|- PORTBAIEVAL
MYSTERY-|Le visage ankylosé et collé au béton granuleux, Opale douta un moment de la procédure à suivre. Elle venait d'être renversée, la voiture avait failli la tuer !
Du moins, elle pensait être en vie. Elle captait bien l'odeur du goudron trempé, et discernait aisément l'effluve de sel qui l'avait accompagnée le long de son enfance ; elle était définitivement bien vivante. Ses pensées étaient cohérentes, quoique, peut-être un peu secouées.
— Elle est en vie ?
La jeune brune avait furieusement envie de craquer sa nuque et secouer ses membres, le froid lui montait à la tête et s'éparpillait sur sa frêle corpulence. Étrangement, elle n'avait mal nulle part.
— C'est toi qui prendra toutes les charges à ton dos si elle clamse !
Elle grimaça, ses oreilles avaient toujours été trop sensibles aux bruits. Un défaut qui lui venait apparemment d'une arrière-grand-mère, elle aussi atteinte de cette étrange déficience. Le bourdonnement finit par se faire lointain, et elle put envisager de se relever.
C'est sans grande difficulté qu'elle s'aida de ses mains pour se hisser debout.
— Merde alors ! blasphéma Arius
Kérame souffla, lassé de sa vulgarité, et favorisa de se précipiter vers la supposé blessée. Opale sentit deux mains encercler sa taille, l'aidant à se remettre sur pied. Elle frissonna, non habituée à ce genre de tacticité désagréable.
— Vous vous sentez bien ? questionna le blond, pressé de savoir s'il allait devoir finir dans une cellule de Carwen
Derrière lui, Arius ricana, amusé de la situation. Si cela avait été lui au volant de leur voiture, l'accident aurait sûrement été évité.
— Oui, très bien même.
La voix claire et limpide fit mouche, c'était un mélange harmonieux de plusieurs sons réunis ensemble. La jeune femme se retourna pour faire face au conducteur, ne sachant entreprendre rien d'autre comme démarche.
Il était blond. Une mèche lui retombait sur son front plissé, tandis que le reste de sa masse capillaire, elle, s'écoulait en boucles de blé sur ses épaules carrées. Ses yeux étaient dotés d'un camelle rare, laissant des pupilles rondes se rétrécirent en leurs centres. L'homme faisait une tête de plus qu'elle, Opale n'était pas spécialement petite, c'était lui qui était géant. Il avait un nez droit marqué d'une petite cicatrice blanche, sa mâchoire marquée était ornée d'une barbe blonde grossièrement rasée. Ses sourcils étaient massifs, rajoutant une dureté de plus à son visage structuré.
Il lui faisait penser à une incarnation viking.
— Vous avez vu mon vélo ? se rappela t-elle soudainement
Elle espérait silencieusement que son unique moyen de locomotion avait survécu. Sa vieille bicyclette l'avait sauvé de nombreux retards à son travail, et ainsi de son rustre de père.
Arius vit rapidement la carcasse rouillée, et étalée, contre un lampadaire mal éclairé. Il en informa la jeune femme qui souffla en apprenant la nouvelle. Opale n'avait pas la tête à ça, elle souhaitait rentrer chez elle et commencer ses investigations. Elle se reconcentra et se recentra, ne pas paniquer était primordiale. Facile à dire. Dans sa tête, tout tournait à l'envers.
Elle décida de briser son mutisme :
— Vous pourriez me déposer chez moi ?
Sa question les prit au dépourvu. Arius fronça les sourcils, jetant un coup d'œil à son acolyte soudainement silencieux.
— La... hésita le viking
— La voiture est morte, nous sommes à pied, conclut Arius en désignant la carcasse qui clignotait rouge
La jeune femme grelotta de plus bel, la soirée était de pire en pire. Elle leur sourit sardoniquement, puis sortit son téléphone de sa poche. Ses doigts tremblants appuyaient sur les touches, glissant de son écran d'accueil avec la buée froide.
Elle porta le combiné à son oreille couverte du bonnet. Les battements de son cœur ralentissaient, Opale allait regretter cette maudite décision.
De toute manière, Avène n'était pas disponible ce soir.
— Allô ?
Sa respiration se coupa, et elle prit sur elle pour ne pas lui raccrocher au nez.
— Oui papa, c'est Opale, je...
— J'avais bien compris que c'était toi.
Aussi tranchant qu'une lame, sa voix lui coupa les cordes vocales. Elle priait pour qu'il soit plus tendre par la suite.
Elle toussa et reprit.
— J'ai eu un accident, mon vélo est mort et la voiture des deux conducteurs aussi, elle leur jeta un coup d'œil à la dérobée. Est-ce que tu pourrais venir nous chercher ? Patt n'est pas là ce soir pour la veillée et...
Patt était le second dépanneur de secours du village, il travaillait essentiellement la nuit. Les accidents étaient fréquents le soir, la visibilité était réduite et les conditions de givres n'arrangeaient en rien cela.
— Arrête ton char, vous êtes où ?
Elle clôt les paupières, heureuse qu'il acquiesce. West Wilverst aurait très bien pu laisser sa fille sur le trottoir, mais sa femme lui en aurait certainement voulu et jeté à la porte. Or, il ne souhaitait pas dormir dehors en hiver. Et encore moins à Portbaieval.
— Sur la route du bord de côte, exactement à côté de la boulangerie des Grim's, compléta t-elle après inspection
West lâcha un rapide « Ok » et se leva, prenant les clés de sa camionnette au passage.
Opale cria victoire en remettant son téléphone dans son sac intact. Dans une ultime trace d'humour, elle leur adressa ironiquement :
— Bienvenue à Portbaieval... !
Et sourit, déjà fatiguée à l'idée de revoir son paternel.
West allait la réduire en brouillade d'œuf.
Au moment où les muscles se relâchèrent, soulagés d'avoir réussi à trouver une solution, un grognement étranger retentit dans les ténèbres d'une rue. Les deux chasseurs, dès lors sur leurs gardes, se captèrent du regard.
Quelque chose rôdait dans le coin, mais rien n'était dû au hasard. Des forces étranges allaient bientôt malmener Carwen, et Portbaieval n'avait qu'à bien se tenir...
Ce n'était que le commencement.
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Portbaieval Mystery
FantastikCarwen : vaste monde enclavé dans une bulle de mystères et de surnaturel. Là-bas, se côtoient traqueurs et faits étranges au plus grand dam des habitants. Dans cette étrange ébauche, deux chasseurs en chute libre provoquent la folie et l'hilarité gé...