Chapitre 6

32 1 2
                                        


"Ici, tout le monde se démerde, c'est chacun pour sa pomme. On pourrait croire qu'entre sous-merdes du royaume, on pourrait s'allier, et renverser la balance ! Même pas... On est toujours divisés. Mais elle vaut quoi cette hiérarchie de tout'façon ? Entre déchets, on se ressemble tous, n'est-ce pas ? L'ordre des capes noires n'est qu'une façade futile. Contrôler les échanges de la ville leur fait miroiter une impression de pouvoir. En réalité, ce n'est qu'une belle bande de demeurés qui se complaisent dans leur situation. Méprisable. Les gens d'en haut exercent le plein contrôle ici.

Luce brandit son poing, sauta sur ses deux pieds, et continua en hurlant aux nuages :

- Nous, libres ? Elle exultait. C'est tout ce que vous avez trouvé pour vous débarrasser de la vermine ? Les enterrer sous vos fondations et oser avoir le culot d'affirmer que nous sommes libres ? Libres de nos mouvements ? Libres de nos faits et gestes ? Luce s'étrangla dans sa propre colère. Y'a pas de vie ici. Tout le monde crève avant 30 ans. Les gosses ne sont pas encore grandes qu'elles attendent déjà d'nouveaux marmots. Tous ceux que je connaissais au ras du sol ont crevé de toute façon. Moi je suis encore là, par ce que j'habite là-haut ...

Elle se rassit découragée.

- Je déteste cet endroit. Les gens grouillent, incapables de se suffire à eux-mêmes, de réfléchir par eux-mêmes, ils n'ont aucune volonté. Je ne fais pas partie des capes noires, je le fais seulement pour assurer mon fond de commerce. Je n'approuve pas leurs entreprises minables.

Evariste était perplexe. Il se gratta la tête, étonné par la soudaine volubilité de son interlocutrice. Ce discours enflammé partait dans tous les sens. Sans doute un peu dur à suivre, pour qui n'était pas dans la tête de celle qui le prononçait. Le jeune homme cligna des yeux :

- On est où ?

- Dans les tréfonds de Kronopolis, imbécile. Sur nos têtes, il paraît que s'étend une sympathique petite ville, où ces messieurs les aristocrates, ont pour habitude de séjourner dans leur temps libre. Nos têtes de crasseux leur causaient trop de déplaisir, et ils nous ont bouclé sous leurs pieds. Luce prenait un malin plaisir à joindre tout un tas de mimiques farfelues à sa parole, car selon elle, cela illustrait parfaitement le comportement de ces gens. "Mais moi je veux SORTIR!" rugit-elle. "Et leur pourrir la vie comme ils ont pourri la mienne !

- Huhum, et à part dealer des cailloux dorés tu fais quoi dans la vie ?"

Désarçonnée par le tact particulièrement inexistant d'Evariste, elle ne sut que répondre.

- Je ramasse des adolescents cadavériques, quoi de plus banal ? Le concerné fronça les sourcils, bien plus susceptible qu'il ne voulait l'admettre. "Nan, j'plaisante. Ce dont tu parles, j'imagine, ce sont mes ouranographes ? "

Elle sortit de sa poche les mêmes petits cubes en argent qu'elle avait au bar quelques heures plus tôt.

-Je n'en suis pas peu fière. J'ai créé ces petites merveilles moi-même.

Le jeune homme se saisit de l'un d'eux, et le rapprocha de son visage pour mieux le détailler. Chaque face de l'objet présentait de très fines ciselures de toutes formes, qui évoquaient plutôt un ensemble végétal. Eva pressa les deux coins opposés. Un petit déclic retentit. L'objet s'était déployé pour prendre un aspect bien différent de son cube d'origine. Toutes les petites pièces qui le composaient, s'étaient éloignées les unes des autres, reliées au noyau par de minuscules branchettes métalliques. L'ensemble était assimilable à une boule de bardane.

- Tu n'as pas encore tout vu !

Trop heureuse de l'intérêt soudain qu'on pouvait porter à sa création, elle voulut en faire toute une démonstration. La jeune femme invita son compagnon à s'approcher. Elle ôta sa cape noire, pour la jeter sur leurs têtes. Le parfum de celle-ci embauma les narines d'Eva. La proximité le mettait mal à l'aise, cependant, le miracle qui suivit lui fit oublier cette sensation. Le cœur du cube s'illuminait ! La lumière interceptée par les pièces métalliques se reflétait sur la cape, dessinant une carte du ciel, plus vraie que nature. Un nom minuscule apparaissait même, en dessous de chaque point.

- Tiens, regarde, Mars, va être éclatant ce soir, il se pourrait bien qu'il y ait une naissance.

Le garçon écarquillait les yeux. Il se dégagea de la grande toile en laine, empêtré dans les plis.

- Impressionnant ! Mais à quoi ça sert ?

- Lire l'avenir ! Qu'est-ce qui peut bien intéresser le gens dans un tel trou à rat ? et dont on ne peut pas épuiser les réserves ? Les histoires fumeuses ! Et c'est encore mieux quand elles sont vraies !

- Et bien dis donc, quand on t'a lancé toi, on t'arrête pas.

- Tu le fais exprès ou tu es naturellement désagréable ?

- Ni l'un ni l'autre ! Je dis ce que je pense, c'est t...

- J'ai compris, te bile pas, le coupa-t-elle, riant. Et toi alors ? Tu sais, si je t'ai ramassé, c'est parce que des types comme toi qui pleuvent du ciel, ça n'arrive pas tous les jours. T'as dû bien merder, pour qu'ils t'en veuillent au point de te jeter dans la fosse aux loups.

- Je sais pas. Est-ce toi qui a soigné mes blessu...

- Écoute, laisse tomber tes manières de grand personnage avec moi. Et non, je ne suis pas la chamane du bled, tu t'es soigné tout seul.

La conversation marqua une petite pause. Les deux jeunes gens ne savaient plus comment se considérer l'un l'autre après un échange aussi riche en émotion. L'heure du retour vers la grotte semblait avoir sonné. Luce leva une dernière fois le nez au ciel, pour contempler cette lumière qu'elle affectionnait tant. Mais soudainement, son expression changea du tout au tout. Elle s'exclama :

- Evariste !!! A terre ; derrière le rocher !

Elle l'entraîna de force sans plus d'explication ; Ils se blottirent dans la cachette indiquée. Un croassement mécanique et saccadé fendit l'air. Ce n'est pourtant pas de son fait, qu'Evariste tressaillit. Une toute petite voix, venait de s'immiscer au creux de son oreille, et lui susurra : "Tu m'as trouvé Eva, c'est moi qui ai soigné tes blessures..."


_______________________________________________________________________

J'ai ressuscité ! A vrai dire, j'avais presque oublié ma propre existence. Je vais tout faire pour que ce retour ne soit pas qu'un passage occasionnel. Un peu de rigueur s'impose !

J'espère que ce chapitre vous aura plu. Je suis plus que jamais, preneuse de vos commentaires et vos avis !

Ps : Remerciements tous particuliers à @Etoiledusoir13 et  @Kaleb9632 !!!    

Vous avez atteint le dernier des chapitres publiés.

⏰ Dernière mise à jour : Jun 20, 2020 ⏰

Ajoutez cette histoire à votre Bibliothèque pour être informé des nouveaux chapitres !

Les Fossoyeurs Où les histoires vivent. Découvrez maintenant