- C'est ta petite amie, c'est ça ? le questionna-t-elle finalement.
- Mon ex petite amie, clarifia-t-il, qui est aussi la personne grâce à qui j'ai pu connaître ce salon de thé vu que tu voulais le savoir tout à l'heure.
- Donc, vous n'êtes plus ensemble ?
- Oui, elle a décidé de rompre il y'a trois mois.Sōichiro se balança avec lenteur.
- Et ça t'a surpris tant que ça de la voir avec quelqu'un d'autre ?
- J'espérais juste ne pas tomber sur eux aussi rapidement ; j'espérais tout bonnement ne pas tomber sur eux un jour.
- Alors, tu le savais ?
- Oui, je le savais.Il l'avait déballé avec tellement de facilité qu'elle en fut surprise.
- Comment est-ce possible que tu l'aies su ? réitéra-t-elle à haute voix.
- Il m'arrive encore quelques fois de visiter ses différentes pages sur les réseaux sociaux ; poursuivit-il, comme si c'était anodin.
- Et tu me le dis de cette manière ?
- Tu ne vas pas te mettre à me juger toi aussi ?
- Sōichiro, tu es ridicule !Ce dernier pivota vers elle en changeant de face.
- Pardon ? s'énerva-t-il en se remettant sur ses pieds.
- Oui, reprit-elle courageusement en suivant son exemple, tu es ridicule ! Je ne sais pas s'il on te l'a dit, mais moi je ne me gênerai pas pour le faire : tu devrais essayer de retrouver un peu de fierté et de ne plus jamais oser te rabaisser à ce niveau !
- Et c'est une gamine qui n'est jamais sortie avec personne qui me dit ça ?
- Oui parce que cette gamine comme tu dis est ton amie et qu'elle n'a pas peur de te dire la vérité en face !Il allait répliquer, mais il se dit finalement que ça ne servait à rien avec quelqu'un comme Kyōko, qu'il valait mieux la laisser raconter tout ce qui lui chantait.
- Qu'est-ce qu'elle avait de si spécial pour que tu ne puisses pas arriver à l'oublier ? l'interrogea-t-elle.
- C'est..., c'est dur à dire ! expliquait-il en faisant trois pas en avant. Elle... Elle... Elle était la seule qui me donnait l'impression d'être exceptionnel, voilà d'abord ce qui la distinguait des autres. Je pouvais me comporter comme un véritable crétin ou elle pouvait se montrer sous son plus mauvais jour, on arrivait toujours à se pardonner. C'était incroyable ! Nous passions beaucoup de temps à se raconter l'un l'autre des choses que nos amis auraient trouvées étranges sans craindre d'être mal jugés.Elle le détaillait en silence, les oreilles grandes ouvertes. « Je... Je pouvais revenir plus d'une fois sur la même blague, elle riait toujours aux éclats comme si c'était la première fois qu'elle l'entendait. Quelque soit le soucis que j'avais, il suffisait juste que je l'aperçoive un seul instant pour que ma joie revienne. Il... Il lui arrivait très souvent de... De ne rien saisir de ce que je disais parfois et de m'obliger à le lui expliquer ; ça avait beau m'énerver, n'empêche que ça restait assez mignon. » Cette dernière phrase, il l'avait rapportée en souriant et son allocutrice avait fait la même chose avant de le rejoindre, vu qu'elle était restée en retrait derrière lui. Elle posa sa main sur son épaule. « Elle était à la fois ma meilleure amie et mon grand amour, relatait-il encore, et je pensais que j'étais tout pour elle comme elle me le disait si souvent ; mais les vacances de Noël sont arrivées, on a dû vivre ces deux semaines séparés et une fois qu'elles sont passées, ce n'était plus la même personne : elle avait légèrement changé son look en commençant par cette nouvelle coloration capillaire alors qu'elle était brune avant, elle ne voulait plus que ses nouveaux amis nous voient ensemble, elle préférait passer son temps avec eux plutôt qu'avec moi, nous étions toujours en désaccord et elle me faisait croire que c'était de ma faute, et j'ai même fini par le penser ; il n'y a pas pire sentiment que celui-là à mon avis. Et puis un matin, on te donne rendez-vous à l'endroit où vous vous êtes rencontrés et tu t'imagines que les choses vont sûrement s'arranger, mais non. » Kyōko fut si triste pour lui qu'elle l'enlaça, comme s'ils étaient frère et sœur. Une larme joua les fugitives et échappa au contrôle de Sōichiro. « On t'annonce que tout est fini sans que tu ne saches pourtant ce que tu as mal fait ou ce qui a tout gâché, déclara-t-il. J'ai mille et une raisons de l'oublier mais malheureusement, je n'y arrive pas. J'aimerais tant l'oublier mais je ne peux pas ! » Il demeura dans cet état, entouré par les bras de la seule personne avec laquelle il se trouvait dans cet espace fait pour la détente, pendant que celle-ci se contentait de lui offrir l'unique présent qu'elle était capable de lui donner : son amitié. « Une véritable lavette ! se dénigra-t-il, sortant des bras de la jeune fille. Et si on faisait un petit tour avant que tu ne retournes chez toi ? » Elle hocha la tête. Il n'eut pas besoin de l'examiner à la loupe pour constater qu'il l'avait beaucoup attristée, même si c'était involontaire. Il lui donna un coup léger et inoffensif sur la joue et ce n'était que là qu'elle fit un petit sourire. Ils se remirent alors en marche.
Au milieu d'une fête foraine, Sōichiro et Kyōko cherchaient quelque amusement qui pourrait réussir à les distraire. L'adolescente lui tâta le coude pour pointer un jeu où il fallait, à l'aide d'une balle, atteindre une cible pour remporter un panda en peluche. Sōichiro secoua la tête pour montrer qu'il n'avait pas envie d'essayer, mais elle prit son bras et le tira de force. Devant le stand, elle récupéra une balle et la lui donna. Il refusa encore, mais elle l'obligea de nouveau à l'accepter. Il s'avoua vaincu. Il fallait faire trois lancés : le premier fut un lamentable échec et Kyōko l'encouragea, le deuxième était quand même meilleur même s'il n'effleura même pas la cible, et le troisième, au grand dam de la supportrice du jeune homme, fut alors pire que le premier. Celle-ci se frappa la tête pendant que l'homme qui était propriétaire du stand se mit à se moquer de Sōichiro, qui prit un air sérieux comme pour leur faire savoir qu'il était très mécontent. Kyōko demanda la permission de jouer à son tour et après qu'on lui eût répondu favorablement, elle attrapa une balle et fit signe à son ami de prendre exemple sur elle. Il roula des yeux. Elle visa la cible du regard, patienta quelques secondes, et lança la balle... Sōichiro ouvrit grand la bouche, ses sourcils prêts à se confondre à ses cheveux. Elle avait fait quelque chose que lui n'avait pas fait : elle avait maladroitement agressé le moqueur de tout à l'heure, leur imposant donc une course-poursuite lorsque celui-ci, contrarié, décida de les traquer.
Cachés derrière un château gonflable, Sōichiro et Kyōko disparurent grâce à cela du champs de vision de celui qui leur courait après. Ils attendirent un long moment avant de reprendre leur balade. Ils passèrent près d'un marchand de glace et, se souvenant de la proposition qu'elle lui avait faite quelques heures plus tôt, Sōichiro décida d'en offrir une à son accompagnatrice, qui leva les bras, comme une enfant, en le remerciant. Il en prit aussi une et c'était reparti pour la quête aux divertissements. En trois heures, ils avaient déjà visité de nombreuses attractions, comme les cinq tours en manège qu'ils avaient faits et qui donnèrent l'impression à Kyōko que son cœur allait ressortir par le biais de sa bouche, le concours du plus grand mangeur de beignets qu'aucun des deux n'avait pu remporter vu qu'ils s'étaient arrêtés à six sur vingt-cinq, le jeu de l'escalade d'un mur en soutenu par une corde (Sōichiro abandonna parce qu'il avait le vertige, rehaussant de plus de 25 % l'égo de la plus jeune), et la course de sac en binôme qu'ils avaient en fin de compte gagnée non sans difficulté. Ils vadrouillaient, des pommes d'amour à la main, quand ils virent un train fantôme où Sōichiro voulut entrer, contrairement à Kyōko ; mais comme elle l'avait fait avec lui au premier stand, il la contraignit à renoncer à cette décision. Elle l'accompagna malgré elle car il la tirait, tandis qu'elle tentait de lui résister en collant presque ses pieds sur le sol ; ce qui fit qu'une faible fumée de poussière les suivait déjà avant même qu'ils ne pussent arriver près de la cabine où il fallait payer pour l'attraction. Sōichiro transmit l'argent à celui qui devait leur accorder le droit de profiter du train fantôme, mais celui-ci leur informa que ce jour-là était un jour spécial « amoureux ». Seuls les amoureux pouvaient faire un tour. Impulsivement, et poussé par la volonté de jouir de ce divertissement, le jeune homme mentit en déclarant que Kyōko et lui étaient en couple. Cette dernière le regarda, étonnée, mais il l'entoura de sa main droite et la fixa avec tellement d'insistance qu'elle soutint son mensonge et le prit également dans ses bras. L'homme demeurait cependant incrédule, malgré tous les efforts qu'ils employaient pour lui prouver qu'ils étaient le couple qu'ils prétendaient être. Il leur suggéra alors de s'embrasser sur la bouche afin de démontrer qu'ils étaient bel et bien ensemble. Ils s'étonnèrent tous les deux et commencèrent presqu'à se trahir, mais ils l'observèrent une nouvelle fois et parurent subitement motivés. Ils se regardèrent en souriant avant de fermer leurs yeux. Ils avancèrent leurs lèvres l'un vers l'autre tout doucement, trop doucement, et se retournèrent au même moment dans le sens contraire, une mine dégoûtée sur le visage. L'homme éclata de rire et les deux jeunes gens se sentirent ridicules. Comme si ça n'avait pas suffi, le propriétaire du premier stand se manifesta de nouveau et quand il les vit, il leur cria dessus en se précipitant vers eux. Ils prirent leurs jambes à leur cou, ramenant donc ainsi leur grande galopade sous un ciel où la pluie s'annonçait déjà.
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Journée de rêve d'un désaxé
Short Story« Allô ! » C'était une voix féminine dont l'intonation était proche de celle de quelqu'un de jeune et de sérieux en même temps. - Oui, je suis... En fait c'est à moi que vous avez écrit ce message sur cette histoire de paquet. - Oh ! D'accord. Il y...