Chapitre 2

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Nevy Haps n'était pas normal, c'était un paradoxe sur patte. Il ne ressemblait à personne. Il aimait être mauvais, pourtant il n'aimait pas la misère. Il aimait l'égalité, et donc quand il se battait à armes égales avec son adversaire. Il n'aimait pas tuer froidement et injustement. Il avait besoin d'une raison, d'un mobile. Hormis ces brefs sursauts de bonne conscience, ce n'était pas non plus un Ange. Loin de là. Il adorait fumer. Il aimait la bière. Il aimait se battre. Voler sans âme et conscience. Ne pas être gentil, poli, généreux. Il n'était pas socialement acceptable, mais il aimait ça quand même. 

Pitoyables. Faibles. Honnête. Le genre d'honnêteté naïve qui suppose que tout le monde dit la vérité, rien que la vérité. Il avait été comme ça un jour. Il s'était retrouvé par terre, battu par le vent et par les cendres; enfin, la cruauté des hommes qui ont les moyens et qui en profitent, et il s'était juré d'être de ceux là. 

Son téléphone sonna. La musique résonna dans l'appartement au plafond haut et assez vide, les murs, originalement blanc avaient été recouvert d'un papier peint ocre, sombre, sale, déchiré et envahi par l'humidité. Les fenêtres étaient recouvertes de stores (eux-mêmes recouverts de poussière) fermés, ce qui assombrissait un peu plus la pièce et les quelques rayons de soleil qui passaient lui faisaient l'effet de rayon x qui passaient à travers son corps. Il y avait ensuite sa chambre, carré, avec un matelas et des vêtements éparpillés, le tout avec la même atmosphère sombre. Enfin, la cuisine et la salle de bain étaient deux pièces très propres, très lumineuses. Les espaces étaient grands, mais hormis une table basse, un canapé d'angle un peu miteux, gris en velours et un meuble, il n'y avait rien. Pas de déco, rien d'autre. Pas de fioritures inutiles. Sur la pallier, il y avait un canapé lit qui n'attendait qu'à être installé. Il avait trouvé ça dans un appartement vide à l'étage inférieur et Jim, son ami, l'avait aidé à le monter. L'expérience avait été plus que périlleuse : les escaliers n'étaient plus stables depuis des lustres, et il arrivait de temps à autre qu'une marche disparaisse.

Nevy s'empara paresseusement de son téléphone. Il décrocha, éloigna le téléphone de son oreille. Lorsque les cris se furent estompés, il le rapprocha.

Oui ? 

– Pourquoi tu n'as pas répondu tout de suite, bougre de ...  

j'étais trop occupé à danser sur la sonnerie, Josh, pardonne-moi. Se moqua Nevy Haps. Qu'est-ce que tu veux ? 

Ramène-toi ! 

OK, Au même endroit que d'habitude, je suppose ? 

Humpf, confirma Josh

Nevy raccrocha. Il enfila une veste en cuir avec des clous en fer dans le dos qui lui donnait l'air d'un gros dur, et  des baskets noires, qui gâchaient un peu l'ensemble, mais il n'avait qu'elles. Il glissa le téléphone dans la poche intérieure. 

Les trois amis de Nevy Haps l'attendaient derrière le seul « restaurant »  potable de la ville. "Restaurant" c'était déjà un grand mot. La bouffe était épouvantable, la pizza n'en n'était pas, et finalement les seules choses comestibles étaient l'alcool, d'une part, et l'eau. Mais quand on veut se faire passer pour un gros dur, même un gros dur fauché, on ne bois pas d'eau. Domino's, c'était un repère pour un peu toutes les activités plus ou moins légale de la ville ( plus moins que plus, d'ailleurs), qu'il s'agisse de vol ou de contrebande. Le Gouvernement avait fait fermer tous les établissements du genre à l'exception de celui-là, et bien qu'il en ignore la raison, il était certain qu'il y avait anguille sous roche. Le lieu était en piteux état. Une lettre sur deux qui fonctionnait. Une devanture blanche ( dans le temps) avec des encadrements en bois qui donnait du charisme à l'endroit. L'intérieur était insalubre, mais Nevy Haps, qui y travaillait de temps à autre, s'y était habitué, et puis concrètement tout ici était potentiellement insalubre. Dans les bas de la ville, la propreté et la salubrité n'avaient pas leur place. Ses « collègues » l'attendaient au dos du bâtiment. Josh, le leader, fronça les sourcils. Jim lui lança un sourire discret, et Hannah l'ignora complètement. 

Alors ? Demanda-t-il, douché par cet accueil indifférent

Josh se racla la gorge. Nevy ne s'était jamais entendu avec lui. Un combat d'ego à ego les opposaient. 

Pendant que tu te tournais les pouces dans ton espèce de masure, nous trois sommes allés voir le boss. Il nous a donné les mêmes instructions que d'habitude. Il nous avait convoqué. Enfin, toi aussi, mais je suppose que le message s'est égaré, n'est-ce pas ? Enfin, ce qui compte, te concernant, c'est que comme à ton habitude, tu pourras te consacrer aux jeux. C'est ce que tu sais le mieux faire. Organise une table dès que tu peux, préviens nous, hein, qu'on fasse circuler l'info. 

—C'est tout ce que voulait le Boss ? 

Josh secoua négativement la tête. 

—Certains des nôtres aussi ont disparu. Il voulait savoir qui manquait à l'appel. 

Nevy grimaça. Il était venu, il s'était déplacé pour ça ? 

—Il y a des rumeurs, la plupart convergent vers Growfell. Enfin, son rejeton. Je ne l'ai jamais vu, mais de ce que j'ai entendu il a été placé dans un laboratoire. Il y travaillait ... Il faisait des recherches, des travaux très importants, je pense. Tu te souviens de la collecte de sang pour les hôpitaux ? C'était son initiative. Mais on ne sait rien de lui. Ni son apparence. Ni son nom. Même pas son âge approximatif. C'est un type discret. Son père l'a, semble-t-il, protégé. Il a peut-être honte du môme ou quelque chose dans le genre, enfin, peu importe... 

Après cette mise en garde, ils se serrèrent la main, et se séparèrent. Ne pas rester ensemble trop longtemps permettait de ne pas relier les individus entre eux trop rapidement. Si la science était impliquée, cela signifiait des cobayes, il irait donc fouiller l'hôpital en premier lieu.  L'hôpital central était à deux pas de Domino'z. Nevy Haps s'y rendit aussitôt. Il prit un raccourcis en passant par les Beaux-quartiers, enfin, sa partie riche des Bas-quartier, là où il vivait. Bien mal lui en prit ! il assista à une descente. La milice cerclait la maison, emmenant deux corps avec eux. Ils avaient du sang partout. Le sang ne lui avait jamais fait peur. Mais la vue de ces deux-là le retourna, sans qu'il ne puisse s'en expliquer la raison. Il avait déjà vu des cadavre, il avait déjà tué. Mais la vue de ces personnes inertes le retourna véritablement.  Il se sentait bouleversé comme jamais. Le jeune homme ne voulait pas qu'ils meurent. Dans la confusion qui régnait, il entendit un nom murmuré de lèvre en lèvre. Mais il ne s'attarda pas. Il n'allait pas attendre que la Milice l'arrête, les bras tendu pour accueillir gracieusement les menottes, quand même ? D'un pas leste, et rapide, il s'éloigna de la scène. 


Les Braises de la LibertéOù les histoires vivent. Découvrez maintenant