Jonah
— Tu n'as pas écouté un traître mot de ce que je viens de dire ?
Je tourne la tête vers Tom et le dévisage comme si c'était la première fois que je le voyais. Comme moi, il a subi les frasques de ma mère, il était le second qui sautait ses putes. Je n'avais jamais eu connaissance du calvaire qu'il vivait jusqu'à ce qu'il parle au procès. C'est un homme intelligent et au fil des mois, une sorte d'amitié est née entre nous. Après que toute cette merde se soit tassée, je lui ai proposé de m'épauler au sein de ma société. Un geste que je n'aurais jamais fait auparavant, aider quelqu'un qui en avait besoin.
— Effectivement, je n'ai rien écouté, avoué-je.
— C'est à cause d'elle, n'est-ce pas ?
Je reporte mon attention sur le paysage extérieure sans lui donner de réponse, je ne parle pas de moi, alors parler d'elle encore moins. Il ne sait pas ce qu'Evie a apporté à ma vie. Je ne pensais pas un jour la recroiser, elle avait été claire avec moi ce matin-là sur la plage. Elle ne voulait plus jamais entendre parler de moi et j'avais obéi. Même lors du procès, aussi difficile soit-il, elle m'avait évité et je n'avais rien fait pour l'approcher, simplement par respect. Et puis, à la fin du procès, après l'inculpation de ma mère, la sentence est aussi tombée pour moi et je ne l'avais pas vu venir.
Je pense à cette femme, à son regard bleu chaque jour depuis trois ans. Sans compter sur cette sensation désagréable qui m'a vrillé l'estomac lorsque cet homme a confirmé ce que je pensais. Elle a un petit ami, elle a refait sa vie, alors que moi je commence tout juste à avancer.
— Roben ?
Mon chauffeur jette un œil dans le rétroviseur, je ne dois pas faire ça, je le sais, mais c'est plus fort que moi, je veux savoir. Je refuse qu'elle m'échappe une nouvelle fois, j'en ai marre de résister à cette envie de la voir qui me ronge un peu plus chaque jour.
— Oui, Monsieur Klent.
— Trouvez-moi le lieu de résidence d'Evie.
— Monsieur, je ne pense que ce soit une bonne idée, s'empresse-t-il d'ajouter.
— Je ne vous ai pas demandé votre avis, tranché-je.
— T'es pas sérieux Jonah, s'étonne Tom.
— Si, je ne l'ai jamais autant été.
— Mais... tente-t-il.
— Je sais, je n'ai pas le droit de l'approcher, mais, je n'en ai rien à foutre de cette injonction, pesté-je.
— T'as pas assez bouffé d'avocats et d'interrogatoires pendant un an ? T'en veux encore ?
Il n'a pas tort sur ce point, mais je suis borné. J'ai besoin d'entendre de sa propre bouche, et non par l'intermédiaire d'un juge, qu'elle ne veut plus rien avoir à faire avec moi. Qu'elle ne ressent pas ce truc quand nous sommes proches, que je lui suis totalement indifférent.
— Tu devrais tirer un coup, marmonna Tom.
— Tu me conseilles d'aller voir une pute ? réponds-je sarcastique.
— Qu'est-ce que tu peux être con, parfois, soupire-t-il.
— Je ne sais pas comment tu fais.
— On a qu'une vie. Alors oui, on a un passé de merde et pas très glorieux. Mais regarde, on ne s'en sort pas trop mal, bon t'es plus abîmé que moi, je te l'accorde, mais rien ne t'empêche de sortir de temps en temps et de t'amuser.
Tom se tourne légèrement vers moi, il a cinq ans de moins que moi, mais il est très doué quand il s'agit de discuter. Il aurait dû faire psy. Il prend un air sérieux, celui qu'il arbore quand il va pour négocier un contrat avec un fournisseur.
— Donne-toi une chance, essaie.
— J'ai déjà essayé et tu le sais.
— Albane est une chouette nana.
Parfois, j'ai juste envie de l'envoyer chier, de lui dire qu'il me foute la paix avec ses conneries et encore plus avec cette femme. Il m'a présenté Albane, j'ai passé du temps avec elle et tenté d'être un homme normal, restaurant, cinéma, des trucs à la con qui me soulent plus qu'autre chose. Et cela n'a rien changé. Dès que sa main entre en contact avec la mienne, je me contrôle pour ne pas l'envoyer balader. Je n'arrive pas à me dire qu'elles ne sont pas toutes comme ces femmes qui passaient les portes du Mystery.
— Elle t'apprécie beaucoup, ajoute-t-il avec un clin d'œil.
— Tu peux la fermer maintenant ?
Je ne sais pas si des amis se parlent ainsi au quotidien, en tout cas, Tom ne m'en tient pas rigueur. Au contraire, je crois qu'il trouve ça amusant de me faire sortir de mes gonds à tout bout de champ. Si lui a réussi à se trouver une petite amie et bien tant mieux, moi je n'en veux pas.
Le véhicule se gare devant l'hôtel dans lequel nous séjournons pour quelques jours. Je descends de la voiture, suivie de prêt par mon associé qui est devenu silencieux pour mon plus grand bonheur. Roben quitte l'habitacle à son tour, et je l'intercepte avant qu'il ne rejoigne sa chambre.
— Je veux l'info pour demain matin, première heure. Je dois la voir avant que nous repartions.
— Bien Monsieur, mais sachez que je n'approuve pas votre demande.
— Je dois savoir, Roben. Vous comprenez ?
— Oui, mais si elle refuse, n'insistez pas.
Je me contente d'un hochement de tête et pénètre dans l'hôtel pour y rejoindre ma chambre. Une fois dans celle-ci, j'ôte ma veste et ma cravate que je ne supporte plus et m'assois sur le bord du lit. Mes yeux fixés sur mes doigts, je peux encore sentir la douceur de sa main, l'odeur de son parfum. Je ne me suis jamais excusé pour tout ce qu'elle a subi, je n'ai pas eu le temps de lui dire à quel point elle comptait pour moi. Simplement, parce que je ne sais pas quand on doit dire ce genre de chose ni si on doit révéler tout ce qui nous passe par la tête quand une femme nous plaît. Je n'ai pas eu la notice, je n'y connais rien en sentiments. En revanche, même si je n'arrive pas définir toutes ces conneries sur l'amour, je suis sûre d'une chose...
Je me sens vide depuis qu'elle a quitté ma villa...
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Résister
RomanceLe jour, il est un homme d'affaire aguerri. Aucun écart, aucun imprévu n'est possible dans son planning établi à la minute près. Cette rigidité le maintient sur le droit chemin. En revanche, la nuit, il est une tout autre personne. Dès lors qu'il fr...