Portbaieval Mystery

Stryge

|- PORTBAIEVAL
MYSTERY-|

— Derrière toi !

L'aile squelettique du démon balaya Arius, le faisant atterrir deux mètres plus loin sous un lampadaire. Le luminaire grinça sous le choc, basculant légèrement en arrière en proie à une chute d'équilibre. Le chasseur se frotta l'arrière du crâne et réagit rapidement, évitant une seconde fois les attaques virulentes de la bête.

Elle plongea sur lui, rétrécissant la distance qui les séparait d'un saut, les griffes prêtes à l'entailler sur place. Son acolyte, resté en retrait, bondit, accaparant son attention en lançant un glaive dans son buste. La chair noire avait un effet putréfiée ; elle formait un amas de ligaments et de fils reliés en une masse naturellement voûtée et désossée. La stryge avait une structure démembrée assez chaotique. Ses longs bras décharnés s'accordaient au reste de son corps tout aussi long et griffu, si à première vue elle semblait dénuée de force et presque frêle, ces monstres étaient dotés d'une rapidité et d'une puissance propres au sang démoniaque. Elles fonçaient tête baissée, guidées et stimulées par leurs odorats dopés au sang.

Il suffisait d'une insignifiante goutte pour déclencher cette nature perverse. Une fois fait, si personne n'assouvissait cette avidité, la folie leur montait à la tête et les rendait plus impulsives et agressives qu'à l'accoutumée. Beaucoup de stryges éraient dans les forêts, guettant l'animal blessé ou le paysan égaré. Elles supportaient rarement les espaces trop exposés à la lumière ainsi qu'aux bruits, leurs oreilles sensibles étaient un point faible à viser.

Ces bêtes n'avaient pas l'esprit de groupe, elles vivaient rarement ensemble quand l'heure de la chasse sonnait. Il arrivait de tomber sur des nids, mais, dans ces cas-là, il était préférable de les éviter et de rebrousser chemin. Si une stryge seule était déjà compliquée à abattre, une ruche entière était chose impossible sans une aide et des moyens extérieurs.

Le démon hurla. Ses cordes vocales stridentes vibrèrent dans l'air, elle dirigea avec nonchalance son visage allongé vers les deux hommes. Dans la situation actuelle, c'était signe d'agacement ; la faim lui dévorait l'estomac.

Or, malheureusement pour elle, le duo n'avait pas prévu d'y finir à l'intérieur.

— Droite ! Annonça Kérame, glissant sur le verglas et raillant le sol de son poignard.

Arius plongea, s'abaissant pile au bon moment, donnant un coup de lame franc dans sa ramification infectée qui lui faisait office de jambe. La stryge émit un cri, donnant un coup de griffe inutile dans le vide. Le chasseur était rapide, il se tenait désormais dans son dos, observant d'un œil habitué la colonne vertébrale marquée du démon.

Opale était littéralement scotchée à la fenêtre du premier étage de la maison de Patt, elle observait attentivement les deux hommes. Le traqueur blond jonglait avec des poignards, les plantant une seconde plus tard dans la chair noirâtre de la bête. Ils étaient tous deux stoïques, peu impressionnés par la monstruosité qu'ils avaient en face d'eux. Elle devait l'admettre, ils étaient impressionnants. Ils bougeaient en rythme, coordonnant leurs gestes ensemble et établissant des techniques d'un unique coup d'œil unanime. La question lui taraudait l'esprit, pourquoi étaient-ils si mal côtés dans le monde de la chasse ?

La jeune femme recula, préférant rejoindre le garagiste au rez-de-chaussé. Elle déboula dans le salon comme une flèche, prenant par ailleurs Patricio au dépourvu.

— J'ai failli faire un arrêt cardiaque ! se plaint-il, la respiration haletante.

La brune fit une moue gênée. Déjà qu'elle s'immisçait chez lui au beau milieu de la nuit, elle souhaitait encore moins lui faire avoir un accident cardio-vasculaire ! Elle s'installa sur un des fauteuils du salon, la nuque quelque peu crispée. De son côté, Patt faisait les cent pas. Tous deux entendaient les cris aigus du démon qu'affrontaient les chasseurs, s'ils ne disaient rien, les regards éloquents qu'ils se jetaient en racontaient long eux.