La fuite

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La cité, si on peut appeler l'immense mégalopole ainsi, était la capitale - en tous points - du royaume. Le Grand Conseil y avait élu domicile, et, depuis la grande tour de marbre blanc au cœur de la ville, dirigeait le tout d'en haut.

Religion, race ou richesse, peu importait. D'après les retours des voyageurs, l'égalité était la base de la société. La cité prospérait sous l'œil bienveillant des Douze Sages du Conseil. Le commerce foisonnait, faisant petit à petit grandir cette ville côtière jusqu'à ce qu'elle devienne ce qu'elle était. Dans le ciel, on pouvait voir des zeppelins voler, colorer les cieux de multiples couleurs, couplés aux montgolfières et autres ballons volants. La mer brumeuse était connue pour resplendir sous la lumière éclatante des deux soleils, projetant des reflets roses et bleus sur l'amas de vapeur, très prisés lors de la fête des Sirènes. Une ville de paradis dont les merveilles sont contées dans les camps de nomades.

Elles y avaient vécu, elle et sa mère. Elle se souvenait encore du doux visage de sa mère, entouré de ses longues mèches blondes, souriant comme toujours. Sa compagne n'était plus depuis longtemps. Partie dans une expédition trop périlleuse dans les Monts, elle avait disparu. Son corps n'avait pas été retrouvé, dans les décombres fumantes de l'avion. Chaque soir, sa mère venait regarder la couche nuageuse baignée dans la douce lumière crépusculaire, en hommage.

Mais ce n'est pas dans cette cité que notre histoire a commencé, mais dans les bas-fonds d'une ville du Sud. Une ville de voleurs, d'escrocs, de chasseurs de prime ou de tueurs à gages. Des mafias qui ne se cachent même plus, des réseaux de sécurité à travers le continent et au-delà, des autorités corrompues. Si seulement elles existaient encore...

Et, dans les rues sombres de la ville, une petite fille courait, courait, courait. Derrière elle, plusieurs hommes la poursuivaient, l'épée à la main, le mousquet en joue. Cela faisait plusieurs minutes qu'ils passaient, dès que l'alarme avait été retirée. "Elle s'est échappée ! La petite s'est échappée !" avait-on crié. À ce moment là, la chasse à l'homme - à l'enfant, à l'occurrence - avait débuté, emmenant les hommes dans une course poursuite qui commençait à s'éterniser. La petite dévalait les rues, se prenant dans les plis de sa chemise, trébuchant, mais continuant sa course, son visage crispé par la peur.

Et la fugitive courait, courait, courait, ses longs cheveux bruns derrière elle. La nuit, la ville était en plein essor. Dans la foule grouillante, elle courait, encore et encore, vers la seule échappatoire possible. C'était la deuxième fois qu'elle s'échappait. Cette fois-ci n'est pas solderait par un échec. Ça ne pouvait pas se terminer ainsi !

Elle tourna et se cacha derrière un bâtiment. Haletante, l'enfant reprit son souffle. L'alarme résonnait dans toute la ville, et bientôt la foule serait à ses trousses. Elle s'engagea dans une petite ruelle, vide et étroite. Derrière un coin, elle entendit les hommes passer, armes à la main. La sueur perlait sur son front, mais très vite les bruits de course s'éloignèrent.

Elle n'eut pas le temps de pousser un soupir de soulagement que déjà l'anxiété revint. Elle entendit des pas, quelqu'un approchait. La petite serra fort sa dague, prête à l'utiliser. Le borgne arriva soudain à sa hauteur. La petite eut un coup de sang. Il poussa un petit cri, mais la lame dans sa gorge étouffa le reste. Pétrifiée, la fugitive regarda l'homme tomber au sol, mort. Elle avait tué. Le sang recouvrait le poignard, se reflétant dans les yeux horrifiés de la petite.

Il n'y avait pas une minute à perdre. Fuyant dans les petites rues, elle continua sa course effrénée. Soudain, la fille s'arrêta. Le port ! Elle y était ! Elle risqua un coup d'œil au dehors, puis, ne remarquant aucun de ses bourreaux, déboucha de sa cachette. La petite se frayait un chemin à travers la foule, qui s'écartait pour la laisser passer, avec des regards mauvais.

Plus que quelques mètres et... Un coup de feu éclate, un cri retentit, et elle tombe par terre, une tâche rouge s'étalant sur sa fine chemise. Elle grimaça de douleur. Autour, les gens s'écartent. Derrière elle, un cri la désigna, puis plusieurs. Elle était fichue. S'aidant de son bras valide, elle se releva tant bien que mal. Mue par la force du désespoir, la petite courait, toujours, encore et encore, jusqu'au bord du ponton.

Elle ne fut pas assez rapide. Ses poursuivants étaient déjà derrière elle, ricanants. Ils allaient l'attraper, la ramener, et elle allait souffrir, encore et encore. Mais la petite n'en pouvait plus, il lui avait fallu fuir, fuir cette misérable vie, fuir ce maître tortionnaire, fuir cette ville et ses malheurs. Faisant face à ses ennemis, elle se retourna. Puis, dans un ultime geste, la jeune fille se jeta dans la couche nuageuse.

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