Vème Chapitre

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  Je me réveille, allongée dans un des lits de l'infirmerie, la tête martelée de douleurs. Je m'assieds dans le lit, et prends le verre à côté de moi.

  D'un coup sec, le rideau en plastique bleu à ma droite s'ouvre.

  -AAAAAH !

  Je lance mon pied. J'entends gémir.

  -Aouch... toujours aussi angoissée et violente...

  Elle.

  Elle me regarde de façon insistante.

  -Arrête, Kris. Je sais que c'est toi. T'as beaucoup changé, mais c'est toujours toi...

  Je laisse un silence planer avant de répondre.

  -Qu'est-ce que... tu fais ici... Clark ?

  Elle sourit de toutes ses dents et me saute dans les bras.

  -Tu m'as tellement manqué Kris !

  -Tu m'as aussi manqué Clark !... Mais maintenant c'est Éden...

  -Ow...

  Je desserre l'étreinte et la regarde dans les yeux.

  -Pourquoi t'es ici ..? T'as été infectée ? Comment ? Quand ?

-Haha ! Toujours aussi curieuse et rapide...

-Clark... Ça ne répond en rien à ma question.

  Elle passe sa main sur ma nuque et caresse le bas de mes cheveux.

  -En fait je suis là depuis longtemps, j'étais...

  Le bipement de l'alarme de la porte résonne et on s'écarte au plus vite. L'infirmière entre.

  -Bonjour mes petites blessées. Alors, bien dormi ?

  Nous ne répondons que par un marmonnement.

  Quelques bandages et analyses plus tard, l'infirmière, en combinaison de confinement complète, me dit d'aller au réfectoire.

  À contre-cœur, et sans la fin de la phrase de Clark, je me lève du lit en douceur pour remettre mes chaussures et mes vêtements qui ont été soigneusement pliés et posés à côté de moi sur une chaise. Je croise un dernier instant le regard glacial de la grande fille aux cheveux bleus, avant de sortir de la pièce.

  En avançant dans les couloirs gris éclairés d'une lumière terne et agressive, encadrés par des agents de sécurité à toutes les portes, qui elles sont anthracite, je me rends compte que ton mon corps crie famine, et je me dépêche de m'avancer vers le réfectoire pour enfin retrouver un espace avec du monde, une lumière plus " naturelles " et surtout : à manger.

  Je vois de loin la table où sont Joachim, Octavia, Emilia et d'autres personnes avec qui je suis souvent, comme Loïc, Laura et Max. Joachim me voit et donne un coup de coude à Octavia, qui se tourne vers moi, et très vite ils sont tous les 5 les yeux rivés vers moi.

  Je m'avance vers la file pour prendre un plateau que je m'empresse de remplir. Je ne suis qu'au choix de mon plat de résistance (entre une choucroute verdâtre et salade fade) quand Octavia me tombe dessus.

   -C'est complètement dingue, ce qui s'est passé, non ?

-De quoi ?

-Bah cette fille là, y a des gens qui disent qu'elle t'a appelée Kristine ou... Et ton malaise... C'est ultra bizarre.

-Ouais, tu peux me laisser, j'arrive pas à me concentrer sur ce que je vais manger pendant que tu parles aussi vite qu'une mitraillette à côté de moi. Je suis affamée, on parlera... plus tard, si tu veux...

  Étonnée de ce que je viens de dire, elle s'en va vers la table avec les autres, l'air vexée. Je n'ai pas été douce, mais je n'ai pas envie d'en parler maintenant, ici, avec elle, dans l'état dans lequel je suis. Je ne comprends pas tout moi-même, je suis assez perturbée et j'ai besoin de tout remettre au clair dans ma tête, qui me tiraille. Je sens mes pensées se bousculer contre les parois de mon crâne qui sont à la fois glaciales et brûlantes. Je me pose à une table à l'écart avec mon repas que je mange – non, que je dévore – comme si jamais je n'avais pu remplir mon estomac. Je remarque alors que mes tremblements, que je n'avais jusqu'alors pas remarqués, cessent, et ma peau se réchauffe.

 Je ralentis le rythme et fais le point.

 Ok.

  Donc Clark, ma meilleure amie du lycée est là, depuis apparemment... Longtemps. Donc elle est infectée. Je ne sais pas si ça veut dire que d'autres personnes que j'ai connues le sont aussi comme... Adrien... Ou ma famille... Mais ça veut surtout dire qu'elle était soit en isolement (dans ce cas, pour quelles raisons?), soit qu'ils existent d'autres espaces de confinement comme celui qu'on connaît, peut-être même plus grands, avec beaucoup plus de gens..? Combien peut-il bien exister d'infectés du virus ?

  Tout cela réveille en moi les questionnements que j'ai remués en boucle dans ma tête pendant des mois dans ma tête après mon arrivée :

  Où sommes-nous ? Dans quel continent, pays, ville ?

  De quelles taille peut-être ce centre ? Y en a-t-il d'autres ? Avec combien de gens ?

  Combien de scientifiques travaillent sur l'antidote ? Comment est-ce possible que jusqu'à présent, rien ne soit encore assez performant pour nous soigner ?

  Mais trois questions, plus récentes, reviennent plus fort et plus haut dans la liste de mes questionnements :

  Qu'allait me dire Clark ? Que sait-elle de plus que moi sur Orassio 412 ? Comment est-elle arrivée ici ? 

Prison Orassio 412Où les histoires vivent. Découvrez maintenant