La clé

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Ophélie tomba du miroir assez précipitamment.

Visiblement, elle n'avait pas réussi à se stabiliser dans l' Entre-Deux, encore moins de retourner dans l' Envers. Tout était noir et exiguë autour d'elle.

Ophélie se sentit un peu déçue... Mais bon, à quoi s'attendait-elle ? À retrouver Thorn en un claquement de doigt ( à son absence de doigt , en fait ) ?

Cependant, la petite animiste ne se découragea pas pour autant.

Elle observa les environs, esquissa un pas en avant mais se cogna le genoux à quelque chose.

Elle venait d'atterrir à l'intérieur d' une grosse armoire en bois. À tâtons, elle ouvrit les battants du meuble et déboucha sur un petit local à débarra.

Se retournant sur elle-même, Ophélie examina le miroir par lequel elle venait tout juste de s'échapper. C'était un miroir circulaire de taille moyenne, ébréché a un endroit, où avait été collé une étiquette portant l'inscription « à réparer ».

Au premier abord, Ophélie ne reconnu pas cette glace : s'était-elle déjà reflétée à sa surface dans le passé ? Étrangement, plus elle la fixait - soulignant au passage son reflet pâle aux notes orientales - plus un sentiment d'inconfort émergeait en elle.

Soudain, elle se souvint.

C'était à travers ce miroir qu'elle était restée coincée - pour la deuxième fois de sa vie - lorsqu'elle était ressortie de l' Envers ; c'était le miroir des toilettes publiques du Mémorial.

L'objet mural n'avait visiblement pas résisté à cette brutale irruption, et s'était fendu de tout son long.

De la petite vitrerie-miroiterie , Ophélie était arrivée au Mémorial.
Ce n'était pas vraiment le saut magistral dans l'espace auquel elle s'était attendue, enfin bon...

À la vue de ce miroir fissuré, une éventualité lui effleura l'esprit : peut-être que le miroir qui lui avait permis de sortir de l' Autre monde avait la capacité de l'y refaire entrer, en sens inverse cette fois-ci ?

Ophélie demeura néanmoins dubitative face à cette pensée.

De toute évidence, on n'entrait pas dans l'Envers comme on entrait dans un moulin ; ça, elle le concevait ; mais si elle y était déjà parvenue dans le passé, il était logique de pouvoir y arriver une nouvelle fois.
Comme l'avait suggéré Thorn : « Ce qui a été fait peut être défait ». Elle en était convaincue. Il ne lui restait plus qu'à trouver par quel moyen y arriver.

Finalement, Ophélie sortit de ses pensée et se dirigea vers la porte de sortie.

Elle s'appuya au parapet du transcendium qu'elle atteignit en deux enjambées et observa les alentours.

Le Mémorial fonctionnait à plein régime et regorgeait de toujours autant de monde. Le dôme en verre avait été reconstruit, encore plus cristallin et encore plus lumineux que l'original.
Les voix murmurant sous la voûte, le roulement des charriots sur les dalles de marbre, le coulissement des échelles sur les étagères à trapuscrits, ou encore le crissement des stylographes sur les parchemins raisonnaient en un étrange murmure à travers tout l'édifice.

Les mémorialistes étaient plus actifs que jamais, œuvrant pour que soit préservé la Mémoire planétaire, comme ils l'avaient toujours fait. Aucun salondenvers n'était vide, aucun transcendium n'était inutilisé. Chaque recoin de la bâtisse était habité.

【 𝐋𝐀 𝐏𝐀𝐒𝐒𝐄-𝐌𝐈𝐑𝐎𝐈𝐑  】𝐒𝐄𝐐𝐔𝐄𝐋 𝐃𝐔 𝐓𝐎𝐌𝐄 𝟒  Où les histoires vivent. Découvrez maintenant