A great crash

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|- PORTBAIEVAL
MYSTERY-|

Les phares l'éblouissaient un instant, un seul ridicule instant avant que la voiture ne percute le vélo.

La nuit était tombée, et avec elle s'était accompagné le brouillard maritime. Les lampadaires aux néons jaunes éclairaient le chemin de bord de côte, semblant ne réchauffer que les subconscients face à l'atmosphère de givre. Les quelques marins en repos de Portbaieval étaient au bar, trinquants et buvants en narrant des histoires de navires échoués et d'hommes envoûtés.

L'imagination ne faisait pas défaut ici.

Les roues crissèrent, glissant sur le verglas frais de la route. La jeune femme cligna des yeux, la rétine aveuglée à la lumière des phares jaunis. Le trottoir qu'elle avait souhaité rejoindre était juste en face, il lui suffisait simplement de traverser le bitume, emprunter cette voie qu'était l'entrée secondaire du village de pêcheurs, et le tour était joué.

Mais, le destin en avait décidé autrement.

— Attention !

Kérame freina, écrasant brusquement son talon sur le frein. La voiture glissa, guidée par le verglas, tandis que le chasseur braqua son volant vers la droite comme ultime recours.

Depuis qu'ils avaient quitté la route de campagne et entreprit de rouler dans ce chemin terreux, ils avaient commencé à avoir de sérieux doutes sur leur réelle destination. Aucune signalisation n'indiquait la présence de Silok. Arius avait juré qu'ils s'étaient trompés, blâmant la mauvaise manie de Kérame à trop croire en ses talents de repérage.

Et voilà le résultat.

La voiture pila, rencontrant le rebord d'un trottoir et finissant presque sa route dans le muret de pierre qui délimitait l'océan.

Les deux complices se regardèrent silencieusement.

— Tu... commença Arius

— Oui.

Arius souffla et clos les paupières, tournant sept fois sa langue dans sa bouche pour éviter de lui sauter à la gorge. Finalement, il sortit de l'habitacle, décidé à aller estimer les dégâts qu'aller leur causer le choc.

Le chasseur blond activa les warnings, ce qui énerva encore plus que ne l'était déjà son associé. Il fit le compte, passant de l'avant embouti de la voiture au phare grillé, désencastré, et pendouillant. L'ossement de l'épave s'était enfoncé sur la roue droite, bloquant ainsi sa motricité.

Le résultat était sans appel, il fallait un dépanneur.

Le vent soufflait, sifflant entre les mâts de voiliers amarrés. Le froid était paralysant, le village commençait à peine son entrée dans la phase la plus difficile de l'hiver. Les vagues s'écrasaient calmement sur les rochers, détendant quelque peu Arius.

Le calme fut de courte durée. Un bruit de ferraille retentit, reléguant au second plan les sons environnant du village.

Arius se retourna, aux aguets. L'animal qu'ils avaient percuté n'avait pas, selon lui, survécu au choc. La bête allait désormais servir comme repas aux chats du coin.

Manger ou être mangé, dans Carwen la vie était rythmée autour de ça. Les chasseurs s'affrontaient, se disputant contrats et démons, toutes armes dehors. Les autorités, elles, s'amusaient à publier que Carwen serait bientôt vide de chimères, mais la vérité était tout autre. Ce monde était un gouffre sans fond, sans fin. Un cercle vicieux où chaque heure, chaque minute, une nouvelle créature surgissait d'un recoin, prête à vous trancher la gorge et vous dépecer. Les chasseurs qui mourraient se comptaient par dizaines chaque jour, nous étions en sous-effectif ; les démons gagnaient de plus en plus de terrain.

Kérame sortit, conscient qu'un probable danger pouvait rôder et sortir de nulle part. Les deux étaient prêts et entraînés depuis longtemps, c'était leur gagne-pain.

Ils firent un pas vers la masse sombre, les muscles tendus. L'animal qu'ils avaient percuté était sacrément gros.

Peut-être un peu trop même.

— Ça n'est pas une bête, réalisa soudainement Kérame, c'est une personne.

Portbaieval MysteryOù les histoires vivent. Découvrez maintenant