Troisième partie

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Afin de s'assurer de son départ, Sōichiro pénétra dans la chambre de Xiang pour mieux l'observer à partir de la fenêtre qui s'y trouvait. Dans cet endroit, il jeta immédiatement son coup d'œil : Kyōko était debout, devant le bâtiment, et il semblait qu'elle n'était pas prête à partir. « Ce n'est pas vrai ! » se dit-il. Il l'avait épiée pendant cinq minutes, sans qu'elle ne bougea une seule tierce dudit stationnement, quand le maître des lieux débarqua :

- Sōichiro ! s'étonna-t-il. Que fais-tu dans ma chambre ?
- Je..., tremblait-il en se tournant vers lui, je regardais juste un truc ! Pardon. Je n'aurais pas dû m'y incruster.
- Ce n'est pas grave !

Ils se fixèrent dans un assez court silence.

- Je sors un moment là, fut brisé ce dernier par Sōichiro.
- D'accord ; répondit Xiang.

Sōichiro l'abandonna pour passer lui aussi la porte et descendre les marches de l'escalier jusqu'à rejoindre Kyōko à l'extérieur. Elle fut agréablement surprise de le voir.

- Qu'est-ce que tu attends pour partir ? l'interrogea-t-il, toujours avec son éternel ton antipathique.
- Je ne vois pas en quoi ça te regarde, fit-elle malignement, sauf si tu te préoccupes de ce qui pourrait bien m'arriver !

Son sourire s'étira encore plus.

- Ce n'est pas pour ça ! C'est juste que je ne veux être responsable de rien vu que c'est moi la personne que tu es venue voir ; et puis après tout, tu es une grande fille ! expliqua-t-il avant de revenir sur ses pas.
- Non mais attend Sōichiro ! l'arrêta-t-elle. J'ai vraiment besoin de quelqu'un en ce moment parce qu... En fait... Je n'ai plus d'argent pour mon bus.
- Tu te fiches de moi ?
- Non ! J'avais avec moi le strict nécessaire pour payer l'aller vers le magasin et le retour jusqu'à chez moi ; quand j'ai décidé de venir ici, je n'ai pas pris en compte la somme qu'il me restait dans mon portefeuille tellement que j'étais plus préoccupée par mon casque ; et ce n'est qu'en sortant tout à l'heure que je m'en suis souvenue.

Sōichiro soupira, apparemment habitué à le faire, et se tut en premier lieu, avant de lui dire « Attends-moi là. » Il remonta de nouveau, laissant une Kyōko toute couverte de honte qui marchait çà et là, et fut de retour après environ une minute.

- Je paie pour toi et je t'accompagne pour que tu prennes ton bus, annonça-t-il en avançant déjà.
- C'est vrai ? s'extasia-t-elle en le suivant. Oh tu es trop gentil ; même si tu m'as jetée dehors.
- Parce que tu trouves que c'était normal de me poser ce genre de question ?
- Je ne vois pas en quoi c'est mal !
- Je n'ai pas à m'expliquer sur ma vie sentimentale au près d'une gamine qui a quatre ans de moins que moi !
- Attends, tu as dix-neuf ans ?
- Bien-sûr !
- Tu ne les fais pas !
- Je sais que j'ai l'air plus jeune que je ne le suis en réalité.
- Et à dix-neuf ans tu n'as jamais eu de petite amie ?
- Je n'ai jamais dit ça !
- Alors pourquoi tu as mal réagi lorsque j'ai ri ?
- Je n'ai pas mal réagi ; c'est toi qui ne sais pas faire la différence entre ce qui se dit et ce qui ne se dit pas !
- Oh la la, tu n'es vraiment pas facile comme garçon !
- Ouais, on me le dit souvent.

Ils arrivèrent à l'arrêt de bus, complètement désert.

- À quel âge as-tu eu ta première petite amie ? le questionna-t-elle une nouvelle fois.
- Trouve-toi un type au lieu de m'embêter ! s'irrita Sōichiro.
- Si tu ne me réponds pas, je ne pars pas alors !

Elle s'arrêta et croisa les bras en le défiant du regard.

- Ce n'est pas mon problème, déclara-t-il, je peux te laisser ici !
- Mais tu ne le feras pas ! nia-t-elle parce qu'effectivement, elle avait raison.
- Orrrrh ! Si tu veux tout savoir, j'avais dix-huit ans !
- Whoaw, tu as pris ton temps ; et pas que par rapport aux autres garçons !
- Peut-être parce que je suis un peu défavorisé par rapport aux autres garçons !
- En quoi es-tu défavorisé ?
- Ne m'oblige pas à le dire !
- T'obliger à dire quoi ?
- Tu le sais très bien !
- Je ne vois pas !

Sōichiro souffla en créant un cercle invisible à partir des pas qu'il entamait, puis revint vers cette fille qui l'observait sans comprendre où il voulait en venir.

- Laisse tomber !
- Sōichiro, je te rappelle que j'ai dit que je ne partirai que quand j'aurais eu des réponses !
- Tu m'ennuies à la fin ! hurla-t-il, terrorisant son interrogatrice. Toi-même tu as ri lorsque j'ai évoqué l'idée selon laquelle tu voudrais sortir avec moi ; parce que tu ne t'imagines pas du tout avec un garçon comme moi !
- Qu'est-ce que tu veux dire par un garçon comme toi ?
- Quelqu'un de faible, de moche, quelqu'un qui pourrait être couronné au titre de roi des gens bizarres ! Tu es satisfaite de ta réponse maintenant ?

Kyōko était ahurie. Elle découvrait à cet instant-là le mal-être de Sōichiro. Ce mal-être qu'il avait tenté de cacher depuis longtemps et qu'elle, une simple adolescente qu'il avait rencontrée quelques minutes plus tôt, avait fini par percer au grand jour.

- On est tous un peu bizarre Sōichiro, démarrait-elle candidement, mais ça ne devrait pas être une raison pour se ronger les ongles ou se dire que personne ne nous aimera jusqu'à la fin de nos jours ; quant à la beauté, sache que tu n'es pas du tout désagréable à regarder, et puis elle est facultative et dépend de celui qui aime.
- Ce genre de phrase ne me surprend pas venant d'une fille de quinze ans !
- C'est vrai ! Regarde-moi : comment tu me trouves ?

Elle mit une main sur la hanche, accompagnant ce geste d'un gonflement de ses joues. « Je crois franchement que tes parents ont raison d'être si strictes avec toi car je pense qu'il te manque une case et que ta place est dans un asile. » Kyōko resta bouche bée puis se mit à rire. Sōichiro pivota vers la gauche pour dissimuler la naissance de ce sourire pourtant facile à voir.

- Tu as bien caché ton sens de l'humour, petit coquin ! s'exclama la jeune fille.
- Qu'est-ce qui te fait croire que je plaisantais ? renchérit-il, faussement sérieux.
- Ah ! Ton sourire ; ne crois pas que je ne l'ai pas vu !

Il sourit de nouveau et cette fois, elle l'imita.

- J'ai faim ! se plaignit-elle subitement.
- Et tu comptes sur moi pour te remplir la panse ? lui rendit-il.

Elle se gratta le crâne.

- Viens, lui concilia Sōichiro. C'est moi qui régale !
- Merci, le gratifia-t-elle, mais je disais juste ça comme ça !
- C'est ça, je te crois !
- Sérieusement ! Je comptais rentrer et me lancer sur le dîner qu'aurait cuisiner ma maman et... J'avais oublié qu'elle travaille !

Elle émit un grincement en disant ceci, conduisant son interlocuteur à secouer la tête pendant qu'ils rebroussaient chemin ensemble en cette fin d'avant-midi.

Journée de rêve d'un désaxéOù les histoires vivent. Découvrez maintenant