SCENE VII

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5h01 avant la fin


C'est la chambre d'Harry. Une chambre aux fenêtres immenses, sans rideaux. Tout est en bois sombre. La tapisserie est vieille. Les meubles grincent. Tout autour du lit ont été accrochés des voiles blancs, qui servent de moustiquaires quand vient l'été.

Harry est assis au milieu du lit, Louis allongé près de lui, sur le ventre. Ils parlent à voix basse. Leurs yeux ne se quittent pas.

LOUIS : Moi, je ne connais pas ma mère.

HARRY : Tu as été abandonné ?

LOUIS : En quelque sorte... Pourquoi est-ce que tu détestes la tienne ?

HARRY : Comment tu sais que je la déteste ?

LOUIS : Je ne sais pas. Je sens ces choses-là.

Harry reste silencieux un moment. Puis il se laisse tomber en arrière, sa tête s'enfonçant dans l'épaisseur de son oreiller. Il parle en fixant le plafond.

HARRY : Je ne sais pas si je la déteste vraiment. Mais parfois, je rêve de la tuer. Ou du moins, qu'elle ne soit plus ma mère. Juste une femme que je pourrais éviter.

LOUIS : Tu le lui as déjà dit ?

HARRY : Oui. Quand je ne prends plus mes médicaments je lui dit ces choses-là... Parce que je suis en colère, et que la colère me dévore vite.

LOUIS : Et tu t'en veux ?

HARRY : Je ne sais pas. Non, je crois. C'est agréable de dire la vérité. Parfois, j'aime bien être méchant. C'est horrible, non ? Par exemple, tout à l'heure, en regardant les gens danser, je me suis dit que je les méprisais et que j'aurais voulu qu'ils crèvent. 

Louis se met à rire, en secouant doucement la tête. Non, il ne trouve pas ça horrible. Il comprend. Il se redresse un peu, rampe jusqu'à Harry, pour pouvoir s'allonger contre lui. Leur intimité est étrange et évidente à la fois. Harry n'a pas l'impression d'être près d'un inconnu. C'est comme si l'odeur de Louis était déjà imprimée sur lui depuis longtemps.

HARRY : Pourquoi est-ce que tu me demandes tout ça ?

LOUIS : J'aime bien ta façon de parler. J'aime bien les personnes franches.

HARRY : Tu me trouves franc ?

LOUIS : Oui. Tu me trouves beau et tu me l'as dit. Tu détestes ta mère et tu le lui dit.

HARRY : J'ai aussi dit à Willy que je le haïssais tout à l'heure.

LOUIS : Qui est Willy ?

HARRY : Un abruti. J'aimerais bien qu'il crève, lui aussi, d'ailleurs.

LOUIS : Tu dis ça parce que tu as bu.

HARRY : Peut-être. Mais je le pense un peu.

Louis sourit à nouveau. Leurs visages sont très proches. Il avance doucement sa main, et ses doigts effleurent la bouche d'Harry. Il redessine le contour de ses lèvres, de son nez, très lentement.

LOUIS : Tu aurais dû te déguiser en Lucifer.

HARRY : Pourquoi ?

LOUIS : Car il est le plus beau et le plus impitoyable des anges déchus.

HARRY : Tu trouves que je suis beau ?

LOUIS : Bien sûr. Je te regardais tout à l'heure, dans le salon où tout le monde dansait. Je te trouvais beau. Et je te trouve encore plus beau maintenant.

THE DEVIL IN MY BRAIN (whispering my name)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant