24. Une nuit d'hiver, ton ventre soutenant ma tête.

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Ken est là depuis deux jours seulement et je pense qu'il a dû prendre deux kilos au bas mot, avec toute la malbouffe que je lui fais ingérer matin, midi et soir. L'hibernation se passe merveilleusement bien, avec des repas copieux, des vêtements plus que confortables et des siestes à n'en plus finir. Les vacances sont faites pour se reposer, de toute façon.

Je pourrais rester deux mois entier ainsi, mais c'est sans compter sur Ken qui, par acquit de conscience, s'est levé ce matin avec l'idée folle de sortir. Sortir, dehors, à l'extérieur, tout ça. L'enfermement n'agit pas sur tout le monde de la même manière, visiblement. Le pire dans l'histoire, c'est qu'il a amorcé son approche sournoisement, en venant m'enlacer dans le lit et me faire des bisous dans le cou pour me réveiller. Je m'attendais plus à un "Yara, il est dix heures, petit déj" qu'à un "Yara, faut qu'on aille acheter des cadeaux de noël pour les mecs, j'ai complètement oublié", mais il faut croire que je ne suis pas au bout de mes surprises. J'ai donc enfilé une tenue d'adulte qui ne crie pas "je me nourris intégralement de pop corns", et j'ai suivi Ken dans les transports en communs jusqu'à l'un des plus grands centres commerciaux de la ville, sur Veterans Memorial Boulevard.

Comme toujours, les Etats-Unis ne blaguent pas avec Noël. Les boutiques et les allées sont décorées du sol au plafond avec des sapins et des guirlandes criardes, les enfants ont le nez collé aux vitrines et les enceintes diffusent un album de Mariah Carey taillé pour les fêtes. A force de voir la même chose tous les ans, l'atmosphère consumériste et faussement féérique me sort par les yeux, mais à côté de moi, Ken ne sait plus où donner de la tête. C'est sûr que ça change du marché de noël des Champs-Elysées et du sapin artificiel des Galeries Lafayette.

Pendant une heure, je le laisse me traîner de boutiques en boutiques, de caisses en caisses. Monsieur dépense sans compter pour ses amis et sa famille restés en France et mon petit doigt me dit que Sierra ne sera pas la seule à payer un supplément bagage en 2019. Vêtements, livres, babioles inutiles, tout y passe. C'est lui, le père noël, en fait.


"Tu vas offrir quelque chose à ta famille, toi ? me demande-t-il alors qu'il fait défiler une rangée de cintres devant lui.
- C'est déjà fait, je suis quelqu'un d'organisé, moi."


Ken me lance un regard faussement mauvais avant de m'adresser une grimace enfantine, comme un enfant à court de répartie. Je me lance alors dans l'énumération des cadeaux que j'ai achetés à mon entourage. Un séjour dans les Alpes pour mes parents dans un hôtel prestigieux, un vidéo projecteur à Sierra pour qu'elle arrête enfin de se plaindre de la taille de l'écran pendant nos soirées films et un trench déstructuré griffé Balenciaga pour Janelle. Cette année, j'ai profité de mon compte en banque plus approvisionné que jamais pour marquer le coup et remercier mes proches de leur soutien sans faille.


"T'as encore tes grands-parents ? m'interroge-t-il.
- Oui, mais je les connais très peu. Du côté de ma mère, ils sont au Portugal, et au Cap Vert pour mon père. La dernière fois que je les ai vus, je devais avoir quinze ans.
- Fais pas genre, quinze ans pour toi, c'était il y a pas si longtemps."

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