Chapitre 3

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Candice n'était pas revenue. C'était prévisible. Après les atrocités que je venais de lui balancer, quoi de plus normal que de s'enfuir et de ne plus jamais revenir me voir ? En tout cas, si je l'avais pu, c'est ce que j'aurai fais. À cause de mes imbécilités, je pensais bien avoir perdu l'unique amie que j'avais, ou tout du moins, la seule depuis mon accident.

Toutefois, comme je l'ai dis, c'est ce que j'avais cru. Il est vrai que les jours qui ont suivis on été particulièrement difficiles à vivre. Je me sentais incroyablement seule et je passais la majorité de mes journées à défaire mes cartons et à me rendre à mes consultations chez la psy. Mais malgré le fait que je pouvais clairement ressentir cette solitude, j'éprouvais à côté de ça un vide absolu, dans le sens où j'avais l'impression de ne pratiquement presque rien ressentir. Depuis que j'avais perdu la mémoire, c'était comme si toutes mes émotions s'étaient évaporées d'un seul coup. Comme je ne connaissais plus mon passé ainsi que chacun des sentiments que j'avais pu sentir auparavant, il n'y avait plus rien en moi qui me permettait de m'émouvoir sur quoi que ce soit. Les gens me disaient que c'était mon cerveau qui, suite à tous ces bouleversements, avait décidé de m'enlever tout ça pendant un moment. Au départ j'appréciais cela. Candice me disait que les émotions pouvaient parfois t'empêcher d'être rationnelle et que pour recommencer une vie, j'avais en partie besoin de beaucoup de stabilité et de rationalité. Mais plus je me retrouvais seule, plus j'ai commencé à avoir envie de retrouver ma sensibilité. Le fait même de ne plus être dans la capacité de concevoir un quelconque sentiment, en créait un en réalité.

Finalement, au bout de plusieurs jours qui m'ont parut interminables et particulièrement pesants, je reçus un colis de la part de Candice. Il s'agissait d'un gros carton, pourtant plutôt léger, et qui se révéla affreusement troublant et frustrant. J'ai été immédiatement intriguée et je n'ai su tarder à l'ouvrir. La première chose que je pouvais observer était un nombre considérable de photos. Sur la plupart, on pouvait m'y voir moi, souvent accompagnée. Il y avait trois piles. Une était composée de photographies de moi uniquement. J'ai rapidement regardé, mais je préférais m'attarder sur les deux autres piles. Dans une autre, j'ai rapidement compris que les personnes qui m'accompagnaient étaient les membres de ma famille. Ma mère avait un carré blond court, portait des lunettes et semblait plutôt petite, tandis que mon père avait les cheveux bruns, presque gris, et prenait régulièrement un air assez sérieux. Ma grande sœur,  Maureen, semblait toujours avoir le sourire et apporter de la bonne humeur au sein de notre famille. C'est en contemplant ces photos que je commençai à réaliser que tout ça n'existait plus. Même si les souvenirs ne me revenaient pas, je pouvais toujours penser au fait que j'étais désormais orpheline, et que plus jamais je ne pourrai connaître la sensation d'aimer quelqu'un de la manière dont je devais les aimer eux. Je me suis donc dis que la troisième pile au contraire, pouvait me remonter le moral. Je me doutais que les photos qui restaient devaient être celles de mes amis, et ce fut en effet le cas. Quelques unes d'entre elles attirèrent mon regard. Il y en avait une sur laquelle figuraient Candice, moi et deux autres filles. Selon les dires de mon amie, j'en ai conclu que ça ne pouvaient être que Mable et Callie. Je pouvais les reconnaître facilement grâce aux descriptions que m'avait fait Candice. Il est vrai qu'on pouvait remarquer une complicité assez visible entre nous. Un lien que j'espérai retrouver un jour. Il y avaient aussi quelques photos où se trouvait une bande de garçons sur la plage. Ils étaient six en général, mais d'après d'autres clichés, je paraissais plutôt proche avec trois d'entre eux. Il y en avait un avec des cheveux bouclés, qui avait l'air de faire deux têtes de plus que moi. Avec lui, j'avais l'impression qu'il s'agissait d'une forte amitié plus qu'autre chose. J'ai d'ailleurs validé cette hypothèse en retournant l'image. Il y avait un mot écrit dessus: "Une amitié fondée sur nos rires et nos bêtises". C'était signé par un dénommé "Ryan". J'ai alors continué à admirer les photographies en prenant soin de regarder sur leur dos afin de vérifier si d'autres messages ne s'y trouvaient pas. Les deux autres garçons avec qui je semblais proche n'avaient laissé malheureusement aucun indice.

Cependant, il n'y avait pas que cela dans le carton. C'est après avoir sortis tous les clichés que je me suis rendu compte qu'ils s'y trouvaient certains objets divers au fond, qui devaient sans doute avoir de l'importance à mes yeux. Il y avait notamment un cahier remplit de partitions, un petit coussin en velours, deux ou trois bijoux et un livre d'art sur Claude Monet. Mais deux autres choses attisèrent ma curiosité. La première était un exemplaire en français des Fleurs du Mal de Baudelaire qui était annoté à l'intérieur, sur la totalité des pages. Le livre était signé sur la première page par un certain "Vincent". J'ai supposé que j'aimais probablement beaucoup ces poèmes et que j'avais dû demander à un de mes amis de me prêter le sien. Le second objet qui m'avait intrigué était une mallette assez lourde, qui donnait le seule poids à ce carton et que je m'empressai d'ouvrir. Ce fut avec davantage de surprise que j'y découvris son contenu: une machine à écrire.

the sound of the rainOù les histoires vivent. Découvrez maintenant