L'élémentaris

VII

PDV Autumn

Ça marche.

C'est avec soulagement que je vis le corps de Winter se transformer. Sa peau devint un peu plus pâle et ses cheveux redevinrent blanc. Ses yeux ont sûrement changé de couleur également, mais il était impossible de le voir; elle était toujours endormie, étendue sur le sol de marbre de l'arène.
Du coin de l'œil, je peut apercevoir maître qui se dirige vers le mur de droite, complètement recouvert de pierre grise. Il pose sa main sur une manivelle en bois, qui actionne un mécanisme qui fit descendre la plate-forme sur laquelle nous nous trouvions.
Un bruit énervant nous indiqua que nous étions maintenant au sol, puis la vitre qui nous séparait de Winter s'abattit par terre. Sans attendre un instant de plus, Spring, Summer et moi accourons vers le corps de Winter.
- Stop, fit la voix grave d'Auguste. Ne vous approchez pas d'un pas de plus.
Je le regarda d'un air surpris.
- Que... quoi?! Pourquoi?
Mon maître inspira, puis entreprît calmement de nous expliquer.
- Elle vient de retrouver sa magie, ses souvenirs. Elle est probablement épuisée; l'élément de l'air est très compliqué à manœuvrer. Donner-lui un peu de temps.
Summer, à la gauche de Spring, hocha la tête, avant d'ajouter:
- Je vais la porter dans sa chambre.
- Je vais t'aider, dit tout d'un coup ce dernier.
- Non, toi tu restes ici, dit maître d'un ton autoritaire. Autumn, aide Summer à sortir Winter d'ici. Spring, je crois que c'est le moment de me raconter... "l'incident du motel".
Pendant que Summer et moi sortions le corps inerte de Winter, j'entendis Spring pousser au loin un juron avant que nous ne franchissions la grande porte de l'arène.

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PDV Spring

Et merde.

Dès que mes amis sortirent de l'arène, je pus sentir le regard d'Auguste qui pesait sur moi. Une goutte perla sur mon front. Honnêtement, je ne pourrais pas dire s'il s'agit de sueur ou d'eau; mes cheveux étaient encore un peu mouillé...
- Retournes-toi.
Ce que je fit. Maître me regardait en effet d'un air sévère, mais pourtant, j'arrivais à déceler une pointe de fierté dans son regard.
Mais également une touche d'inquiétude.
Je le fixait dans les yeux, ne voulant pas détourner le regard.
Après quelques instants, maître Auguste se décida à parler:
- Où avais-tu vu cela?
- ... Quoi?
- La magie de l'esprit. Ce serait logique que quelqu'un te l'aies montrer. Est-ce moi?
- Oui, maître. Lors du... eum... "manque" de magie de Summer. Si on peut utiliser ce terme.

Des souvenirs de Summer tremblant de tout son corps me glacèrent le sang. Heureusement, la voix de maître me ramena à la réalité:
- Et te rappelles-tu de ce qui c'est passé au motel, Spring? Pourrais-tu me décrire la scène?
Ce que je fit, après une longue inspiration.

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- Des cours?! s'écrièrent Summer et Autumn d'une même voix.
J'hocha la tête pour confirmer leurs paroles, puis dit à mon tour:
- En effet. Il a été surpris de savoir que j'ai réussi à invoquer cette magie aussi... facilement. Personnellement, je suis surpris de ne pas avoir reçu de conséquences. Quand je lui ai parlé du fameux "danger de mort" (je lança un regard vers Summer) il m'a presque rit au nez, et m'a dit qu'il y avait un temps pour chaque choses. Donc, maître va... m'apprendre à manipuler l'élément de l'esprit. Et à vous aussi, d'ailleurs.
- Quoi?! Cria Autumn.
- Ouaip.

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Une semaine plus tard

- Argh!! Je déteste ce cours! lança Summer en balançant son sac à travers la pièce.
- Ce parce que tu ne comprends pas le truc, dis-je d'un air rieur.
Elle me lança un regard noir, et je lui posa la fameuse question à mille dollars qui trottait dans ma tête depuis ce matin.
- Est-ce que tu sais où est-ce qu'Autumn se trouve? C'est la troisième fois cette semaine que je ne le vois pas de la journée. Et quand il reviens, il ne veut parler à personne.
- Pas vrai, me coupa-t-elle. Il me parle, à moi.
- Tu lui tire les vers du nez, nuance.
Elle croqua dans une pomme, avant d'ajouter:
- Pas faux.
Un instant passa avant qu'elle ne se décide à cracher le morceau:
- Il va voir Winter.
- Elle ne s'est toujours pas réveillée?
- Toujours pas, dit-elle tristement.
Tout d'un coup, les yeux de Summer s'illuminèrent. Mais il n'y avait aucun éclat de joie. Plutôt de l'inquiétude.
- Winter, dit-elle simplement.
Je redressa la tête.
- Quoi? Qu'est-ce qu'il y a, Sum?
Ses grands yeux se posèrent sur moi, comme si je n'avais pas compris quelque chose d'évident.
- On n'avait pas... merde.
Et elle partit à courir hors de la pièce sans ajouter un mot de plus.

PDV Summer

Winter.

On n'avait pas vérifié ses battements cardiaques.

On n'avait pas vérifié si elle était... toujours en vie, quoi.

Sans explications supplémentaires pour Spring, je me précipite hors de la salle. Après plusieurs virages, je me retrouve dans le corridor des chambres. Cinq grandes portes en bois recouvraient le couloir, toutes ornées de plaquettes de métal. Lorsque nous étions petit, maître avait étiqueté nos portes de chambres, pour ne pas que nous nous mélangions. Quatorze ans après notre naissance et nous avons encore les mêmes étiquettes sur les mêmes portes de chambre.
Quelle évolution.
Sans me poser de questions, je prend la première porte à gauche et l'ouvre.
La chambre de Winter comporte un grand lit (nous vivons dans un vrai manoir, même si maître Auguste s'entête à dire qu'il s'agit du temple de l'élémentaris), une énorme commode, une table de chevet et un bureau. Ses murs sont recouverts de photos de moi, Spring, Autumn et elle, tout sourire. Une autre photo traîne sur son bureau: il s'agit d'Au et elle en train de se tenir la main. Je me rappelle de cette scène comme si c'était hier.

C'était lors de la fête des éléments. Une grande tradition dans le pays. On célèbre l'élémentaris, la gloire qu'elle avait autrefois et les disciples. En fait, c'était notre première sortie extérieure officielle. Nous avions 11 ans.
Winter était tellement nerveuse! Autumn avait réussi à la calmée, va savoir comment, et lui avait tenu la main tout le long.

Cette photo, c'est moi qui l'avait pris. Mon regard se pose sur l'image, et je me rend rapidement compte que je ne suis pas seule.
Autumn est au chevet de mon amie.
Sa tête rousse se retourne vers moi.
- Salut Sum, dit-il d'un ton neutre.
- Ouais, ouais, pas le temps.
Je me précipite vers Winter et prend son poignet à la recherche de son pouls.
Bien évidemment, je ne trouve rien.
Je dépose ma tête sur le haut de son corps.

Ba-doum. Ba-doum.
Des battements réguliers.
Lents, mais réguliers.

Je pousse un énorme soupir de soulagement.
- Qu'est-ce que... commença Autumn.
- J'ai cru que...
- Ah.
Je suis presque sûre qu'il est capable de lire dans mes pensées. Ou c'était beaucoup trop évident.
Mais ce n'est pas ça l'important.
L'important, c'est que Winter est toujours en vie.
Dans un espèce de coma bizarre, mais toujours en vie.

Les quelques secondes de calme et de silence furent alors déchirées par un cri à glacer le sang.
Winter. Elle avait crié, comme si elle avait été témoin d'un meurtre.
Ses yeux s'ouvrirent grands et roulaient dans tout les sens, et elle porta ses mains à son cou, comme si quelque chose... l'étranglait.
Je plaqua instinctivement mes mains sur mes oreilles.
- Qu'est-ce qui lui arrive, merde? parvînt-je a crier par-dessus son hurlement incessant.

Autumn essaya de calmer Winter, me regarda, et fit la chose que je redoutais le plus: il haussa les épaules, le regard remplit d'inquiétude.
Ce simple petit geste peut sembler insignifiant, mais en gros, il n'avait aucune idée de ce qu'y arrivait à notre chère Winter.
Et moi non plus.

Jamais, durant quatorze années à côtoyer toutes sortes de magie, je n'avais vu une situation pareille.