Chapitre 6

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La journée démarre très mal.

Primo, je me suis endormi directement après le départ d'America – merci le décalage horaire. Mon portable, que j'ai oublié de recharger, a rendu l'âme au beau milieu de la nuit ; je n'ai donc pas pu lui envoyer un texto pour confirmer notre rencard. En espérant qu'elle n'annule pas à la dernière minute...

Deuxio, je n'ai rien à me mettre. Je sais : un mannequin qui n'a rien à se mettre, la blague du siècle. Mais, c'est vrai ; je n'ai emporté avec moi que quelques pièces offertes par des designers, la plupart fripées après le trajet en avion. Et si je veux impressionner ma cible, tout doit être parfait.

Après un passage à la salle de sport de l'hôtel, je prends une douche brûlante et profite de mon temps libre afin d'acheter quelques vêtements. Quoi de mieux que la Cinquième Avenue, le tournant de la mode à New York, pour dénicher ce dont j'ai besoin ?

L'après-midi passe à une vitesse folle. Lorsqu'approche l'heure de notre rendez-vous, je retourne à l'hôtel pour demander à la réceptionniste de se charger de mes sacs. J'enfile mon nouveau veston, en retire l'étiquette, et contacte un taxi avec le téléphone fixe de la réception.

Le stress monte crescendo tandis que j'attends patiemment sur le trottoir. Je ne dois pas oublier qu'hier, America m'a laissé en plan : cette fille est imprévisible. Tout se déroulait comme je le souhaitais... Mais elle m'a échappé à la dernière seconde. Pourquoi un tel revirement ?

Peu importe ; je ferai le nécessaire. Tout pour devenir le meilleur.

Meilleur que lui.

J'arrive à destination au bout d'une vingtaine de minutes. Le Nougatine at Jean George se trouve directement à côté de Central Park ; situé dans l'intimidante Trump Tower, il crie le luxe. Un luminaire en or pur trône fièrement au centre de la salle, et de longues larmes de cristal s'échappent de son centre, scintillant chaque fois qu'un reflet de lumière s'y noie. Les murs, blanc nacré, supportent un toit cathédral, dont l'acoustique est spectaculaire ; les notes de jazz flottent dans l'établissement de façon égale, ni trop fortes ni trop basses. Une odeur de calamar et de fleur m'assaille alors que, comme un con, je reste planté dans l'entrée, hypnotisé par la grandeur des lieux. Chaque fois que la richesse m'engloutit, un sentiment d'impuissance m'habite. Je semble être le seul à paraître aussi choqué par l'opulence du restaurant ; les autres clients mangent sans prendre la peine d'observer la beauté de l'espace. Je ne comprends pas comment l'on peut s'habituer à ce genre d'endroit ou s'en lasser. Les gens riches sont-ils tous aussi désabusés par la vie ?

The Ugliness of BeautyOù les histoires vivent. Découvrez maintenant