Chapitre 1: 4 et 1 ne fait pas 5

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11 heures plus tôt

Un vrombissement de tronçonneuse gémit dans l'immensité de la forêt. Puis vient le silence. Soudain, une détonation brise la tranquillité forestière en éclat. Le craquement sinistre et assourdissant d'un colosse qui se brise retentit dans l'infini des cimes feuillues. Sa chute commence lentement, telle un guerrier vaincu au combat qui se laisserait tomber au sol. Plus l'inclinaison s'accentue, plus l'arbre prend de la vitesse pour venir s'écraser sur la terre dans un dernier souffle, qui balaya feuilles, terre et poussières, faisant trembler le terrain et gronder les troncs alentours. Près des racines du géant abattu, se tiennent quatre personnes. Enfin cinq, si on compte celui assit sur un jeune tronc, coupé depuis peu. Ceux qui ont coupé le fil de sa vie contemplent le spectacle. Ils restent un moment immobiles, attendant que le chant des oiseaux revienne briser le silence qui pèse dans l'atmosphère.

- On va manger ?

Sa voix douce tranche avec sa carrure. C'est la plus grande des quatre, ses épaules sont les plus larges et c'est la seule fille. Le plus petit s'étire et approuve dans un bâillement. Chacun reprend ses affaires pour se diriger vers le cabanon. Un jeune homme, différent par les habits, l'outil de travail et par l'esprit ferment la marche. Sa chemise ouverte laisse entrevoir un torse puissant et imberbe. Un téléphone satellite ne se sépare pas de son oreille, tout comme un plis soucieux qui ne quitte jamais sont visage.

Lorsqu'il raccroche enfin, les quatre imbéciles ont déjà presque fini de manger. Ils sont plus bruyants que leur tronçonneuse, et d'ailleurs pas bien plus intelligents. Il sort son plat et demanda poliment où il pourrait trouver un micro-onde. Comme réponse, il obtient un silence suivit de rires bruyants et de postillons géants.

- Je ne vois pas ce qu'il y a rire comme ça.

Le plus vieux se tourne vers lui et lui sourit.

- Ce qui nous a fait rire, c'est que tu pensais qu'au beau milieu de la forêt, à des centaines de kilomètres de l'habitation la plus proche, on aurait accès à de l'électricité ?

Le citadin ne laisse rien paraître.

- Et les panneaux solaires, ça vous parle ?

Il s'assied et entame son repas froid de poulet et de riz. Le vieux barbu sourit et préfère ne rien dire quant à la luminosité faible due aux parasols géants que sont les arbres. Il a conscience que l'autre choisirait la mort plutôt que d'admettre d'avoir tort face à ces simples hommes qu'ils sont. Le repas se poursuit calmement avec des brides de conversations. Le jeune homme est alors pris d'un sérieux doute, les hommes de la forêt auraient bruyamment parlé dans le seul but de déranger, alors qu'il passait des appels importants. Il n'en a cure. Cela fait une semaine qu'il est avec eux et qu'il ne les supporte plus. Ils lui font même pitié. Il les observe depuis cinq jours dans son coin et a construit des portraits pour chacun. Le vieux doit avoir passé l'âge de la retraite, mais vu qu'il travaille, il est sûrement trop pauvre pour s'en payer une avec son salaire de bûcheron. La fille ne doit pas attirer beaucoup de mec à part le gringalet. En parlant du loup, regardez-moi cette perche toute maigre. On se demande comment il fait pour soulever sa tronçonneuse toute une journée. C'est les pétards qu'il se fume chaque jour discrètement derrière la remise qui doivent lui avoir cramer les neurones de douleur. Et ce nain, tellement trapu et musclé, qu'il est limite plus large que haut.

La pause de midi achevée, ils se tirent de la torpeur due à un estomac plein pour se réunir sous le couvert autour d'une table. Le ciel est chargé, il a plut en début de matinée et maintenant ça recommence avec une averse légère. Une carte des environs se voit gribouillée d'explications par le nain. Tout le monde est à l'écoute. L'homme trapu donne quelques directives et annonce le départ dans dix minutes. Chacun va prendre son sac posée contre le mur du couvert. Le jeune homme semble réfléchir en marchant et s'arrête près des casier. Il s'appuie contre une poutre du couvert et compose un numéro. Il porte l'appareil à son oreille et observe la haute cime des titans verts. Alors que le bip sonne de manière régulière, près de lui, le gringalet aux dreads et aux veines saillantes, jète un sac lourdement chargé sur son dos. Mais ce dernier percute violemment l'épaule du jeune manager. Sous la force du coup, il perd l'équilibre en avant tout en lâchant le téléphone qui gicle sur le sol. Ce dernier se fracasse sur le goudron pour terminer sa course dans une flaque d'eau boueuse. Le jeune se précipite sur son précieux, le ramasse, brisé, inutile. De plus, dans sa précipitation, il a perdu le polo posé sur ses épaules, son préféré. Une couturière devenue une des mannequins des plus en vue l'avait spécialement conçu pour lui. Il est également tombé dans une flaque de boue.

-Désolé mon pote, je te jure que c'était pas volontaire.

Le bel homme riche se retourne vers l'hippie maigrelet en ayant perdu toute contenance.

-Pas volontaire ?!! T'es peut être un crétin mais ça tu peux pas t'en empêcher sal...

Le vieux barbu qui a assisté à la scène, pose une main apaisante sur son épaule.

-Je le connais bien, et ça veut dire que je sais qu'il n'aurait jamais fait quelque chose de méchant ou de vicieux à l'encontre d'une autre personne. Et dans le fond, ton polo n'a qu'à être nettoyé et ce téléphone, ce n'est qu'un simple objet Il était à nous et on le remplacera dem...

Le jeune se dégage de son contact tout en joignant ses mains au-dessus de sa tête et les compresse sur son crâne.

- Un simple objet ? Un simple objet?!! Je... je ..je fais comment moi !!! Vous êtes cons mais cons !! C'est mon boulot ! Déjà que je suis dans un trou où le réseau est tellement faible qu'il faut un téléphone satellite pour communiquer et en plus... Non mais c'est pas vrai !! Vous... ! Vous avez votre tronçonneuse pour travailler ! On vous apprend à réfléchir parfois ?!!Vous faîtes comment si elle est pétée?!

Les yeux bleus de l'homme à la barbe se posent sur cet homme désespéré, en colère et se frotte la barbe.

-On prend une scie.

Alors qu'ils sont prêts, le barbu aux yeux bleus tend au jeune homme, qui étend son polo sale devant la remise, un stylo et un cahier.

-Vous savez les utiliser ?

Le jeune riche les lui prend des mains et ne répond pas. La petite troupe insolite partit


Les prisons de feuOù les histoires vivent. Découvrez maintenant