n y m p h é a s

13 1 0
                                    

Les nymphéas de Monet, célèbre tableau que tu as admiré pendant des heures sans les compter. Au courant du mois de janvier, dans le froid enivrant de l'hiver, tu es allé faire un tour au musée de L'orangerie dans le Jardin des Tuileries, en face de la Place de la Concorde à Paris. Tu grelotais sur tes hauts talons ; t'enveloppant un peu plus à chaque pas dans ta grosse doudoune, ta petite robe bleue volant au vent. Tu aimais bien les musées, tu aimais l'art, depuis toute petite. Tu ne cherchais pas à voir la beauté au travers de chaque œuvre sur laquelle tu posais tes yeux, tu tentais juste de comprendre l'artiste, te livrant à un petit jeu d'observation. Les formes, les couleurs, les titres ; tout comptait quand tu essayais d'interpréter une œuvre, mais tu n'étais jamais satisfaite de ta réflexion finale.

Au détour d'un couloir, la toile a capturé ton regard. Tu t'es avancée lentement, savourant l'instant. T'asseyant sur un banc sans quitter une seule fois le tableau des yeux. Tu es restée là des heures sans détourner la tête. Je n'étais pas loin et l'œuvre d'art qui m'envoutait n'étais pas fixée au mur. Le musée a fermé, t'obligeant et moi par la même occasion à prendre congé. Mais tu ne t'es pas laissé décourager et tu es revenue le lendemain et le surlendemain et le jour d'après. Le mois de janvier s'est terminé dans cette nouvelle routine et février a suivi. Pendant des mois, il n'y a pas un jour où tu n'as pas mis les pieds dans ce musée. Toujours au rendez-vous sur le banc faisant face à ton tableau préféré. Il m'est arrivé d'occuper la place que tu laissais vacante à ta droite et quelques fois tu tournais la tête dans ma direction, tes lèvres se relevant de part et d'autre en un mince sourire qui me donnait des papillons dans tout le corps. Je n'ai jamais eu le courage de te le rendre ou d'engager une conversation avec toi. Crois-mois, ce n'est pas l'envie qui m'en manquait.

Et puis soudainement, sans prévenir, tu as arrêté de passer les portes du musée. Je n'ai jamais su pourquoi et je pense que je ne le saurais jamais. J'ai continué de venir, espérant que peut-être, un jour, tu réapparaîtrais sur ce banc, sur notre banc. Et je l'espère toujours.

 Et je l'espère toujours

Oups ! Cette image n'est pas conforme à nos directives de contenu. Afin de continuer la publication, veuillez la retirer ou mettre en ligne une autre image.
N I AOù les histoires vivent. Découvrez maintenant