Chapitre 6

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J'avais passé une bonne nuit étonnamment. D'habitude j'avais tendance à beaucoup penser avant de dormir, et cela m'amenait souvent à faire des insomnies. Je ne sais pas si c'était le fait d'être de retour à ce qui avait été un temps ma maison mais je me sentais assez bien. Et en même temps, un peu coupable de me sentir si bien justement. Mon frère devait se faire un sang d'encre, lui qui me surprotégeait toujours depuis qu'il m'avait retrouvée.

J'entendis soudain toquer à la porte de « ma » chambre.

-Oui ?

Peter est entré.

-Ça m'étonne que tu toques. C'est quand même ta chambre, lui ai-je rappelé.

-Tu me vois comme le méchant de l'histoire. Et je comprends, tu sais. Je t'ai privé de ton frère bien-aimé, il a sûrement dû te retourner le cerveau à propos de moi.

-Il n'a pas eu besoin de me « retourner le cerveau ». Tu l'as très bien fait tout seul.

Peter s'est approché de moi.

-Je ne t'ai jamais fait de mal. Je ne t'ai jamais touché. Si tu savais le nombre de garçons qui en auraient profité. Mais non, moi, je t'ai toujours protégé. Contre les garçons perdus déjà. Si tu savais le nombre d'entre eux qui ont essayé.

-Quoi ? Qu'est-ce que tu racontes ?

-Tu veux des noms, peut-être ? T'étais la seule fille ici, tu t'attendais à quoi ? S'est-il exclamé.

-Mais... j'avais quinze ans !

-Et ? Certains garçons avaient déjà dix-sept ans, ça n'allait pas les arrêter. Je leur ai toujours interdit de te toucher.

-Qui ? Qui a essayé ?

-Pourquoi tu veux savoir ça maintenant ? Ça ne va rien changer.

-Dis-moi.

Peter a souri légèrement.

-Ils ne sont plus là.

-Hein ?

-Tu ne croyais pas que j'allais les laisser vivre ici.

-Je ne comprends pas.

-Les garçons viennent et restent généralement à Neverland comme tu as pu le voir. Mais je suis le roi ici, n'oublie pas. Si quelqu'un fait quelque chose qui me déplait, il part. C'est aussi simple que ça.

-Je ne l'ai jamais remarqué.

-Généralement, dès qu'un garçon part de Neverland, il est oublié. Personne ne s'en rappelle sauf moi.

-Mais... ce n'est pas possible... Ça voudrait dire que moi aussi...

-Oui, effectivement, je n'ai jamais compris. Alors, certains t'ont vraiment oublié, c'est vrai. Mais les autres se souviennent de tous les détails. Evidemment, il y a ton ami Sacha mais d'autres également. Je n'ai jamais pu expliquer ce qui s'était passé.

Je me suis tue quelques instants.

-Il faut croire que tu marques les esprits, a-t-il dit, tout bas.
Je l'ai fixé.

-Pourquoi tu ne m'as jamais laissé retourner chez moi ?

Il m'a regardé droit les yeux en disant :

-Ça ne t'a jamais traversé l'esprit que c'était par pur égoïsme ?

J'ai froncé des sourcils.

-Pourquoi ?

-Tu n'es pas très perspicace, aujourd'hui, Alice, a-t-il fait remarquer dans un petit rire.

-Arrête de te moquer de moi.

-Je ne me moque pas. Maintenant, tu devrais aller retrouver les autres.

-Dis-moi ce que je dois faire pour que tu me laisses partir. Pour que tu me laisses retrouver ma famille.

Je vis les yeux de Peter s'assombrir.

-J'aurais cru que tu avais compris. Ta famille, c'est nous. Arrête de te mentir à toi-même.

-Je n'ai qu'une seule famille et c'est mon frère. J'espérais que tu l'avais compris depuis le temps.

Peter retrouva son air fourbe dont il avait bien plus l'habitude.

-Le truc, c'est que je n'ai pas l'intention de te laisser partir. J'ai besoin de toi ici.

Je le fusillais du regard.

-Je te déteste. Tu n'as même pas idée.

Il m'adressa un sourire triste.

-Je préfère que tu me détestes et que tu sois ici. Parmi nous.

-Tu es le mec le plus égoïste que je connaisse.

-Tu crois que ça m'importe que tu me trouves égoïste ? J'ai tous les droits ici, c'est mon royaume. Les garçons perdus obéissent à tous mes ordres. Je peux faire ce que je veux, quand je veux. Donc tu devrais plutôt m'obéir.

-C'est une menace ?

-Je dis juste que je t'ai toujours protégé jusque-là mais ça pourrait vite s'arrêter si tu me contraries.

Je lui lançais un regard noir.

-Si tu espérais un peu de sympathie de ma part, tu peux rêver maintenant. Et je suis capable de me défendre toute seule pour ta gouverne.

-Je n'en doute pas.

Et il sortit de la chambre en claquant la porte.

Ce qu'il pouvait changer d'humeur d'un coup. Au début de la conversation, je commençais à l'apprécier comme j'avais pu le faire il y a quelques années mais il était redevenu tel que tout le monde le connaissait : impitoyable et cruel. Faut croire qu'il retournait toujours à sa vraie nature.

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