Chapitre 2.1

39 4 12
                                    


Une ambiance lourde et bruyante régnait désormais au château de Castille. Les hommes se trouvaient entre eux, parlant haut et fort de sujets qui semblaient d'oreille ennuyeux et barbares. Politique, argent, femmes et choses semblables les faisaient rire soudainement et non discrètement à gorge déployée attirant sur eux tout le ridicule et les hommages les plus respectables, dirait-on pour avoir lancé la meilleure plaisanterie du siècle. Iseult ne comprenait pas comment l'on pouvait manquer de sérieux sur certains points. Mais les hommes en avaient toujours ainsi. L'époque de la bourgeoisie au siècle prestigieux du progrès et de la société les avaient souvent représenté tels de grands héroïques, pour certains vieux et fatigués par les bruits du monde, le pas lent, l'allure qui reste du mois galante.

Quant aux jeunes, ils donnaient l'impression de grandeur et de puissance, plein d'énergie et de vive gaité. Mais certains se distinguaient de ceux qui restent assis à la table des savants et philosophes, au milieu des livres et de la science et qui s'interrogent encore sur le monde. Ils ont le sang bouillonnant, les galons qui les gratifies, les uniformes rouges et flamboyants aux couleurs du royaume, l'honneur et le prestige, quelque chose de glorieux dans leur titre et leur dignité, un physique à en faire pâlir, des yeux de conquérants et une destinée mirifique ou se sèment l'argent, l'or, le pays et l'amour. On les nomme des princes... Et c'était eux qui peuplaient la moitié du hall en cet instant.

Aux abords de la galerie, quelques-uns cependant s'étaient rassemblés, attroupés autour des verres et causant avec gaité et humour. Ils étaient au moins cinq. Cinq grands hommes aux somptueux costumes dont les lanières de cuir brillaient sous les lumières claires et leur taille bien tracée aux larges épaules pesantes se dessinait sous un profil bien net et sans imperfections. Cinq grands hommes dont leur allure aussi belle que distinguée laissait l'image de nobles conquérants au regard de feu ou de braise, de flamme de toute évidence qui dévore la gloire et le prestige d'un grand pouvoir, le nouveau continent découverts semés par les premiers pas ou la jeune fille désirée.

Iseult aperçut alors Adriana au centre de leur attention les yeux brillants d'une gaité qui lui était toujours aussi propre et commune. Elle se plaisait à parler, user de sa langue devant ces hommes et eux-mêmes semblaient sous le charme, subjugués par ses traits physique, ne cessant de lancer par moment un ou deux compliments bien tournés tels que « vous êtes en beauté ce soir » ou « quelle belle robe, elle vous sied à ravir »...

De loin, Iseult les voyait. Elle les voyait tous, elle les enviait plus que tout. Non pour les plaisirs qui les enveloppaient, ni pour sa réputation mais parce la solitude au fond d'elle-même se faisait plus poignante, agressive et tortueuse au point qu'elle en avait mal. Elle dut faire un effort pour se contenir devant les éclats de rires joyeux qui parvenaient à son oreilles, face aux lancés pierreux de son cœur sur les plaisirs de la vie qu'elle voyait devant elle sans les désirer, les lapidant profondément à coup violents. Mais pourtant, au fond, elle reconnaissait que rien n'arrangeait les choses de rester ainsi lamentable et seule.

Lorsqu'Iseult reporta son attention vers le groupe, elle vit sa cousine se tordre de rire puis poser une main sur l'uniforme rouge d'un des pinces tout en admirant les décorations dorées et les tresses royales avec lesquelles elle jouait. C'était un grand jeune homme blond aux yeux d'un bleu intensément profond et sombre et son visage était d'un teint perlé de sable. Il avait une belle allure et un sourire charmeur qui ne se dévoilait que pour Adriana qui se collait à lui. Quelle noble et grandiose figurine il faisait pour une mijaurée à la langue bien pendue et aux airs de déesse. Il était de toute évidence bien aveugle et stupide, tout comme elle pour la considérer si amoureusement. Tous deux se dévoraient des yeux en riant devant toute la troupe dont la conversation ne les ennuyait pas encore. Iseult fut tout de même scandalisée par l'attitude désinvolte d'Adriana.
Jamais une princesse ne se conduisait ainsi en société, de toute évidence, sa cousine ne s'en souciait guère. Car fuir les regards ne lui serait qu'insupportable. Alors elle se contentait de paraître telle une paysanne aux grands airs de chatte miaulant sur les trottoirs au panache écarlate, le rire criard et effilé d'oie de bassecours ou de mulet effronté. Le seul effet qui la distinguait de ces sauvages bêtes stupides n'était que sa belle figure de poupée d'ébène et ses robes dispendieuses éclatantes de couleurs claires. Mais qu'allait bien pouvoir faire Angord de cette héritière ?

Les bâtisseurs d'empires (réécriture intégrale)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant