Chapitre 3

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Point de lumière de l'aube pour filtrer à travers les toits des maisons. L'absence de la pâleur angevine des nuages et du rayonnement délicat de l'astre souverain se faisait cruellement ressentir dans la caverne. Hommes et femmes, aux allures fantomatiques progressaient au hasard des rues, plus discrets que leurs ombres, dans cette ambiance permanente de samedi soir alcoolisé où l'atmosphère oscille entre festif et oppressant. Aucun rire ne fend les airs. Le silence n'y règne pas pour autant, les grattements de ces centaines d'êtres vivants entassés, Hommes comme bêtes, troublent le calme souterrain.

Le temps pourrait être une notion bien abstraite pour qui ne voit pas le jour, mais le problème est pallié par la présence d'un gigantesque cadran d'horloge, colossal de part sa taille, et magnifique par la précision des ornements qui agrémentent l'objet. Fixé au mur par un tour de force considérable, l'heure s'impose à tous les habitants, dominant la ville depuis cette prouesse d'acier.

C'est ainsi que quelques heures plus tard de cette même journée, Evariste émergea des bras de morphée. Peu pressé de revenir à la réalité, il posa son regard sur la pièce qui l'entourait. Les murs grisâtre avaient été taillé à même la roche. Le travail était grossier. Des arrêtes coupantes saillaient le long des murs, et le plafond n'épousait aucune forme géométrique connue. Certaines cavités étaient exploitées pour ranger des objets diverses. Les plus petites d'entre elles étaient remplies de bougies, uniques sources lumineuses de la salle. Les coulées de cire blanche, fixées par un courant d'air passager, en dégoulinaient abondamment formant une flaque solide par terre. Le sol rustique ne présentait aucun intérêt particulier, mais témoignait de la pauvreté du propriétaire ou de son profond désintérêt pour les lieux.

Au fur et à mesure que sa vision s'accommodait, certains objets vinrent contredire cette première pensée. Des objets complexes en laiton doré étaient disposés ça et là. Eva n'en reconnu qu'un qui semblait simuler la position des étoiles dans le ciel. Les autres lui étaient totalement inconnus. Le mobilier était plus simple quoi que bien entretenu. Sur une commode de bois sombre reposait une glace terne, et un drap de taffetas bleu. Le garçon tourna mollement la tête vers l'angle le plus obscure. Ce qu'il prenait pour un mur particulièrement rugueux était en fait le derrière d'une bibliothèque. Un rectangle découpé parmi les livres permettait le passage vers une autre pièce.

Le jeune homme esquissa un geste de la main droite. A sa plus grande surprise, des vaguelettes entrèrent en collision avec son propre corps, provoquant des remous à la surface de l'eau. Evariste était ce que la fleur coupée est à son vase, à moitié immergé dans un bain, la peau flétrissante et fanée par le temps incertain.

Ce qu'il ne partageait pas avec la fleur, est cette pudeur qu'elle conserve jusqu'aux portes de la mort. Ces voiles délicats et colorés qui couronnent son sommet, lila pour celles qui poussent au nord, ou citron pour les pleins sud. Ces pétales attisent la convoitise humaine, révélant ainsi la profondeur de l'égoïsme de ces individus. Ceux-ci préférant arracher la fleur à la vie pour se la déclarer sienne le temps baiser, plutôt que de la laisser se gâter en pleine liberté. Evariste était nu comme un nouveau né, macérant dans l'eau parfumée d'un tonneau géant.

Il n'avait d'autres solutions que de se laisser porter par les évènements, passif dans le déroulement de sa propre histoire.

Grincement de porte. Bruit de pas. Soupir.
-L'Homme en noir ! murmura Evariste.

La personne semblait familière aux lieux. Plusieurs bruits métalliques, et froissement de tissu. Il n'était pas difficile, malgré la cloison de livres d'imaginer ce que l'Homme était en train de faire. Lorsque celui-ci eut fini de retirer ses vêtements d'extérieur, le calme revint peu à peu dans la grotte.

Soudain, un poignard fendit l'air. Passa droit sous le nez d'Eva pour se planter droit dans le tiroir supérieur de la commode en bois. Une voix étouffée marmonna :

- ... vêtements...

L'identité du bienfaiteur était un peu compliquée à cerner, mais pour le moment, ses intentions semblaient louables.

Le jeune homme se leva, prudemment. Ses plaies étaient propres, et son pied solidement maintenu en attelle par deux bouts de bois. Il lui fallut un peu de temps certes, mais il finit par se vêtir de pied en cape, et mettre son bras en écharpe. Partagé par une foule de sentiments, s'étendant de la crainte à la reconnaissance, il décida qu'il était plus que temps de rencontrer l'Homme. Ni une ni deux, il franchit l'ouverture (peut on réellement qualifier cela de porte ?), et se retrouva baigné de lumière au milieu de l'antre.

Une personne se tenait assise, dos à lui, cachée sous un capuchon de voyage.

-Je ne sais par où commencer pour vous remercier, balbutia le garçon.

-Mon altruisme a ses limites et tu te doutes bien que je n'ai pas fais tout cela sans attendre de dédommagement, répondit l'autre.

Les paroles de l'individu avaient le mérite d'être claires, bien que ce-dernier se révèle être moins vertueux qu'en apparence.

-J'imagine...

-Pour être aussi amoché, tu dois bien valoir quelque chose. On ne s'intéresse pas à de la vermine. On l'ignore ou on la tue.

L'interlocuteur masqué se tourna légèrement vers Eva. Cachées dans l'ombre, deux prunelles vertes brillaient d'un désire animé par l'appât du gain. Le jeune homme ne savait quoi répondre.

-Le respect tu connais pas hein ? Les petites frappes dans ton genre ça n'a pas d'honneur, pas de parole, pas d'avenir. A genoux ! Continua t-il plus sèchement.

Aucun échappatoire, aucune porte de sortie. Se soumettre ainsi, la nuque exposée aux dangers, n'était pas dans la nature d'Evariste, mais il savait être pragmatique. La situation était très délicate, et ne permettait pas le moindre faux-pas. Lentement, il ploya les genoux, l'un après l'autre, posant sa main droite à plat en évidence devant lui, le regard rivé sur le sol. L'Homme en noir se retourna totalement, pour contempler sa victoire. Il se leva même pour dominer de toute sa hauteur le soumis. Un petit déclic retenti, et la cape charbon s'écrasa sur le sol dans un soupir de chiffons.

L'agenouillé pouvait distinguer nettement une paire de souliers à boucle, plantés devant lui, mais il n'y prêta guerre plus d'attention. Il était à la recherche d'autre chose. Pendant ce temps là, le maître, à visage découvert savourait la situation. Il poussa le vice jusqu'à lever la main sur son esclave, et frappa un grand coup à l'arrière du crâne brun.

C'est à ce moment là que tout bascula.

Rapide comme une ombre, Evariste attrapa une épée courte qui gisait au sol non loin, et donna un coup d'épaule dans les jambes de son adversaire pour le déstabiliser. Cette dernière n'était pas moins vive pour autant, et le temps qu'Evariste se relève, saisit une épée à deux mains. Prêt à tout, Eva attaqua, orientant sa lame vers le flanc de la jeune femme. Elle para l'attaque avec sa lame. S'en suivi un bras de fer qu'elle fut la première à rompre, bondissant sur côté pour ne pas être touchée. Elle leva son arme à deux mains, arma son coup, et dans un cris de rage voulu abattre les trois kilos d'acier sur le crâne du garçon. Prévoyant la trajectoire de la lame, celui-ci put esquiver en pivotant d'un quart de cercle sur son pied valide.

-Je te suis redevable et je m'acquitterai de cette dette,

Il attaqua avec la pointe, tendant vivement le bras pour qu'elle s'enfonce entre les deux yeux de la jeune femme. Au lieu de de cela la pointe ricocha sur le mur, ratant sa cible qui s'était accroupie. Le combat semblait perdu pour le jeune homme, il exposait tout on torse à son adversaire sans pouvoir se défendre. Celle-ci poussa un cris de victoire, rapidement étouffé par le contacte glacial du fer contre sa carotide.

-Co...coment ?

La main gauche d'Eva s'était libérée de l'écharpe, et malgré la douleur, avait saisi le propre poignard de son ennemi (celui ci pendait ostensiblement à sa ceinture) , avec lequel il la menaçait.

-Mais cela ne fait pas de moi ton esclave pour autant.

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