La lumière, d'abord très faible, commence à effacer le noir total qui régnait depuis deux minutes. Seules les néons artificiels du véhicule persistaient à nous éclairer. Les longs rails de métal apparaissent, la ficelle branlante sort du tunnel. A travers les vitres jaunies, je regarde les nuages qui s'acharnent depuis le début du jour à plonger la ville sous l'eau. Les gouttes, identiques comme toujours, ressemblent à des flocons transparents. Comme une seule entité, elles filent, elles fusent, elles glissent sur l'air impalpable, puis s'écrasent tels des oiseaux soudainement meurtris. Elles s'abattent dans les flaques, éclatent et laissant pour seul trace une infime ondulation sur la surface agitée de la flache. Puis le funiculaire entre dans l'édifice et ma vision est brusquement coupée. Trois « bip » sonores, les portes s'ouvrent et je m'échappe de l'engin de fer, m'efforçant de ne pas me faire attraper dans la marée.
Je débouche dans l'allée. Là encore, la pluie continue son assaut. Les voitures garées sont enfoncées dans un ruisseau continuel, subsistant malgré les bouches d'égout. Les phares allumés, les voitures soulèvent de grandes vagues lors des tournants, éclaboussant les bas des passants innocents. Je ne suis là que depuis une trentaine de secondes, mais déjà je sens mes cheveux raides se rassembler en mèches trempées. L'eau suinte sur mes verres, déformant légèrement ma vue mais je n'y fais pas attention.
Je commence à marcher. Je suis seul, au milieu des parapluies. Chaque passant, autour de moi, se protège contre les déferlantes d'eau. Mais, pas moi. Étrangement, j'aime beaucoup la pluie. Lorsqu'il pleut, j'entrouvre souvent la fenêtre. Le clapotis, d'apparence monotone, est en fait très changeant, aussi régulier qu'irrégulier. J'aime rentrer ruisselant, accrocher ma veste sur le porte-manteau et profiter paisiblement de la chaleur ambiante. J'aime voir des enfants en imperméables sauter dans les flaques, puis se faire réprimander par les adultes soudainement éclaboussés.
Une goutte éminemment froide m'extirpe de mes pensées. Elle se brise sur la pointe de mon nez blanc, éclatant en gouttelettes. Surpris, je pose mon doigt à l'endroit atteint et l'eau glaciale me fait lever les yeux au ciel. Les gouttes étaient devenues plus douces, voletant, tourbillonnant dans l'air glacial. Je réalise que ce sont des flocons lorsqu'un d'entre eux vient se poser sur mon épaule droite, fondant instantanément au contact. Je souris. Il neige !
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Écrits Volatiles
Short StoryRecueil de nouvelles, d'histoires courtes, de textes pour divers concours.