuer toute cette hargne en moi je crie, je hurle ma peine. Je n’en reviens pas, la mission la plus importante de ma vie est une débâcle… J’étais censé rentrer avec lui et exercer cette vengeance qui attend depuis vingt ans. Je ne sais pas comment je vais gérer la suite, ni comment je vais pouvoir affronter mon père et lui annoncer la nouvelle. Tout ce que je retiens, c’est que j’ai échoué. Une larme m’échappe et roule sur ma joue, comme une demande de pardon à ma mère d’avoir raté cette occasion inespérée.
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Savages MC : Connor Tome 1 ( Sous Contrat d'édition, Elsie Édition )
PertualanganIl y a 18 ans ces enfoirés nous ont enlevés un être cher... Celui qui a orchestré cet assasinat est de retour. Le moment de la vengeance à sonné. C'est le premier tome de la saga Savage's MC ⚠️⚠️⚠️ LANGUAGE CRU ET SCÈNE MATURE ⚠️⚠️⚠️