Evie
Les regards d'Alec me mettent mal à l'aise, je sens bien qu'il se pose des questions sur mon changement de comportement, mais je ne suis pas en mesure de lui expliquer quoi que ce soit. Je refuse d'aborder ce sujet avec lui, je ne veux pas qu'il ait connaissance de cette partie de ma vie. J'ai tout fait pour préserver l'anonymat lors du procès, du moins mon père l'a fait pour moi.
Je baisse la tête et fixe mes doigts, quand la main d'Alec touche ma cuisse, je sursaute et dans un réflexe pousse ma jambe. Il reprend le volant en restant silencieux, il est tendu même s'il essaie de ne rien laisser paraître, l'ambiance dans la voiture est électrique.
Nous arrivons dans la résidence, dans laquelle se trouve mon nouveau domicile, je descends du véhicule, Alec me rejoint et glisse sa paume dans la mienne, je me crispe aussitôt à ce contact. Nous montons dans l'ascenseur toujours dans ce silence pesant et lorsque nous pénétrons dans mon appartement, l'interrogatoire commence.
— Qui est cet homme, Evie ?
Son ton est sec, rempli de jalousie. Je veux qu'il parte, j'ai besoin d'être seule, mais je ne sais pas comment lui dire tout ça. Je pose mon sac sur la table et me tourne vers lui.
— Je te l'ai dit, je ne le connais pas, tenté-je.
— Mais, bien sûr, ricane-t-il en secouant la tête.
Il s'avance vers moi, et pour la première depuis longtemps, j'ai peur. Pas de lui, mais de ce qu'il adviendrait, s'il savait qui je suis réellement.
— Il faudrait être aveugle pour ne pas avoir remarqué la façon dont il te dévorait des yeux.
— Il fait partie du passé
— Un ex ? C'est à cause de lui que tu refuses qu'on couche ensemble ? vocifère-t-il.
— Je ne souhaite pas en parler, Alec.
— Comme toujours. Je suis patient, Evie, mais je ne le serais pas éternellement. J'ai des envies, tu me plais vraiment et j'aime être avec toi, mais, j'ai besoin de plus.
Je ne sais pas quoi répondre, j'ai déjà conscience de tout ça. À quel point sa patience envers moi finira par avoir raison de notre relation toute neuve. Je fais un pas vers lui, mais il recule. Je comprends sa réaction, elle devrait me faire mal ; or ce n'est pas le cas.
— Alec, je...
— Je sais, tu es désolée et blablabla... Je vais rentrer, c'est mieux. On y verra plus clair demain.
Il ne m'embrasse pas, n'a aucun geste tendre envers moi, il claque la porte en me laissant comme une idiote au milieu du salon. Je fixe l'entrée, puis je sens l'angoisse s'immiscer petit à petit dans chaque pore de ma peau. Je déteste cette sensation.
Mes pas me guide jusqu'à ma chambre, je m'assois au sol et appuie mon dos contre le lit. Je ne retiens plus les larmes qui menaçaient de couler depuis que j'ai croisé son regard bleu. J'enroule mes bras autour de mes genoux et je pleure, je vide toute cette douleur refouler depuis bien trop longtemps.
J'ai mal, je souffre alors que je pensais avoir passé ce cap. Je me suis complètement trompée, Jonah compte bien plus que je veux me le faire croire. Il me manque depuis ce jour où j'ai quitté la villa. Pourtant, on ne se connaît pas vraiment, mais il y a ce lien si particulier entre nous.
Pourquoi ? Pourquoi revient-il dans ma vie ? Pourquoi maintenant ?
Je ne peux pas faire semblant, je n'y arriverai pas une seconde fois, je n'en aurais pas la force. L'injonction est le seul moyen qui me reste pour ne pas sombrer à nouveau dans la dépression. Je refuse de passer encore une fois par tout ça, les psys, la thérapie dans laquelle mon père m'a forcé à aller. Les hauts, les bas, les phases d'euphories, et celles de vouloir en finir, les médicaments que je devais avaler chaque soir pour pouvoir dormir. Non, je ne veux pas revivre tout ce calvaire.
Pourtant, je meurs d'envie de revivre ces quelques moments où il me rejoignait en silence sur la plage. Nous restions là, sans un mot à regarder le soleil se coucher. Le toucher à nouveau, sentir sa peau sous mes doigts. Ce n'est pas de sa faute si j'ai atterri dans cette maison close, même si l'on a essayé de me convaincre du contraire, il n'y est pour rien, il m'a sauvé.
Mes sanglots se font de plus en plus denses, je n'arrive pas à les stopper. J'ai envie de hurler, je n'en peux plus. Je ferme les yeux et m'allonge sur le sol comme je le faisais dans cette chambre blanche et froide. Je compte et attends que le sommeil veuille bien de moi.
J'ouvre les paupières difficilement, je dois avoir une tête affreuse, mes yeux brûlent d'avoir trop pleuré. Je suis épuisée, mon corps me fait mal. Je fixe le ciel gris au travers de la fenêtre, il pleut, je peux apercevoir les gouttes d'eau glisser sur la vitre. J'ai fini par m'endormir sans m'en rendre compte, je me sens perdu, déboussoler.
Des coups sont frappés à la porte, je ne bouge pas et les ignore. Je ne souhaite voir personne, je veux qu'on me fiche la paix. J'entends la poignée qui se tourne, je ne panique pas simplement parce que personne n'a les clés de chez moi, même pas Alec. Mais lorsque des bruits de pas résonnent sur le parquet, je percute, je n'ai pas fermé après le départ de mon petit ami. Mon cœur s'accélère, il est trop tard pour faire bonne figure face à lui, alors tant pis s'il voit la vraie Evie, celle écorchée par un passé qu'elle voudrait oublier à jamais.
Il se rapproche de ma chambre, des chaussures entrent dans mon champ visuel, ce ne sont pas celles d'Alec, je ferme les yeux et pleure à nouveau lorsqu'il s'accroupit et que son parfum enivre mes narines.
Je ne sais pas ce qu'il fait ici ni comment, il m'a trouvé.
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Résister
RomansaLe jour, il est un homme d'affaire aguerri. Aucun écart, aucun imprévu n'est possible dans son planning établi à la minute près. Cette rigidité le maintient sur le droit chemin. En revanche, la nuit, il est une tout autre personne. Dès lors qu'il fr...