Untilted

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La mer glacée du petit matin se retirait lentement de la plage, laissant comme ultime souvenir des algues mauves, ainsi que quelques coquillages rescapés. Le soleil, minutieusement caché par un amas de nuages, s'étirait doucement, comme tiré d'un sommeil profond. Il n'était pas encore huit heures. Si l'océan fût trop loin pour que je puisse le contempler, la nuée laissait s'échapper de fins rayons lumineux qui, tels des faisceaux, se posaient sur les dunes blanches et illuminaient les grandes flaques laissées par la marée, faisant resplendir le reflet de la pointe rocheuse qui se dressait devant moi. Troublant cette harmonie, une groupe d'oiseaux que je n'arriva pas à distinguer s'approcha, telle une ondulation de l'espace, survolant la berge. La brise marine était légère, m'apportant cette effluve iodée si particulière.

Je m'étais assis sur le sable de la berge, et observais le paysage sans bouger. Au loin, une cloche retentit et frappa huit coups. Je ne venais pas souvent ici et pourtant, je me sentais calme et tranquille. Séparé de la civilisation, écarté du monde urbain, je laissais ma rêverie prendre le dessus et me transporter dans un monde intemporel et délicat, où je n'ai pas souvent l'occasion d'aller. De temps à autre, une rafale soufflait et manquait d'emporter mon bonnet au loin, soufflant sur les herbes de la dune comme un enfant sur des bougies d'anniversaire. Je ne m'en souciais pas, étranger à cette réalité. Je pense à beaucoup de choses et rien à la fois, ces pensées arrivent et s'effacent, papillons éphémères de l'esprit.

Et puis, les pensées virevoltantes m'amènent à elle, à eux, à moi, à avant. Timides souvenirs flous et imaginaires, oubliés étrangement, qui s'approchent furtivement. Je regarde la plage vide, je me dis qu'elle est telle mon cœur, puis je souris, il n'y a que moi pour penser ainsi. J'étais de ceux qui ne sont pas ce qu'ils veulent être, de ceux qui se piègent parmi les autres. Je me suis étouffé, elle était partie. Sans raison, sans mot. J'étais seul, pleurant avec cette innocence propre aux enfants. Mon monde illusoire s'écroulait et je ne voyais qu'elle, mais elle me tournait le dos, et elle me paraissait plus grande que jamais, son rire étincelant creusant ces fossettes si charmantes, si envoûtantes, son rire de fille irréelle. Je savais maintenant reconnaître les faux sourires, remarquer les sentiments derrière les ombres chinoises.

Je sais qu'en vérité, j'ai inventé cette histoire. Créée pour expliquer cet effondrement, pour expliquer ma tristesse incompréhensible, mais irrésistible, mon irrésistible amie de toujours. J'ai compris que le bonheur est éphémère, mais aussi qu'il ne tient qu'à nous de le faire fleurir à nouveau. Elle ne m'a jamais considéré, moi, caméléon raté, solitaire dépendant, je n'ai jamais su le voir. En regardant les nuages se percer par la lumière, je pense à ces rêveurs inconnus, ces solitaires nés, ceux qu'on ne voit ni n'entend, qui passe sans laisser de trace, sans aucun bruit, à pas de loups, tels des loups.

La beauté nait de la tristesse, j'espère ne pas devenir artiste. Je suis peut-être un poète. Je ne sais pas. Peut-être que les poètes sont juste des gens seuls. Peut-être que je serai toujours seul.

Écrits VolatilesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant