Episode 7

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Je reprends connaissance dans un cri comme si l'on venait de me faire des électrochocs. Je ne sens plus la douleur de ma bouche ni le corps de cet homme sur moi. J'ouvre les yeux, il n'y a que le réverbère au-dessus de moi, c'est spectral, plus de bruit et je reste allongée, les bras en croix. Je me rends vite compte que je n'ai plus de liens mais je vois mon pantalon déchiré, je me souviens de tout jusqu'à mon évanouissement. Je suis bloquée au sol, il semble presque mou et je respire doucement, je bouge mes membres un par un : tout fonctionne... Reste à savoir s'il a pris le soin de finir son affaire. Je place mes mains sur mon sexe, je ne sens rien d'anormal. A-t-il été dérangé ? A priori, il n'a pas pu conclure ni même tenter de le faire. Je me redresse péniblement, mais je ne peux pas encore me mettre debout. Des larmes sont sur ma joue, mon coma n'a pas duré trop longtemps. Ma tête me fait mal, je touche mon crâne et j'ai visiblement une petite plaie à l'arrière.

Je prends le temps d'observer le lieu de mon agression, mais je ne vois rien de spécial, une ruelle comme les autres si l'on occulte la musique.

J'entends une voix féminine :

- Hé ! Ça va ? Charlie appelle les flics. Il y a eu un problème ici.

Une silhouette rentre en hâte dans le club par la porte de derrière, tandis que la jeune femme accourt vers moi.

- Vous pouvez vous mettre debout ? On vous a agressée ?

Trop de questions d'un coup. Je réponds.

- Oui.

- Oui quoi ?

Elle m'aide à me relever et je lance.

- Oui pour tout.

- La police va arriver. Vous vous souvenez de sa tête ?

J'allais rentrer dans les détails quand soudain, un râle provenant des poubelles se fait entendre. On se regarde, elle est visiblement aussi surprise que moi. La fille se précipite et ouvre le couvercle qui semble peser des tonnes.

- Non, mais j'hallucine ! Charlie ! Charlie ! Viens voir ça...

Il arrive en tenant le combiné à l'oreille, ils sont bloqués devant quelque chose ou quelqu'un.

- Merde ! C'est lui, tu crois ?

- Ben, ça en a l'air et la musique.

Je m'approche lentement, j'ai des courbatures et j'observe par-dessus les épaules de Charlie.

Je vois l'ordure qui m'a agressée, il est blessé.

La fille se tourne vers moi.

- C'est lui ? C'est ton sang ou le sien ?

Elle me fixe des pieds à la tête sentant que je suis toujours en état de choc.

- Ha non ! Ce n'est pas le tien...

Elle regarde mon pantalon, et son visage devient plus grave.

- Merde ! Il t'a violée ?

Je lui dis non de la tête et elle semble soulagée.

Elle finit par balancer sa main de gauche à droite tout en arborant un air de dégout. C'est vrai que ça put ici, elle rejette finalement le couvercle de l'autre côté tout en se reculant pour préserver son odorat et son estomac.

Je m'avance et je regarde en détail le type. J'observe son bras droit, il est cassé en plusieurs endroits, des bouts d'os sortent de sa chair qui suinte, il perd un sang épais et presque noir. Il a des tressaillements nerveux et sa tête est penchée vers l'avant. Visiblement, il souffre, mais ne peut pas hurler. Je recule en fermant les yeux, ça tourne. Je suis encore sous l'emprise de la drogue, mais je tente de me concentrer sur la scène. Il fait au moins 1m85 et une centaine de kilos. Effectivement, il était massif, ce qui explique le mal que j'ai eu pour le repousser, mais dorénavant, et en tassant un peu, il pourrait rentrer dans le coffre d'une mini Copper !

Entre cette image d'horreur et l'odeur de la poubelle, j'ai des haut-le-cœur. J'entame des va-et-vient gastriques avant de me retourner d'un coup pour vomir. Je sens que je vais devenir sobre plus rapidement que prévu finalement...

C'est à ce moment-là que la police et les pompiers arrivent. Je suis toujours à moitié accroupie en face de la flaque que je viens de faire. La patronne me regarde avec pitié et interpelle le garçon de tout à l'heure.

- Charlie va chercher une serviette pour la demoiselle, de l'eau aussi...

Elle se retourne immédiatement et fait quelques pas en direction des forces de l'ordre.

Elle ajoute,

- Il faut que je me pense à autre chose, je vais finir par faire la même chose dans deux minutes.

Le temps passe et un pompier me prend en charge, je suis assise, j'ai droit à un interrogatoire sur mon état de santé, ma tête et tout le reste. Tout en répondant, je regarde la police et les autres sauveteurs tenter de sortir le type de sa demeure répugnante. Finalement, ils vont le faire partir avant moi, je comprends qu'il est dans un état critique et j'entends qu'il risque de faire un arrêt cardiaque. Un pompier a confié à un de ses collègues qu'il n'avait jamais vu autant de fractures sur un homme, et bizarrement, seuls les membres sont cassés...

On a voulu le laisser vivre ? Un policier s'approche de moi.

- C'est vous la victime ?

Il semble perplexe tant je me sens mieux maintenant et que je le regarde droit dans les yeux. Il faut croire que je sais prendre sur moi. Il continue en plaçant une main sur son revolver et en s'accroupissant à ma hauteur. Veut-il m'impressionner ?

- Quelqu'un était avec vous ?

- Non.

- Vous n'allez pas me dire que c'est vous qui l'avez laissé dans cet état ?

À ma tête, il sait maintenant que je n'y suis pour rien et il s'en amuse.

- Non, c'est évident... il vous a agressé ? Il a abusé de vous, vous a battu ?

Je n'ai pas envie de lui répondre. Il se résigne en soufflant.

- OK, je comprends, trop de questions ? On verra ça plus tard.

Il lève les yeux vers le haut à la recherche de quelque chose qu'il finit par trouver. Il pointe son doigt vers le ciel et interpelle ses collègues.

- Regardez là-haut ! Une caméra de surveillance. Ça, c'est du bol.

Il s'éloigne pour passer un coup de téléphone, entre temps, un pompier me tend la main,

- Venez, nous sommes obligés de vous emmener aux urgences pour faire le point, vous avez de la famille ?

- Personne.

- Très bien, vous voulez une civière ?

- Non, c'est bon, je vais marcher.

Je le suis et monte dans le camion.

Nous parcourons Paris aux sons des gyrophares.

J'ai passé toute la nuit à l'hôpital et effectivement, pas de viol. Tout le personnel est au courant de l'affaire, ça chuchote et c'est pénible. Il est 9h du matin, j'envoie un texto à Henri pour lui expliquer brièvement les choses. Je n'ai pas eu de réponses, je pense qu'il ne me croit pas...

Tous les examens sont finis, je n'ai rien, pas même un point de suture, simplement une marque au visage quand il m'a frappé. J'ai effectivement été droguée avant, ce qui a provoqué mon coma et mon état lascif. Il avait donc bien prévu son coup...

C'est Mé qui vient me chercher en milieu de matinée, elle est complètement paniquée. Elle gesticule autour de moi comme un petit insecte, son fauteuil tournant presque à la vitesse de ses bras. Tous les regards sont sur elle, c'est vrai qu'elle en fait peut-être un peu trop, mais elle aime se rendre intéressante.

- Ça va ma chérie ? Mon Dieu, comme j'ai eu peur. Tu as appelé ta mère ? Non, bien sûr, tu as bien fait. C'est horrible, comment il était ? Ce pourri je vais lui crever les yeux, il s'appelle comment ?Et dans sa poubelle, il était comment ? Il va y rester tu crois ? Ce serait bien fait ! Ha non il ne faut pas dire ça... Non, mais quand même !!!!

Elle ne s'est pas arrêtée une seule fois pour respirer.

Je suis heureuse qu'elle soit là, mais j'avoue qu'il me faudrait un peu plus de calme. Elle me raccompagne chez moi dans sa voiture et je m'endors profondément, Mé restant à mes côtés...

MB MORGANE - Urielle - Tome 1 [Terminé] (édité)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant