Chapitre 1

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J'ai habité New York les vingts premières années de ma vie. Honnêtement, on pouvait dire que j'avais eu une enfance et une adolescence plutôt sereine et dépourvue d'agitation, de tumultes vraiment perturbateurs au sein de ma vie. Contrairement à mes amis qui avaient connu le divorce de leur parents, la mort d'un proche ou la simple sensation de solitude, je me sentais parfaitement bien entourée et aimée. Lors de mes années au lycée, j'avais notamment fait la rencontre de trois filles formidables. La première que j'ai connu, Candice, avait été une révélation. Elle a été mon coup de coeur amicale. Il y avait quelque chose chez cette fille qui te donnait immédiatement envie d'être son amie. Elle était toujours gentille, souriante, drôle et incroyablement solaire. C'était le genre de personne à prendre toute la place dans un groupe juste à cause de son rayonnement naturelle et sa bonne humeur. Candice était aussi vraiment très belle. La première chose qu'on remarquait chez elle étaient ses yeux bleus si chaleureux et réconfortant. Elle avait un visage plutôt rond et des cheveux blonds et bouclés qui descendaient jusqu'au bas du dos. Nous avons tout de suite créé un lien solide et encore aujourd'hui, je ne regrette pas une seule seconde de l'avoir construit. Seulement quelques semaines après avoir connue Candice, nous avons ensemble rencontré Callie dans Central Park. On a immédiatement été attirées par le personnage qu'incarnait Callie. Elle était assise seule sur un banc et lisait un live d'Edgar Allan Poe. On lui avait demandé son autorisation pour s'installer à côté d'elle, et je me souviens la voir presque intimidée par notre demande. Pourtant elle avait accepté et c'est comme ça que notre amitié commença. Callie était une des personnes les plus difficiles que j'ai eu à cerner. Elle avait des manques de confiance en elle assez importants et elle était de nature très renfermée. Avec le temps et l'expérience, j'ai aussi pu constater qu'elle était hypersensible. Je me suis vite attachée à Callie. J'avais toujours envie de jouer un rôle protecteur envers elle, je me sentais étrangement dans le besoin de la surveiller constamment. Pourtant, c'est avec elle que je me suis le plus souvent disputée. Parfois pour des choses futiles, mais le plus souvent il s'agissaient d'altercations blessantes. Il n'était évidemment pas question d'en venir aux mains, mais certaines fois il nous arrivait de fondre en larmes devant l'autre. La vérité c'est que nous nous ressemblions beaucoup. Même s'il est dur de l'admettre, j'ai beau le nier, je suis quelqu'un qui a besoin d'énormément d'intention. Callie était pareil, et elle avait notamment déjà rechercher du réconfort auprès de Candice. Leur rapprochement m'avait poussé dans une profonde jalousie que j'ai heureusement su calmer au fur et à mesure. Un autre point commun que nous avions était tout bêtement notre attirance pour les mêmes garçons. Mais j'en parlerai en détails plus tard; il faut encore que je présente notre dernier protagoniste. Mable est la dernière personne à s'être joint à notre petit groupe. Elle avait un an de moins que Candice et moi et deux ans de moins que Callie, ce qui signifie qu'elle est entrée au lycée un an plus tard. Mable est la plus calme et raisonnée de nous toutes. Elle avait une maturité indéniable et un respect pour autrui indétrônable. Elle ne s'interposait jamais, ne contredisait que rarement et se laissait juste portée par le vent. Ce n'est pas un reproche que je lui fais, elle a eu raison de ne pas s'immiscer dans les histoires quand c'était le moment. Ça lui a évité un tas de prises de têtes et de coeurs brisés. Mais malgré toutes ces caractéristiques qui paraissent faire d'elle un ange, Mable était aussi la plus fêtarde d'entre nous. Elle aimait vivre au jour le jour et appréciait les choses simples. C'étaient toutes ces différences qui faisaient de nous un ensemble.

Je préfère me présenter plus tard car sinon nous passerions à côté du sujet. Comme je le disais précédemment, ma vie avait été plutôt agréable jusqu'à mes dix-neuf ans. À la minute où la dix-neuvième bougie a été soufflée, toute la noirceur, tous les problèmes que j'avais jusque là réussi à éviter me sont tombés dessus. J'avais connu toutes les situations que vous avez dû traverser d'un seul coup. C'est comme si le divorce des parents, la mort d'un proche et la solitude vous traversaient en même temps. C'est ce qui m'est arrivé. Vous voyez cette scène, dans le film le plus triste que vous ayez vu ou dans le livre le plus émouvant que vous ayez lu où la voix off ou bien le narrateur annonce qu'il a vécu un accident de voiture lors d'un soir pluvieux avec son frère ou sa soeur et ses parents et qu'il a été le seul à s'en sortir vivant ? Et bien voici mon histoire. Pour de vrai, j'étais présente, j'étais consciente. J'ai tout perdu en une fraction de seconde. Je me souviens encore du son de la pluie résonnant sur les éclats de verres du pare-brise de la voiture, du son de la pluie sur le bitume de la route et du son de la pluie glissant entre les feuilles des arbres longeant le chemin. Je me rappelle de ce bruit aujourd'hui, et pourtant pendant longtemps je l'avais oublié. Je me suis réveillée un jour dans un lit d'hôpital comme si je venais de naître. En réalité je revivais une nouvelle naissance. "Quel est votre nom ?" M'a t-on demandé. J'avais été dans l'incapacité de répondre. Je ne connaissais pas mon nom. Je ne connaissais rien, j'avais tout oublié. J'avais perdu la mémoire, et je ne l'ai recouvré seulement qu'une dizaine de mois plus tard, grâce à lui, à eux, à ceux que aujourd'hui, j'ai cependant décidé d'oublier.

the sound of the rainOù les histoires vivent. Découvrez maintenant