forgive me | billdip

𝖈𝖍𝖆𝖕𝖎𝖙𝖗𝖊 𝖉𝖊𝖚𝖝

La forêt.

Point de vue de Dipper

J'ai passé une nuit très courte en dépit de la fatigue du voyage. Impossible de fermer l'œil à cause de cette maudite paranoïa que j'ai traîné jusqu'ici. Bien sûr, je n'ai pas réveillé Mabel pour cette impression ridicule qu'on m'observait. Je ne voulais pas l'inquiéter pour rien.

À sept heures, j'ai décidé de me lever, et je me suis rapidement habillé. Un sweat, un pantalon et une veste, ainsi que mon inséparable casquette, pour sortir en cachette. J'en peux plus de rester enfermé, il faut que je sorte.

À cette heure-ci, la forêt est éclairée par le soleil qui se lève : je ne suis pas complètement dans le noir et, d'un côté, ça me rassure énormément. Mes jambes tremblent légèrement à cause de manque de sommeil et de la peur, mais j'ai décidé de passer outre. J'ai besoin d'aller la voir.

Voir sa statue, voir qu'il est mort et qu'il ne reviendra jamais. Ou sinon, je deviendrais fou d'ici la fin des vacances d'été.

J'arrive rapidement devant, et me fige presque immédiatement ; Bill est toujours statufié, son œil grand ouvert. Mes jambes n'arrivent plus à supporter mon poids, et je tombe à genoux devant cette artefact en pierre. Tous mes souvenirs de l'été de mes treize ans sont revenus, alors que je les ai refoulé si souvent pour ne pas me rappeler.

Comment le démon a pris possession de mon corps, comment j'ai souffert après qu'il ait décidé de me rendre mon corps, ou encore comment il a créé le Weirdmageddon, et toutes les conséquences qui y ont découlé.

Je passe mes mains froides sur mon visage, fermant les yeux. C'est terminé désormais, il ne reviendrait plus jamais, et ces souvenirs sont scellés.

Plus jamais.

Je me déteste pour être aussi faible, mais c'est plus fort que moi. Bill a provoqué chez moi un tel traumatisme qu'il m'a fallu presque deux ans pour arrêter de voir mon psy. Et encore, parfois, je prends encore rendez-vous pour pouvoir relâcher la pression. Pas question d'inquiéter Mabel avec mes histoires, elle en a assez enduré, elle aussi.

Mes yeux se rouvrent après une quinzaine de minutes plongé dans le noir. La statue est toujours devant moi, et semble presque me narguer. Sans m'en rendre compte, ma main se retrouve sur celle-ci, et une puissante onde de choc m'envoie contre un arbre, m'assommant à moitié sur le coup. La pierre semble fondre, et se modèle en quelque chose d'autre. En une forme... humaine ?

L'esprit embrouillé et la vue sombre, je vois un jeune homme s'approcher de moi, et s'accroupir à ma hauteur.

— Salut, Pinetree.

Une seule personne m'appelle comme ça.

Bill Cipher.

— B... Bill... soufflé-je d'une voix éteinte.

— Hé oui, c'est bien moi. Vivant, en plus !

Il m'adresse un sourire narquois, ses yeux plantés dans les siens. D'épais cheveux blonds tombent sur son front et le côté droit de son crâne, tandis que le gauche est entièrement rasé, dévoilant des racines brunes. Il possède un nez retroussé et des tâches de rousseur, des lèvres pulpeuses et un regard pénétrant. Ses joues sont creusées et sa mâchoire fine, bien carrée.

En bref, la version humaine de Bill Cipher est littéralement à tomber.

— Alors ? Tu aimes comment je suis, désormais ? sourit-il en posant deux doigts sous mon menton, pour relever ma tête. Fini le triangle, je suis sous forme humaine, maintenant.

Le blond finit par s'asseoir complètement, m'encadrant de ses deux longues jambes. Il penche la tête sur le côté, la moue presque boudeuse :

— Au fait, désolé de t'avoir fait valser contre l'arbre. Ce n'était pas mon intention.

Un gémissement de douleur passe la barrière de mes lèvres, et je fais un effort pour me redresser contre l'écorce de l'arbre. Je suis certain que des débris de bois ont traversé ma peau, et ça fait un mal de chien.

— Oh, tu es blessé ? demande-t-il. Ça fait mal ?

Non, non, c'est une joie d'avoir de l'écorce enfoncée dans le dos, un réel plaisir ! Imbécile de démon stupide.

— Hé, je ne suis pas stupide ! s'insurge l'ancien triangle en fronçant les sourcils.

J'ai hâte de me réveiller de ce cauchemar. Bill Cipher vivant, quelle blague. Personne ne peut être aussi beau dans la vraie vie, c'est impossible. Et puis, il est mort, on l'a vaincu il y a trois ans de ça ! N'empêche, la douleur dans mon dos semble vraiment réelle...

— Le coup t'a vraiment assommé, mon cher Pinetree, ricane Bill en se relevant. Ne m'en veux pas, ça va faire un peu mal.

Après m'avoir ôté ma veste et mon sweat d'un simple mouvement du doigt, il claque des doigts et, cette fois-ci, je sais que la douleur présente dans mon dos est bien réelle. Un cri sort de ma gorge et finit par me sortir définitivement de mon état végétatif. Je m'écroule au sol, tremblant. Des couinements plaintifs sortent de ma bouche, et sans le vouloir, mes doigts se sont enfoncés dans la terre.

Puis je sens deux mains se poser contre ma peau endolorie et saignante, avant de venir masser, doucement, mes blessures. Lentement, ma chaire se met à guérir et les picotements disparaissent. Le démon m'aide à me relever, sans un mot, ses yeux s'attardant un peu plus que la normale sur mon torse, couvert de cicatrices.

— Qu'est-ce qui t'es arrivé ? souffle-t-il en passant ses doigts dessus.

— Rien.

Je le repousse avant de remettre mon sweat, en proie à un début de crise de panique. Bordel de merde ! Bill est vivant ! Des sueurs froides me prennent et je ne peux me relever sous le choc. Il vient de me soigner ! Pourquoi a-t-il fait ça ? Trois ans plus tôt, il avait essayé de me tuer !

Une force invisible m'empêche dès lors de bouger. Le blond a sûrement écouté mes pensées, comme il aime tant le faire. Mais alors que je m'attends à un coup bas de sa part, il vient m'enlacer de derrière, enroulant ses bras musclés autour de mes hanches, et enfouissant son nez dans mon cou. Sa respiration me provoque des frissons, mais il n'en fait pas la remarque.

— Ça fait trois ans que j'attends ça, Dipper, souffle-t-il près de mon oreille, d'une voix rauque et suave. Trois ans. Et crois-moi, je ne compte plus te lâcher. Plus jamais.