SCENE IV

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6h37 avant la fin


Ils sont quatre, dans la chambre d'ami. Les lumières sont éteintes. Il n'y a qu'une bougie posée entre eux, qui illumine leurs visages d'une lueur pâle et tremblotante. Harry est un peu en retrait. Il fixe Mathilde, dont les yeux brillent. Il n'est pas à l'aise. Ses doigts ne cessent de triturer le bouchon de la bière que Willy, en épouvantail démoniaque, lui a mis entre les mains. L'autre garçon s'appelle Arthur. Il est déguisé en zombie. Sa fausse perruque est posée derrière lui. Son front luit de transpiration depuis qu'ils ont fumé.

HARRY : Je n'aime pas tellement ça...

MATHILDE : C'est amusant.

WILLY : Tu peux toujours partir si tu as peur.

Harry se mordille la lèvre. Il ne dit rien. Il ne partira pas.

ARTHUR : Je l'ai déjà fait avec des amis. Ça n'avait pas marché.

WILLY : Mais ce soir c'est Halloween.

HARRY : Il ne faut pas attendre minuit ?

WILLY : Je ne pense pas. On peut même le faire en plein jour.

MATHILDE : Tu t'es renseigné ?

WILLY : J'ai lu des articles.

Harry observe la petite planche de ouija posée près de la bougie. Il ne sait pas comment ça marche, ces choses là. Il prend une gorgée de bière, lentement. L'alcool commence à lui monter la tête. Heureusement qu'il n'a pas pris son médicament... Ou peut-être pas... Il ne sait plus tellement ce qui est le mieux.

HARRY : Est-ce qu'on va appeler Lucifer ?

MATHILDE (faisant les gros yeux) : Tu es fou ! Ne prononce pas son nom.

HARRY (haussant les épaules) : C'est une simple question.

WILLY : Je ne pense pas qu'on soit capable de faire venir Lucifer, Harry. On va penser à un esprit, c'est tout. Il doit bien y avoir des gens qui sont morts dans cette grande baraque, non ? Tu connais tes ancêtres ?

Harry tourne quelques instants la tête vers la fenêtre. La vitre est si froide qu'elle est à moitié pleine de buée. Il ne voit même pas la lune, seulement la lueur blanchâtre qu'elle dessine sur les rideaux. Il finit par murmurer.

HARRY : Il y a un petit cimetière au bout du jardin. Mais plus personne n'y est enterré depuis au moins 200 ans... Les tombes sont à moitié en ruines.

MATHILDE : Ta mère ne les entretient pas ?

HARRY : Je ne sais pas. Elle s'en fiche, je suppose. C'était la famille de mon père, pas la sienne.

Un petit silence se fait. Harry boit à nouveau. Puis il avance sa main vers le ouija et soupire.

HARRY : On a qu'à appeler un esprit au hasard. On verra bien lequel arrive.

ARTHUR : C'est vrai. Faisons ça.

WILLY : Il faut qu'on pose chacun notre doigt sur la goutte... Rapproche toi, Harry. Et pose cette bouteille.

HARRY : Qu'est-ce que ça change ?

WILLY : Il faut que tu sois vraiment concentré. Sinon, ne le fais pas.

Harry lève les yeux au ciel mais finit sa bouteille avant de la poser au sol. Il se sent un peu nauséeux. Il ne va pas l'avouer, évidemment. Il s'avance avec les autres. Genoux collés à la planche de bois.

THE DEVIL IN MY BRAIN (whispering my name)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant