𝖈𝖍𝖆𝖕𝖎𝖙𝖗𝖊 𝖚𝖓

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Gravity Falls.



Point de vue de Dipper.


J'avais treize ans à l'époque, lors de l'été du Weirdmageddon. Désormais, j'en ai seize. Trois ans se sont écoulés, loin de cet endroit que je considérais comme maudit. Mabel y était retournée, elle, mais moi je n'avais pas pu. C'était comme un blocage : considérer la possible idée de retourner à Gravity Falls me donnait des nausées.

Pourtant, je suis bien dans ce car qui nous mène, ma sœur jumelle et moi, à l'endroit où habitent nos deux oncles, jumeaux également. Mon esprit reste tout de même traumatisé par les événements causés par Bill.

Bill Cipher. Ce démon triangulaire jaune qui a provoqué chez moi de nombreux cauchemars et une peur de la douleur. Il m'avait possédé et avait profité du fait que son esprit soit dans mon corps pour tester la douleur humaine ; d'ailleurs, j'en garde les cicatrices, encore aujourd'hui.

Le paysage défile devant mes yeux, derrière la vitre crasseuse du bus. Mabel dort à mes côtés, la bouche entrouverte, tandis que Dandinou, son cochon de compagnie, roupille à ses pieds, une masse rose immobile. De mon côté, impossible de dormir. Même si nous avions vaincu Bill des années plus tôt, je n'arrive pas à me défaire de la peur qui retourne mon ventre.

Néanmoins, si on excepte sa présence inexistante qui continue malheureusement de me hanter, je suis heureux de revoir mes oncles. Ils m'ont manqué. Et puis, les mystères de Gravity Falls persistent à m'intriguer, et c'est pour ça que je dois tant retourner dans cette petite ville.

Dipper ?

La voix de ma sœur m'interrompt dans mes pensées, et je tourne la tête vers elle. Ses cheveux longs et châtains sont tout ébouriffés, et ses yeux sont encore à moitié fermés.

Nos regards se croisent, et dès lors, elle sait à quoi je pense. C'est comme ça, entre nous : un lien nous unit depuis l'été de nos treize ans, et la parole ne nous est plus nécessaire pour nous comprendre.

— Arrête de penser à lui, continue-t-elle d'une voix faible. Il est mort. Et il ne reviendra pas.

L'air contrit, elle passe une main tendre dans mes cheveux, avant de remettre ma casquette sur mon crâne. Depuis cet épisode, elle est devenue beaucoup plus protectrice à mon égard, et agit presque comme une seconde mère avec moi. C'est déconcertant de voir à quel point elle a pu mûrir après ces quelques années.

— On arrive bientôt, fais-je, la gorge nouée. Tu as faim ?

Ses yeux se mettent à briller, et Dandinou se réveille également, attiré par le bruit du paquet de chips au ketchup que je viens d'ouvrir. Il colle son groin contre la jambe de sa maîtresse, quémandant silencieusement de la nourriture. Ils se ressemblent beaucoup, tous les deux. Goinfres, toujours de bonne humeur, et à l'écoute lorsqu'il le faut. Ils ont été un réel soutien quand nous sommes rentrés chez nous, la première fois.

Et ils le sont encore, car mes rêves sont toujours aussi peuplés de cauchemars.

Finalement, après dix minutes de trajet, le bus se gare à l'arrêt de Gravity Falls, et le conducteur annonce :

 Gravity Falls ! Dix minutes d'arrêt !

Je saute sur mes pieds, désormais remonté à bloc. À l'arrêt, se trouvent Stanley, Stanford, Wendy, Moos, et même Robbie, le lourd copain de mon amie. J'attrape nos valises avant de descendre du véhicule, suivi par Mabel qui avait mit sa capuche ; elle n'assume pas sa tête au réveil, même si elle ne veut pas l'avouer.

Les retrouvailles sont pleines d'émotions : mes deux oncles me prennent longuement dans leurs bras, même si Stanley fait mine d'être réticent. Mais je sais que je lui ai manqué, si je me fie aux larmes qui menacent de couler de ses yeux. Puis, c'est au tour de la bûcheronne de me prendre dans ses bras, un énorme sourire plaqué au visage.

— Content de te revoir, Dip', fait-elle en s'écartant de moi, les yeux pétillants.

Robbie se contente de m'accueillir d'une accolade amicale, même si nous ne sommes pas vraiment amis. Lui aussi a mûri, et ne me déteste sûrement plus. Moos me saute dessus et m'écrase contre lui, baragouinant des phrases incompréhensibles ; j'en finis même par rigoler avec lui.

— Tu as plein de choses à nous raconter, Dipper ! sourit Stanford en posant une main sur mon épaule.

Mabel est montée sur son dos. On ne change pas les bonnes habitudes, pas vrai ?

Nous montons tous dans la vieille voiture d'oncle Stanley, qui d'après ses bruits de ferraille, va bientôt rendre l'âme. Nous sommes à l'étroit, certes, mais le trajet est mouvementé : ils sont tous contents de nous revoir après un an pour ma sœur, et trois pour moi. Aucun d'eux m'en veut de ne pas être venu plus tôt, ils comprennent parfaitement que je n'avais plus envie de revenir après tous ces événements.

Wendy et Robbie descendent en ville, pour aller chez cette dernière ; il a été convenu qu'ils nous rejoindraient le soir, au Mystery Shack, pour le repas.

Mes yeux se ferment tous seuls. Après toutes ces heures de voyage, j'étais complètement épuisé. Pourtant, une seule chose me garde réveillé : l'impression qu'un regard est posé sur ma nuque, ce qui me donne des frissons, même si je sais parfaitement que personne ne me regarde.

La voiture se gare devant le musée, et nos oncles prennent nos valises pour les emmener dans la maison.

— Tu peux demander à Mabel, j'ai gardé votre chambre comme vous l'avez laissé, il y a trois ans, dit Stanley en posant ma valise devant les escaliers. Mais si vous voulez, il y a une chambre en plus si jamais l'un d'entre vous veut prendre son indépendance.

Ma sœur et moi échangeons un regard.

— Non, ça va aller. Merci oncle Stan ! fais-je avec un sourire.

Il me le rend, avant de nous chasser à l'étage, prétextant qu'on doit s'installer en vitesse. Et effectivement, notre chambre est restée la même : des posters de chanteurs populaires tapissent le mur du côté de Mabel, et le mien garde les traces des punaises que j'avais accroché il y a trois ans, quand j'enquêtais sur les mystères de la ville.

— J'ai tellement hâte de revoir Candy et Grenda ! soupire la châtain en s'affalant sur son lit. Ça fait un an que je les aies pas vues.

 Tu veux que je t'accompagne en ville ? proposé-je automatiquement.

— J'irais les voir demain, répond-elle en se relevant sur ses coudes. Allez viens, on va retrouver oncle Stan et oncle Ford ! Je suis sûre qu'ils ont préparé des crêpes !

Comme une tornade, elle disparaît de la chambre en courant, attirée par l'odeur de la nourriture. Un frisson parcourt mon échine lorsque je sors de la chambre ; le regard ne semble pas me lâcher.

forgive me | billdipOù les histoires vivent. Découvrez maintenant