la fin.

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La fin.


Il est assis contre le mur du salon. Un mur vide. À ses pieds, la boule à facette est bloquée sur une lumière rouge. Elle clignote par intermittence, usant ses dernières forces. Autour de lui, le sang séché est en train de laisser sa marque indélébile sur les planches du parquet. Les corps sont partout. Mais Harry ne les regarde pas. Il fixe la fenêtre. Il fait encore nuit, pourtant, dans quelques heures, l'aube se lèvera. À présent que les rideaux sont déchirés, la lumière du petit matin pourra se déverser dans la pièce. Il a hâte de voir le soleil. Il se sent calme et apaisé.

Sur son visage, des traces de sang. Sur ses mains aussi. Et sur son corps toujours nu. Partout. Il en est recouvert. Il ne sait même plus comment cela est arrivé. Il était avec Louis dans le couloir, et l'instant d'après, il se tenait là, dans le salon, le couteau à la main, du sang partout, même dans ses cheveux. Étrangement, il n'a pas froid. Il n'a plus froid. Il appuie sa tête contre le mur, ferme un peu les yeux. Il sourit. Au-dessus de sa tête, tracé avec ses doigts, il a écrit la première lettre de son prénom.

Un L rouge, dégoulinant.

Il lui manque déjà. Il sait qu'il reviendra. Qu'il viendra le chercher. Ce n'est qu'une question d'heures.

L.

Il a hâte de l'embrasser à nouveau. De prendre sa main, et de toucher sa peau brûlante. De lécher la marque sur sa hanche. Il a la même, à présent. Il le sait. Il ne l'a pas effleuré. Il attend que ce soit lui qui le fasse, le premier.

Il sera couvert de sang, et L sera là, à lui sourire, les bras ouverts. Ils s'enlaceront. L n'aura pas peur de lui. Il est le seul à avoir compris. Harry sait qu'il s'agenouillera, et qu'il embrassera la marque. Elle deviendra rouge.

Rouge sang.

Harry sourit un peu plus.

Il attend.



C'est un cimetière. Une semaine plus tard. Deux hommes, casquettes sur la tête, finissent de retourner la terre. Il fait froid. De leurs bouches sort de la vapeur grise. Le brouillard caresse la terre, rougit leurs doigts secs.

JEAN : Sale affaire, tout de même...

VICTOR : Tu crois que le gamin... ?

JEAN : Évidemment ! Qui d'autre ? De toute façon, les gosses de nos jours...

VICTOR : Il paraît qu'ils étaient deux. C'est ce qu'il a dit aux flics. 

JEAN : On a pas retrouvé l'autre en tout cas... Quand ils sont entrés dans la maison, il n'y avait que ce Harry, assis devant le mur. Il était nu et recouvert de sang. Il n'a même pas réagi quand il s'est fait arrêter, il souriait seulement, en disant qu'il attendait quelqu'un, je ne sais plus le nom... À mon avis, il a tout inventé. Il était complètement malade de toute façon, ça se savait.

VICTOR : Quand même... Assassiner plus de vingt personnes. Je me demande comme il a fait.

JEAN : Tu sais, quand on est fou... Il a pris un couteau de cuisine et il a buté tout le monde. Une vraie boucherie. La maison est invendable maintenant... 

VICTOR : Enfin, je suis bien content qu'il se soit jeté par la fenêtre.

JEAN : Tu parles ! La police avait l'air fâché de ne pas pouvoir comprendre mieux que ça l'affaire mais moi je suis bien content. Au moins, on en parlera plus de ce gamin.

VICTOR : C'est sûr... Tu sais ce qui se dit ? Sur son corps, il aurait eu la marque du Diable !

JEAN : Du Diable ? (Il pouffe un peu, secouant la tête) Qu'est-ce que c'est que ces histoires !

VICTOR (un peu vexé) : C'est les rumeurs. Il aurait été possédé.

JEAN : Pfff. Des racontars... Le Diable, il y a bien longtemps qu'il ne prend plus possession de personne, mon pauvre vieux. Et puis, qu'est-ce qu'il en aurait fait de ce gamin ? L'épouser ! L'emmener dans son château sous terre, au milieu des flammes ? Tiens... Il va surtout rejoindre les vers de terre, cet abruti. 

Ils continuent de retourner la terre, se chamaillant pour passer le temps. Derrière eux, assis sur une tombe, un chat noir les observe. Il reste assis jusqu'à ce que les deux hommes finissent par prendre leurs outils et repartir. Alors, seulement, il se lève, et d'un pas souple et léger, il s'avance jusqu'à la tombe venant tout juste d'être recouverte. Il s'allonge. Tout est silencieux autour de lui. Le jour qui commence à mourir est paisible. Les nuages ont une teinte orange et mauve. 

Dans la nuit, le brouillard finira par tout recouvrir. 

Seul le chat saura retrouver son chemin sans lumière. 



FIN.

THE DEVIL IN MY BRAIN (whispering my name)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant