Les cloches de l'église Saint-Emile retentissaient dans toutes les allées. Les nuages gris menaçants surplombaient le village et une averse brutale commença au moment où Loïc ouvrit la porte de chez lui.
"– Eh mince ! fallait que ça tombe maintenant !
Ana se précipita derrière lui, tenant le parapluie entre ses mains. Elle était vêtue d'une robe légère de lin. Loïc sourit en voyant ce minois s'approcher de lui. Elle portait une jolie natte qui caressait ses épaules pâles. Elle avait un visage agréable, le nez fin et délicat seul son menton était peut-être un peu trop prononcé.
– Tiens, prends ça et ne le perd pas celui-là !
– Merci, ma douce, tu es sûr que tu ne veux pas m'accompagner ? demanda Loïc avec excès de zèle.
– Certaine, je ne la connaissais même pas moi cette petite vieille ! Plus j'évite les églises et les cimetières, mieux je me porte !" Elle embrassa Loïc sur la joue avant de refermer doucement derrière lui.
Ils habitaient à quelques minutes de la place de l'église, jonchée sur l'unique colline de ce village de pêcheur au bord de l'océan Atlantique.
Tout vêtu de noir, Loïc avançait calmement. Il n'avait pas vraiment dormi de la nuit, préoccupé par les évènements. Bien qu'il n'eût plus parlé à la vieille Hainaut depuis plusieurs années, il se disait que cela faisait partie de son devoir de lui rendre un dernier hommage. Il se souvint avec amusement comment cette femme au caractère revêche avait toujours refusé d'aller en maison de retraite. Elle voulait mourir chez elle comme son mari et elle le répéter à quiconque essayant d'aborder le sujet.
95 ans ! Loïc n'arrivait même pas s'imaginer ce que cela représentait. Elle était née ici et n'avait plus vraiment bougé. Certes, tous les étés, toute sa famille se rendait en Côte d'Azur, mais ce n'était que passager, P... était leur terre et les vieux Hainaut n'eurent jamais envie de connaître quelque chose d'autre autre.
Loïc qui autrefois jugeait ce type de comportement comme un manque d'ambition le comprenait aujourd'hui de mieux en mieux. Son époque à Paris fut marquée par un cuisant échec, jamais il n'avait réussi à se faire à cette grande ville où chacun semblait se préoccuper que par sa propre existence. Il finit même par tomber dans une dépression douteuse.
10 ans désormais qu'il était revenu ici, pour monter son affaire de plomberie et bien que cela ne le permettrait sûrement jamais d'aspirer à une grande richesse, il avait du travail et sa vie lui plaisait.
Les goûtes d'eau s'écrasaient avec fracas sur le parapluie le faisant vibrer succinctement. Loïc ne pouvait s'empêcher de maudire le climat breton, sans vraiment le penser, puisqu'au fond il savait que trop de soleil le rendrait malheureux. Il aimait cette ambiance morose qui régnait une grande partie de l'année, elle correspondait à son âme taciturne.
Il aperçut enfin l'écriteau de la boulangerie d'Étienne Domecq. Aujourd'hui en retraite, cet homme était une légende dans toute la région et ce lieu une véritable institution. De nombreux touristes s'y aventuraient pour y goûter les traditionnels sablés du "père Domecq".
Loïc avançait sous la pluie avec difficulté, il finit enfin par remarquer la silhouette tassée de Emile, son ami d'enfance et petit-fils de Domecq. Il avait repris l'affaire familiale depuis quelques années.
Il se tenait sur le pas de sa porte, une clope au bec. Il avait un visage bouffi et ses joues étaient constamment roses. Son regard était perçant et vif.
Loïc remarqua que ses vêtements semblaient beaucoup trop grands pour lui et que sa cravate était nouée de façon grossière. Il tenait également un vieux béret rouge dans sa main qui jurait totalement avec le reste de sa tenue.
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MATHILDE
General FictionUn homme mène une vie de couple tranquille dans un village en Bretagne lorsqu'il apprend le retour d'une ancienne et douloureuse liaison qui va changer le cours de son existence et celui de tous les habitants.