Chapitre 2

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Je tournais alors le bouton du chauffage sur le maximum et je pris la veste trempée de Karel puis lui offrit la main tendue une large couverture en laine pour le réchauffer, ce qu'il accepta avec plaisir. Il tira une chaise de mon bureau et se laissa tomber dessus lourdement avec un soupir. 

"Qu'est-ce qui t'as pris de sortir par un temps pareil?" dis-je en regardant les carreaux de la fenêtre que les gouttes de pluie martelaient violemment."Il fallait absolument que je te parle" se défendit-il en fronçant légèrement les sourcils. Mes yeux se détournèrent de la pluie battante et vinrent se poser sur les cheveux de Karel. Des perles d'eau s'amusaient à courir sur ses pointes châtains clair, presque roux, et vinrent ensuite s'écraser sur ses épaules. Il éternua bruyamment avant de replacer ses lunettes tombantes en haut de son nez.  "Je pense avoir trouvé la solution à notre problème" dit-il avec son habituel sérieux. 

Avec un soupir d'agacement, je pris une serviette dans le placard placé près de mon lit et je commençais à lui sécher les cheveux en frottant sa tête avec la serviette, "Tu m'en dira tant" lui répondis-je. La solution? J'étais en train de me demander quel genre d'invention il allait me sortir cette fois. Karel était quelqu'un de très intelligent,  je le savais très bien, mais son intelligence était également assortie à quelque chose de moins commun: la folie scientifique. Dans le sens où Karel pensait toujours à des idées loufoques, des machines aux rouages par milliers, des inventions encore inconnues...Il prenait souvent l'habitude de m'appeler pour me raconter ses nouvelles idées ce à quoi je riais toujours. Non pas que je ne sache pas que Karel ne soit pas capable de créer toutes les choses possible inondant son esprit, mais à chaque nouveau "chef-d'oeuvre" qu'il me racontait je m'imaginais la réaction des autres personnes peu habituées à l'âme de ce génie des temps modernes.

 Il ne se plaignit pas lorsque je frottais contrairement à ce que je pensais . Suite à ce manque de réaction, je commençais à engager la conversation, "Ça doit vraiment être quelque chose d'important si tut'es déplacé d'ici depuis ton labo" lançais-je. Il acquiesça lentement en serrant la lettre que j'avais aperçu plus tôt dans sa main. "Je..." commença t'il, il semblait chercher ses mots, ses yeux rivés sur le parquet de la chambre. En attendant sa réponse, je me dirigeais vers la cuisine située juste à côté, elle n'était pas très grande mais c'était plus que suffisant pour une personne vivant seule. Je tendis la main vers le placard et attrapais une tasse ainsi qu'une petite assiette pour préparer un chocolat chaud.

 "Il me semble t'avoir entendu dire "J'ai trouvé!", de quoi parlais tu?" dis-je inquiète du fait qu'il ne me répondais toujours pas. "-J'ai trouvé le moyen de stopper Gory" dit-il. A ces mots l'assiette tomba de mes mains se brisant avec fracas, je n'accordait pas un seul regard aux débris étalés sur le sol, je ne pouvais pas quitter Karel des yeux, comme figée "T-Tu as..", il acquiesça, "du moins je pense" ajouta t-il. Il se leva et se dirigeait vers moi me tendant la lettre. 

Je la pris entre mes mains et l'examinai avec attention. Elle était magnifiquement décorée de petits pigments de couleurs sur tout les contours, chaque petites tâches étaient faites avec uniquement la couleur bleue. Je ne pouvais m'empêcher de remarquer que ce n'était pas la même nuance de bleu, du turquoise ici, bleu cyan, bleu cobalt, bleu marine, bleu azur et puis... du bleu céleste. L'ouverture portait un cachet bleu également, orné d'une plume d'écriture blanche. Je m'empressais alors d'ouvrir la lettre qui avait déjà été ouverte auparavant par Karel étant donné que le cachet n'était pas scellé.

 "Chère Scientifique Hoang, Cher Scientifique Karel" commençais-je. "Ceci est une invitation des plus formelles à l'Akis de Fang, bourg royal Céleste. Le Cercle sera réuni et des témoins seront appelés de par cette même invitation. Utilisez la clé ci-jointe pour atteindre le point de rendez-vous. Dirigez vous vers l'allée aux dalles ensanglantées vous attendra l'escorte qui vous mènera au Cercle." Je levais les yeux un instant vers Karel, occupé à ramasser les morceaux de porcelaine sur le sol.

 Puis je repris, "Vous êtes attendu le 17 Maimactérion à 18 heures précise. Nous espérons votre présence, respectueuses salutations." Après avoir survolé le texte quelques fois encore je dis d'une voix sèche "C'est ça ta solution? C'est une blague j'espère?".Karel cligna des yeux plusieurs fois avant de répondre en balbutiant "N-non je te jure, je l'ai reçu ce matin même! Tu as vu le cachet non? Tu sais bien d'où une telle lettre peut provenir!". "Bien sûr que je sais" dis-je avec un léger ton agacé, "mais tu ne t'es pas demandé si c'était quelqu'un d'autre? Après tout,un cachet c'est facile à reproduire!". Il baissa les yeux vers le sol et murmura "La capitale Céleste ne nous a pas contacté depuis des années, je le sais bien...Même si c'est une blague nous nous devons d'aller vérifier. Si le Cercle nous a recontacté c'est qu'il doit s'être passé quelque chose de grave là-bas." dit-il dans un souffle. 

Le Cercle de la Capitale Céleste, sont des hommes vivant dans le ciel et qui se charge de la météorologie, leur science est différente de la notre, et impressionnés par moi et Karel, ils nous ont demandé de l'aide dans plusieurs de leur études, si bien que nous sommes devenus associés et avons commencé à travailler avec eux à temps plein. Seulement voilà, un jour ils ont décidés qu'ils n'avaient plus besoin de nous, et du jour au lendemain ils nous ont mis à la porte. Le fait était qu'ils avait trouvé un meilleur scientifique, nous avions été remplacé par un total inconnu sorti de nul part. 

"Et alors quoi Karel?"m'emportai-je, "Je ne vais pas venir aboyer à leur pieds dès qu'ils ont un problème! Tu te souviens de ce qu'ils nous ont fait non?!". Il me regarda, une légère trace de panique dans ses yeux "Mais enfin Hoang...Peut être que si nous allions là-bas, nous pourrions trouver le moyen de stopper l'ouragan! Rappelle-toi à quel point cet endroit est rempli de livres et à quel point leur recherches sont poussées sur la météorologie!Si nous allions l-", je le coupais soudainement,"Il n'y a pas de 'nous'qui tienne Karel, j'arrêtais ce fichu ouragan moi même, si toi tu veux y aller je ne te retiens pas!"lui dis-je en lui tendant la lettre d'une main ferme.

 Il hésita un instant, puis pris la lettre la main tremblante ainsi que sa veste et ouvrit la porte d'entrée prêt à sortir. Il jeta un dernier regard vers moi qui lui faisait dos, les bras croisés sur ma poitrine. "Je suis toujours là si tu changes d'avis Hoang"souffla t-il avant de quitter définitivement les lieux. Je n'entendais plus le bruit de la pluie, elle avait dû s'arrêter pensais-je. Et oui, la pluie était bel et bien finie, et pourtant un orage secouait mon cœur.

Le Postier CélesteOù les histoires vivent. Découvrez maintenant