Le Quatrième Anneau

Mauvaises nouvelles

Aragorn resta plusieurs heures assis, pensif, au bord de l'esplanade, à contempler, à la lueur des étoiles, la cité endormie. L'orage éclata deux heures avant le lever du soleil. Il s'apprêtait donc à partir quand il vit, loin en contrebas, une silhouette équine, galopant vers Minas Tirith, qu'il identifia immédiatement comme étant Araloth, monté par Meolyn. Il se précipita donc à sa rencontre, dévalant l'allée principale jusqu'aux portes de la cité. La jeune femme venait juste d'arriver.

Ils conduisirent ensemble le brave cheval aux écuries, devisant le long du chemin.

- J'apporte de mauvaises nouvelles...

- J'ai moi aussi des choses à te dire. Mais nous serons mieux à l'intérieur sans doute.

Quand ils rentrèrent, Arwen et Lindòrië étaient réveillées et discutait à la chaleur d'un feu crépitant qui répandait sa lumière blafarde sur les murs de la pièce

- Meolyn !

- Je dois discuter un moment avec le roi, le permettez-vous ?

- Oui, naturellement.

Aragorn et la jeune femme se dirigèrent donc vers une pièce avoisinante, petite mais chaleureuse, où était disposés au centre divers fauteuils autour d'une table.

- Tu prendras bien un peu de Vieux Tobie ?

Meolyn rit et accepta avec joie la pipe qu'on lui tendait. Elle adorait l'herbe à pipe hobbite, que jadis Pippin et Merry apportaient chaque fois qu'ils rendaient visite à son grand-père. Mais Meolyn et Aragorn observèrent un moment le silence. Un silence triste et douloureux où ils se rappelèrent avec amertume la mort des Semi-hommes, enterrés à la Maison des Rois, une dizaine d'années auparavant. Mais alors même qu'ils regardaient mélancoliquement la pipe qu'ils tenaient chacun entre leurs doigts fins, un rayon de soleil traversa la mer de nuages qui obscurcissait le ciel matinal, et diapra le plafond voûté de sa douce lueur, inspirant à leur coeur plus de joie que la situation ne le leur aurait permis.

- Aragorn, commença Meolyn, et le roi compris que ce qu'elle s'apprêtait à dire était d'une gravité qui nécessitait qu'elle l'appelle par ce nom*.

- Aragorn, dit-elle donc, ce que j'ai vu au nord des Monts Brumeux confirment nos craintes...

Elle s'arrêta un instant, cherchant ses mots. Aragorn écoutait, les yeux plissés.

- Je ne sais pas vraiment qui, je ne sais pas pourquoi, mais le fait est que la forteresse de Carn Dûm a bel et bien été reconstruite.

Un long silence suivit cette déclaration, après quoi le roi prit la parole.

- Il est vrai que c'est une fort mauvaise nouvelle. As-tu pu obtenir quelques informations, fussent-elles du moindre rapport, sur ce sujet ?

- J'ai interrogé les villageois et fermier alentours. Ils reconnaissent être depuis quelques temps les victimes d'attaques et de pillages... d'orques...

- Des orques ! Mais il y a bien longtemps que les orques ne sont plus apparus dans ces régions.

- Les témoignages sont formels : des êtres humanoïdes courts sur pattes, à la figure hideuse et parlant une langue qui s'approche de la langue noire, mais qui n'en est qu'un dialecte dérivé et difforme.

Le roi ne répondit rien, mais son visage retrouva alors tout le souci et l'accablement qui lui donnaient autrefois un air las, fatigué, dépourvu de toute sa majesté. Enfin il prit la parole.

- L'être à l'origine de ces troubles ne peut être qu'un ennemi. Mais Sauron et son maître ont été défaits...

- Eh bien... les gens parlent aussi d'une ombre qui s'étend sur le versant septentrional des monts d'Angmar. Certains disent qu'il s'agit d'un puissant sorcier au coeur noir, et certains le surnomment déjà "Morngur" mais la plupart des elfes du Rhovanion l'appelle "Morwing". Depuis quelques temps, de sombres créatures qu'on avait cru disparues à la chute de Sauron ont fait leur apparition dans ces contrées.