Chapitre 6

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Los Angeles, Californie, 25 mai 2019

Le feu de forêt ne faisait que progresser. Les pompiers utilisaient tous leurs effectifs pour l'éteindre, mais l'incendie était trop résistant. Il semblait presque doté d'une force surnaturelle qui le rendait inextinguible. En plus du fait que ce feu ravageait tout sur son passage, d'autres incendies s'étaient déclarés dans d'autres parties de la ville. Los Angeles n'était plus qu'une géante boule de feu. Tous les habitants de la ville étaient en mode survie. Les catastrophes ne faisaient que s'enchaîner pour eux: Hollywood qui brûlait, des gens qui fuyaient la ville sur l'autoroute se faisaient encercler par les flammes et brûlaient dans leurs voitures, les réserves d'eau potable qui s'envolaient... Bref, tout allait mal.

Los Angeles n'était pas la seule ville du monde qui semblait en plein apocalypse: tous les pays recevaient des effets négatifs du réchauffement climatique simultanément. Aux États-Unis, c'était une chaleur extrême et suffocante qui engendrait des feux de forêts destructeurs. En France, c'était des canicules qui tuaient des milliers de gens. Au Japon et en Asie, de nombreux typhons et tsunamis avaient complètement détruit les côtes et les répercussions se faisaient sentir jusqu'au centre du continent. En Afrique, la population mourrait à cause des pénuries d'eau potable et de nourriture. En Amérique du Sud, les gens mourraient de chaleur. Dans les pays nordiques, des centaines de villages avaient été inondés par la fonte des glaciers. Plus rien n'allait bien dans le monde.  

Confrontés à ces phénomènes intenses et destructeurs, les nombreux gouvernements du monde avaient instaurés des mesures pour combattre les changements climatiques, même celui de Gary Hiddleston. Les mesures se trouvaient à être les mêmes qu'au Canada: Rationnement, arrêt complet des émissions et plantation d'arbres. Malgré le fait que ceci était une victoire en soi, surtout aux États-Unis, les Terriens accueillaient cette annonce avec amertume. Il était trop tard pour changer le sort de la Terre et tout le monde le savait. L'adoption de mesures contre le réchauffement climatique était plus un geste symbolique en soi, mais c'était un progrès. 

Ally avait ressenti une certaine satisfaction face à l'annonce de Gary Hiddleston concernant les changements climatiques. Il avait dû ravaler sa fierté pour faire ce discours et il n'avait pas eu l'air heureux lorsqu'il parlait. Ally songeait qu'il continuerait sûrement à penser que les changements climatiques n'existaient pas, mais qu'il avait été forcé d'agir par les membres de son parti. C'était sûrement le cas puisque qu'il devait y avoir au moins une personne sensée et intelligente dans  ce parti politique, mais son nom n'était pas Gary Hiddleston.

*

Ally contempla la ville de la fenêtre de sa chambre. Même depuis Brentwood, elle pouvait facilement apercevoir les épaisses colonnes de fumée qui suivaient les feux de forêt. Le paysage au loin était recouvert de taches orange et de fumée. Ally eut un pincement au cœur en songeant que le mythique quartier d'Hollywood étaient en train de disparaître dans les flammes. Tant d'histoire et de beauté qui s'envolait, elle en avait le cœur brisé. Elle savait que la situation était beaucoup trop grave pour simplement penser à la disparition d'Hollywood ; des gens mouraient, après tout, mais elle ne pouvait pas s'en empêcher. Depuis son enfance, elle avait espéré se produire sur les plus grandes scènes qu'Hollywood pouvait offrir, mais maintenant, elle ne savait même pas si elle allait avoir l'opportunité de danser à nouveau. Sa survie n'était même pas garantie. 

-Ally, l'interpella son père. C'est le temps de partir.

Ally cessa son observation de la ville en soupirant et se laissa tomber sur son lit. Elle prit sa valise et quitta sa chambre pour la dernière fois. Elle savait qu'elle ne pourrait jamais y revenir. 

Les feux de forêt s'approchant dangereusement de leur maison, les parents d'Ally avaient pris la décision de l'évacuer et de quitter la ville le plus rapidement possible. Même si aucune ville n'était épargnée par les changements climatiques, les Brooks estimaient qu'il était mieux de crever de chaleur ailleurs que de brûler vif dans leur maison. Alors, ils fuyaient tout ce qu'ils avaient connu depuis toujours pour tenter de survivre. Il ne restait qu'une route où les voitures pouvaient quitter la ville parce que Los Angeles était encerclée par le brasier. On racontait qu'il fallait des heures pour simplement s'éloigner de la ville parce que la circulation était si dense. Tout le monde souhaitait se réfugier ailleurs, très loin de la ville embrasée.

Ally rejoignit ses parents dans le hall de leur maison et se prépara mentalement à quitter sa demeure.

-Je suis là, annonça-t-elle inutilement. On peut partir.

Malgré qu'Ally ne voulait pas quitter son chez-soi, elle préférait cela à l'alternative: être engloutie par un feu de forêt. Alors, elle accepta de quitter sans rechigner. Elle avait pris beaucoup de maturité durant ces derniers jours. Autrefois, elle aurait refusé de quitter son domicile et aurait fait une crise, mais elle n'était plus cette princesse trop gâtée. L'idée de mourir lui avait donné une certaine humilité. 

-Allons-y, déclara Adam en lui prenant le bras pour l'entraîner vers la voiture. Sa mère toussota soudainement et Ally se retourna rapidement pour l'observer. Elle n'avait pas l'air d'aller bien . 

Sa mère avait habituellement un teint mat, mais elle sembla presque blanche lorsqu'Ally la dévisagea. De la sueur coulait sur son visage et tout son corps tremblait et elle avait de la difficulté à respirer. Elle était assurément malade, mais Ally n'était pas habituée à la voir ainsi. Sa mère était toujours en forme et forte. Elle semblait si faible lorsqu'elle l'observait.

-Papa! S'écria Ally. Maman ne va pas bien. On doit l'emmener à l'hôpital tout de suite! 

Elle était complètement paniquée, envisageant tous les pires scénarios possibles. Elle réalisa soudainement qu'elle ne pouvait pas vivre sans sa mère. Ce n'était simplement pas envisageable. Elle ne pouvait pas mourir!

Le père d'Ally se tourna vers sa mère, Lucia, lorsqu'elle lui fit remarquer qu'elle semblait malade. Avec des yeux écarquillés, il observa l'état de sa femme avec anxiété. Avec regret, il annonça à Ally qu'ils ne pouvaient pas aller à l'hôpital. Les urgences étaient toutes pleines et, s'ils voulaient quitter la ville, ils devaient le faire maintenant. 

-C'est la fumée, Ally, expliqua son père. Elle ira mieux si on s'éloigne d'ici. Ça me fend le cœur de voir ta mère comme cela, mais nous n'avons pas d'autre choix que de fuir.

Ally se mordit la lèvre et accepta d'aider son père à transporter sa mère dans la voiture. Lorsqu'ils y furent tous installés, le père d'Ally démarra la voiture et ils s'enlignèrent vers la seule issue possible de Los Angeles: l'autoroute. 

Les stations de nouvelles n'avaient pas menti en affirmant que le traffic était horrible sur l'autoroute. Des milliers et des milliers de voitures s'y trouvaient sans avancer, sûrement parce que d'autres milliers de voitures s'y trouvaient avant eux. Certaines personnes paniquées avant tenté de dépasser les files de voitures et avaient causé des accidents terribles sur la route.

Après près de trois heures à être immobile sur l'autoroute, les Brooks se rendirent compte d'un détail très alarmant: la forêt autour de l'autoroute s'était embrasée. Il n'y avait aucune issue au feu qui se dirigeait directement sur eux et ils le savaient. Tous les trois s'enlacèrent en acceptant leur mort imminente. 

-Je vous aime, déclara Lucia d'une voix chevrotante, autant à cause de ses larmes que de sa difficulté à respirer.

Ally éclata en sanglots et renifla en serrant ses parents plus fort. 

-Moi aussi, je vous aime, annonça à son tour le père d'Ally. Je vais mourir heureux parce que vous êtes ici avec moi. J'aurais aimé que tout soit différent, mais on ne peut pas changer le présent. Au moins, nous sommes tous ensemble.

-Je vous aime, dit Ally à travers ses larmes. Je ne l'ai pas toujours montré et je suis désolée, mais je voulais que vous le sachiez. 

Ally entendit quelqu'un renifler et elle se rendit compte que son père pleurait. Son père ne pleurait jamais. Il avait l'habitude d'être très stoïque, alors ses larmes ne firent qu'encourager ses sanglots. 

Ils vécurent leurs derniers moments ensemble, en s'enlaçant jusqu'à ce qu'ils furent submergés par le brasier quelques minutes plus tard. Leur mort fut presque instantanée. 

*

Partout autour du monde, les humains et les animaux subirent un sort semblable jusqu'à ce qu'ils furent tous éteints. La nature avait repris ses droits sur un peuple qui lui avait enlevé les siens et la planète allait lentement se régénérer. C'était comme le deuxième big bang, et la planète allait renaître de ses cendres. 


Juste la fin du mondeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant