Ils ramassent leurs affaires dans un désespoir et une panique qu'ils peinent à maîtriser. Soudain, dans l'agitation, le chauve perd l'équilibre. Il titube sur le côté et glisse. La largeur du tronc l'empêche de tomber directement dans le vide. Il s'accroche à l'écorce et la douleur lui fait serrer les dents. Il se relève, le coeur battant à la chamade. La frayeur passée, ils l'aident à prendre ses affaires et se dépêchent de quitter les lieux. Ils finissent de traverser sans difficultés et ne sont que légèrement embêtés par le début des branchages. Arrivés au bout, ils descendent un à un. Le jeune homme qui passe en dernier, se retourne et contemple le ciel rougeoyant dans la nuit noir. Pendant une fraction de seconde, il oublie qu'ils sont en plein enfer et s'émerveille devant la beauté terrifiante de l'incendie. Des myriades de braises s'élèvent dans une obscurité teintée de feu. Il se détourne de cette fournaise envoûtante et regarde avec espoir la sombre forêt qui se présente à eux. Sans un mot, il descend rejoindre les autres et le groupe s'en va.
Ils marchent dans la forêt d'un pas pressant. Le sol gronde sous le choc de la chute des arbres titanesques et ces grondements s'intensifient de plus en plus. Ils ne sont pas les seuls à fuir. Plus ils s'enfoncent dans la forêt plus le sol semble vivant. C'est un grouillement innommable. Dans leur vie, jamais ils n'auraient pu imaginer voir autant d'insectes. C'était une migration importante de la forêt. Ils fuient les flammes sans aucun but, poussés par leur instinct de survie. On peut constater à la tête du citadin que ce spectacle le répugne au plus haut point. Les autres ne laissent rien paraître. Dans d'autres circonstances, tout cela les aurait repoussé, car cette masse, cette surpopulation injustifiée, serait signe d'un mal en forêt, d'un maillon brisé, d'une gangrène forestière. Ici, la raison était connue et dans le fond, ils sont poussés à fuir le même monstre que ces insignifiantes créatures. Elles font parties de l'équilibre brisé qui recherche un endroit où survivre. Le soleil s'en est allé depuis un moment et la nuit règne sur les lieux. Ils sont comme en plein rêve. Des créatures fantomatiques surgisse des fourrés avant de galoper dans le lointain. La fatigue et le froid les ramollissent. Mais le monstre qui les poursuit les rattrape plus vite qu'ils ne l'imaginent. Une petite grenouille reluque de son arbre moussu le beau gosse. Elle le fixe de ses yeux baveux et les pensées du citadins se perdent dans un souvenir lointain d'un cours de biologie. Leur professeure avait saisi une de ces créatures, l'avait lâchée dans de l'eau chaude et elle avait sauté hors du liquide. L'expérience qui suivit, consista à la mettre dans de l'eau froide qu'ils mirent à chauffer. Libre de s'enfuir, elle était restée et mourut ébouillantée. Sa température corporelle s'était habituée et elle n'avait pas senti le danger. A ce souvenir cruel, un frisson lui parcoure le corps. Le silence pèse et les minutes s'allongent. Les paupières tirent vers le sol et leur corps veulent attendre les flammes pour y tirer un peu de chaleur. L'adrénaline s'est diluée dans leur veine et n'agit plus. Mais elle gèle sèchement le veines du plus vieux. Pas assez tôt ou trop tard ? Ils montent sur une colline avec le feu sur les talons. Le petit sommet les narguent. Pourquoi ce demi-cercle lumineux autour de lui ne l'a pas interpellé plus tôt. Il saisit le bras de chauve et lui glisse quelques mots à l'oreille. La respiration du chauve s'accélère et son pas aussi. Il se retrouve à courir vers le sommet. Une crainte terrible lui taraude l'esprit. Lorsqu'il arrive au sommet, il peut contempler ce qu'il redoutait.
![](https://img.wattpad.com/cover/206612938-288-k330397.jpg)
VOUS LISEZ
Les prisons de feu
Short StoryUne entreprise de spéculation immobilière envoie un de ses employés estimer le potentiel d'une forêt protégée, aux arbres à dimensions titanesques. Alors qu'ils sont sur le point de quitter les lieux, un hélicoptère explose créant ainsi le début d'u...