Chapitre 2.4

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La soirée se faisait plus pesante alors que les lumières aux couleurs étincelantes chaviraient, se mélangeaient dans une ambiance festive. La salle de bal ne demeurait jamais vide. Et maintenant que minuit approchait, Iseult se sentait désespérément vide comme la soirée interminable comme jamais. Le seul désir qui la saisissait était celui qu'elle finisse alors que tout en elle, s'agitait son cœur tremblant d'un ennui mortel. Jamais elle n'avait aimé ces réceptions banales et communes dépourvue d'utilité, aussi insensées que froissantes. Il était bien dur d'accepter une réalité aux douleurs du temps qui passe avec lenteur et ennui. Pour Iseult, ce temps devait être poursuivi avec ardeur car il ne peut e rattraper même si on le désirait. Combien plus alors fallait-il le saisir au vol avec une envie de l'utiliser sagement. On le lui avait souvent dit et la jeune fille s'en était souvenue, aujourd'hui comme autrefois. Elle revoyait dans ses yeux fermés, les douceurs du temps jadis aux années d'enfance de bonheur vécues, ancrées dans une mémoire qui ne s'oublie pas. Alors Iseult revoyait comme au travers de l'image du tableau de la galerie, les yeux tendres de sa mère au sourire apaisant, au visage paisible, aux mains maternelles, à la voix doucereuse qui lui soufflait : « N'oublie pas que chaque instant que tu dépenses ne peut se rattraper. Les années sont comme une seconde et la vie est si courte. » La jeune fille n'oubliait ni ces mots, ni celle qui les avait prononcés. Castille avait bien besoin de racheter le temps perdu, de reposer sur des nuits exemptes d'agitations aux funestes cérémonies colorées.

Iseult revint à la réalité devant laquelle elle voyait les danses se succéder. Plus reposantes étaient les valses aux couleurs harmonieuses que les fougueux quadrilles. Lentement, elle se laissa bercer par la lente mélodie profonde, adossée au mur brillant de la salle près de la porte-fenêtre ouverte sur la terrasse noire de la nuit. Alors son regard parcourut la salle, reconnaissant Amy qui dansait avec Adams, Adriana plus loin qui s'enivrait de ponch toujours en compagnie de ses prétendants et d'autres connaissances. Ses yeux s'arrêtèrent sur la double porte ouverte de la salle. Le jeune et mystérieux inconnu aux yeux verts s'y trouvait. Franchissant le seuil, il s'avança d'un pas léger et conquérant. Iseult ne le quittait pas de yeux et constata avec stupeur que lui aussi la fixait en s'approchant. La jeune fille retenait son souffle tant l'émotion commençait à la secouer.

Lorsqu'il fut près d'elle, il s'inclina avec cérémonie et Iseult se détacha du mur sur lequel elle s'appuyait négligemment.

— N'avez-vous pas de cavalier mademoiselle ?

Sa voix résonnait si douce et apaisante que la jeune fille en oublia le trouble qui la saisissait. Elle regarda le jeune homme avec attention, il y avait une lueur dans ses yeux et un tel sérieux sur son visage.

— Non, répondit-elle doucement

— Me feriez-vous le plaisir de m'accorder celle-ci ?

Et tout en parlant, il désigna d'un geste les musiciens et la pièce aux couleurs claires et brillante des lumières.

Iseult accepta sans comprendre pourquoi cette force inconnue la poussait si fort. D'un autre côté la jeune fille désirait cette danse un peu timidement mais heureuse d'oublier peut-être un instant l'échec de sa compagnie avec Ashley. Le jeune inconnu n'avait pas quitté son visage serein et sérieux et c'est avec douceur qu'il emmena sa cavalière vers le milieu de la pièce tandis que celle-ci fixait ses yeux sur le parquet luisant de la salle. Lorsque de nouveau les premières notes se mêlèrent au pas des danseurs, Iseult sentit autour d'elle un brouillard intense s'épaissir et la main du jeune homme se poser à sa taille. Un instant plus tard, elle valsait si près de lui dans un mouvement léger qu'elle n'avait pas l'impression de contrôler. Elle se sentait avec cette légèreté, suivant lentement le rythme de son cavalier. Ses yeux se posèrent sur son visage qu'elle voyait maintenant avec netteté, bien plus que lorsqu'il se trouvait encore près du piano il y a un instant. La jeune fille pouvait entendre sa respiration, voir ses paupières cligner. Il semblait plus beau encore avec ses yeux clairs et brillants à l'expression singulière. Sa flamboyante chevelure aux mèches balancées devant son front lui donnait un charme un peu effronté qui le rendait tel un garçon aux allures intrépides et fougueuses. Pourtant, son air ne le montrait guère désinvolte. Aussi bien que son regard restait posé avec douceur sur celui de la jeune fille il gardait avec une loyauté absolue une immense dignité qui le rendait prince. Et Iseult ne savait qui il était. Elle ignorait tout de lui jusqu'à son nom et lui devait ne pas la connaître mais une chose l'avait pourtant frappée car, au-delà de son apparence, elle lui aurait accordé un statut bien plus honorable qu'Ashley qui pourtant n'était pas moindre non plus. Il avait une démarche et une allure parfaite, et son uniforme d'un vert perlé n'anoblissait. Lus la jeune fille y pensait, plus elle pensait le connaître plus. Ses yeux se perdirent dans les siens. Captivée par cette lueur incertaine, elle ne pouvait s'en détacher. A quel tel point qu'elle n'aurait jamais pu le voir chez Ashley. Il était bien trop indifférent pour la connaître. Le jeune homme qui se trouvait devant elle en cet instant était tout autre. Son étreinte était à la fois douce et ferme. A travers la large pièce aux couleurs miroitantes se perdaient ses pas qui l'emmenaient avec légèreté. Iseult continuait de le fixer, bercée par la douceur de la valse qui la saisissait, oubliant ses propre pas, elle se laisser flotter doucement comme dans un rêve.

Les bâtisseurs d'empires (réécriture intégrale)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant