45. On s'est rayés de nos vies tellement brusquement.

650 54 29
                                    


Trop Beau et Bécane de Lomepal, Nombreux de Angèle, et puis à peu près la discographie entière de Dinos

Oups ! Cette image n'est pas conforme à nos directives de contenu. Afin de continuer la publication, veuillez la retirer ou mettre en ligne une autre image.

Trop Beau et Bécane de Lomepal, Nombreux de Angèle, et puis à peu près la discographie entière de Dinos. C'est ce qui tourne dans mon casque depuis soixante-douze heures. C'est ce qui me permet de me lever de mon lit pour ne pas passer la journée à regarder mon téléphone en espérant y voir apparaître le nom de son contact dans mes notifications. J'oscille entre les différentes phases du deuil, et au fond, je trouve ça ironique de digérer les évènements récents de la même manière qu'avec Marius. Il n'est pas mort, il est juste parti. Mais c'est tout aussi douloureux.

Je n'ai jamais passé autant de temps à ma fenêtre que ces trois derniers jours. La capuche de mon sweatshirt sur la tête, j'observe les gens qui passent et qui repassent en espérant le voir débarquer comme par magie sur les pelouses comme une espèce de Roméo approximatif. Je le cherche dans tous les visages, dans tous les jeunes hommes mal habillés qui traversent mon champ de vision. Il était censé venir aujourd'hui. Il était censé venir passer deux jours avant de regagner la France pour le grand moment de vérité. Il était censé venir me divertir avant la montée du stress de vendredi, mais on dirait bien que je vais devoir me débrouiller toute seule. A la place, j'ai le droit aux regards compatissants dont me couve Sierra et à une valise ouverte et éventrée au pied de mon lit. Ouverte et éventrée, comme moi.

Mes pensées dégoulinent de souvenirs qui se sont fait expulser de force depuis trois jours. On formate le disque dur, on vide la corbeille. De toute manière, ils sont trop lourds à porter pour une seule personne. Et dire qu'il y a un an, j'étais tranquille, la belle vie dont parlait Sacha Distel. Sans amour, sans soucis, sans problèmes. Pas d'approche, pas d'avances, pas de mots, pas de baisers, pas de regards, pas de sourires, pas de bouche, pas de mains, pas de soupirs, et surtout pas de tristesse. Celle que je ressens est comme anesthésiée après avoir passé une nuit entière à pleurer bêtement dans ma salle de bain pour ne pas réveiller ma meilleure amie. Une tristesse qui n'a plus de larmes, plus de voix et qui fonctionne grâce aux regards dans le vide et aux pensées parasites de ses lèvres dans mon cou.

"Qu'est ce que je ferais pas pour ma meuf ?" C'est le dernier message qu'il m'a envoyé. Je le regarde à peu près trois cent fois par jour, comme s'il me suffisait de le fixer assez longtemps pour supprimer l'existence de notre sordide appel. Qu'est ce qu'il ne ferait pas pour sa meuf, donc ? Rester avec elle, pour commencer. Lui, c'est plutôt du genre à paniquer et à claquer la porte pour éviter de trop souffrir et tant pis pour les autres. Tant pis pour sa meuf. C'est moi qu'on insulte mais c'est moi qu'on quitte. Dans mon esprit, la colère et l'incompréhension flirtent dangereusement ensemble ces derniers jours.

Et puis j'ai des flashs. Des moments qui repassent devant mes yeux, des détails parfois. La chaleur de sa jambe collée à la mienne quand on était assis sur le conteneur lors du tournage de mon clip, le sourire qu'il cachait derrière sa main la veille du concert au Canada, le caillou avec lequel il jouait du bout du pied le soir de Come Here, sa main posée sur ma taille pour stabiliser mon ascension des cascades le jour de son anniversaire, ses doigts qui se baladaient l'air de rien sous le pli de ma cuisse quand on était sur le jet-ski, son souffle contre ma cheville quand on faisait l'am-

OrphéesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant