Episode 11

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- Vous êtes sûr, Maître, que j'hérite de la maison ?

- Oui, c'est noté ici, votre grand-mère avait tout prévu depuis des années.

- Et son fils ?

- Nous avons une lettre où il refuse sa part. Vous devenez donc la seule personne à hériter.

Finalement, j'apprends que mon père n'est pas mort, j'hésite un temps avant de demander son adresse puis me résonne, c'est un étranger et je n'aurais rien à partager avec lui. En revanche, qu'est-ce que je vais faire de cette maison ? Il est hors de question de la vendre, mais il faut pouvoir s'en occuper.

Je quitte le cabinet avec tous les papiers à remplir.

Je ne cesse de penser à la manière dont je vais annuler le rendez-vous avec Samuel, je dois le faire, mais pour le moment j'en suis incapable, c'est comme si je ne voulais pas risquer de perdre tous les bénéfices de cette entrevue d'un coup et je n'en ai pas envie, enfin pas tout de suite. Mé a toujours eu des tendances paranoïaques et voit plutôt le mal que le bien au premier regard. Elle a dû exagérer en fait...

En rentrant chez moi, je téléphone à mon chef. J'ai besoin de ma paye, même si je n'étais pas très efficace ces dernières semaines.

- Allo ? Henri ?

- Ha, Marie ? Justement, c'est bien que tu appelles. Il faudrait que tu viennes prendre ton chèque.

- Magnifique, je peux passer maintenant ?

Vu l'état de mon compte en banque, ce serait une riche idée.

- Oui, oui, le plus tôt sera le mieux.

- Impeccable.

- Bon à tout à l'heure.

Il raccroche, j'ai comme une drôle d'impression.

Me voici dans la rue et je presse le pas pour en avoir le cœur net, je traverse Paris et arrive dans les locaux de la rédaction. Je dis bonjour aux collègues et me dirige vers le bureau d'Henri sans attendre tant j'ai cet étrange pressentiment. Il m'aperçoit à travers la vitre et il se lève tout sourire pour m'ouvrir.

- Entre, Marie, je suis content de te voir en forme après tout ce qui s'est passé.

- Oui en effet, j'essaie de ne pas me laisser abattre.

- Assieds-toi. Tu veux un café ?

D'accord, là ce n'est pas normal, jamais Henri ne m'offre un café. Il téléphone à sa secrétaire pour en demander deux. Il croise les mains sur son bureau et il me tend un chèque. Je fixe le montant, c'est bien supérieur à ma paye habituelle, d'autant que je n'ai rien rendu depuis toutes ses semaines. Son assistante arrive avec les deux tasses.

Je m'interroge et lève les yeux avec insistance vers Henri. Que me cache-t-il ?

- Henri, le chiffre n'est pas le bon.

- Non, je t'assure, c'est pour toi.

Il me regarde et parait gêné. Il quitte sa chaise et commence à arpenter le bureau, tout en parlant.

- Écoute, tu es très douée. Tu nous as fait de superbes articles, toujours plein de retours sur le net. Mais voilà...

J'attendais le « mais ».

- ...mais voilà. Nous avons besoin de personnes solides et efficaces. Nous cherchons quelqu'un qui soit capable d'écrire des dizaines de pages en une semaine. Nous avons embauché une journaliste à temps complet.

D'accord, donc il me fait bien comprendre que je suis nulle et incompétente avec les formes et un gros chèque pour que je me taise et que je ne fasse pas de vagues. Il continue en voyant mon silence.

- Je vais te la présenter.

Il rappelle sa secrétaire,

- Faites entrer Éléonore, merci.

Une sublime créature aux jambes interminables arrive dans le bureau. Elle est parfaite, elle a en plus ce petit côté mystérieux qui va bien pour le magazine. Elle travaille son allure, c'est clair, et c'en est presque insupportable. Je la connais, Éléonore possède un CV des plus intéressants. Elle a en plus de son diplôme de journaliste un blog spécialisé dans le paranormal suivi par plus de 500 000 abonnés.

Elle me regarde calmement de toute sa hauteur. La bonne monnaie chasse la mauvaise, cet ancien mannequin a de quoi récupérer tous les suffrages. C'est bien ma veine et je ne peux pas lutter, elle va évidemment multiplier par trois les ventes.

Je ne peux pas décemment défendre ma place, alors j'interviens.

- Bien Henri, j'ai tout compris. Pas de contrat, pas de chocolat.

- Je suis désolée, je sais que ce n'est vraiment pas le moment pour toi de te faire remercier. Tu as vécu des trucs pas très sympas récemment, mais on a besoin de ton bureau. En fait, tes affaires sont dans ce carton.

Il me pose le carton en question devant moi. Le moins que l'on puisse dire, c'est que ça n'a pas trainé.

- Depuis ton arrêt, Éléonore est déjà en place.

J'ai les larmes qui me montent aux yeux.

- Je comprends, mais c'est un peu dur, là.

- Oui, et c'est aussi pour cette raison que je t'ai fait un joli chèque. Cela va te permettre de prendre ton temps pour trouver un nouveau travail. Tu sais que je te ferai toutes les lettres de recommandation dont tu as besoin.

- Merci.

Je me retourne vers la grande perche. Je suis déconfite et lance sèchement.

- Bonne chance.

Elle affiche un sublime sourire bien blanc en guise de remerciement, visiblement je ne mérite même pas qu'elle ouvre la bouche pour me répondre.

Je ne finis pas mon café, je me lève et je quitte rapidement la rédaction en prenant les escaliers intérieurs pour me défouler. Je suis fatiguée de me faire remplacer, jeter, harcelée. On dirait qu'ils se sont tous donné le mot !

À peine, suis-je dans la rue que je téléphone à Mé pour lui annoncer la nouvelle fraiche.

MB MORGANE - Urielle - Tome 1 [Terminé] (édité)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant