Chapitre 3

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Hayden Coaqs marchait vite. Ses mollets lui faisaient mal. Sa tête lui faisait mal. Le sang affluait sur son visage, obscurcissait sa vue. Elle enfonçait profondément sa capuche sur sa tête. Des frissons parcouraient tout son corps, pour peu, elle claquerait des dents. Pire, les larmes brûlaient, lacéraient ses joues. Les yeux rivés vers le sol,  elle ne vit pas immédiatement la silhouette qui se dressa devant elle. C'était un jeune homme, plus grand d'au moins une tête. Il avait les cheveux châtain clair, presque blonds cendrés. Son visage, en ovale, était pâle et mince. Ses yeux gris acier, froids étaient fixés sur le sommet du crâne d'Hayden, comme prêt à découvrir tous ses secrets. Il dégageait quelque chose d'étrange, un sentiment qu'elle ne parvint pas à identifier, un mélange de peur et de curiosité.

—Hayden Coaqs. Dit-il une voix froide et sans intonation.

L'intéressé fut piquée d'une vive curiosité : il connaissait son nom. Ce n'était pas, ni une star, ni une idole, encore moins une criminelle, qu'elle sache ? Son interlocuteur respirait le faux-semblant, le masque, le secret, le mystère. 

—Qui êtes-vous ? Demanda l'intéressée sur le même ton, comme si elle était pleine d'assurance, et pas du tout morte de trouille. 

—Ce n'est pas important, ça. 

Il baissa une seconde les yeux, pinça les lèvres. 

Hayden sentit dans les chaussures cirées noires du jeune homme, dans son pantalon en toile beige, la chemise blanche et le blaser gris, dans ses yeux froids comme deux miroirs, dans ses lèvres pincées. Cet individu, qui qu'il soit avait du pouvoir. Beaucoup même. Et d'un autre côté, ce petit chantage démontrait qu'il était démuni. Un paradoxe, donc. 

—Je ne comprends pas.

Il soupira profondément, et, pas très combatif, baissant les armes, il répondit : 

—Appelle-moi Adam.

—Adam. Répéta-t-elle. Que veux-tu ? Enfin, que me veux-tu ? 

—Aide-moi. 

Hayden éclata de rire. C'était particulièrement absurde, ça. Elle n'était presque jamais sortie de chez elle, avait vécu confiné et dans le secret, et ELLE devait pouvoir aider cet individu. 

Ri-di-cu-le. 

Elle se força à ne pas être plus malpolie, et tenta de formuler une réponse diplomatique. 

—Je ne pense pas être en mesure de t'aider. 

—Eh bien tu as tort. Et bientôt, tu voudra aussi de mon aide. C'est donnant donnant. 

—Je ne comprend pas. 

Adam haussa un sourcil. Un petit rire lui échappa, silencieux, secouant ses épaules. Un sourire presque sincère s'étira sur ses lèvres. Il était content, impatient de travailler avec Hayden Coaqs. Elle était plus intéressante en chair et en os. Très différente de ce qu'il pensait. Les images ne lui rendaient pas justice. Il s'était renseigné sur elle, sur son existence pendant des mois, et des mois.  

—J'ai besoin de ton corps. Aucun sous-entendu graveleux la dessous, je mène des expériences, et tu es la pièce qu'il me manque.  

—Pourquoi ? Et si je ne veux pas ?

—Je ne peux pas tout te dire quand même ! Tu me prendrais pour un type épouvantable ! Et puis, ça ne te regarde pas du tout. 

Ou, plus précisément,  si, ça la concernait directement, mais il ne lui précisa rien. Il ne pouvait tout de même pas lui dire qu'elle était l'un des bébés éprouvette crée sans aucun autre but que celui de subir des expériences, servir la cause commune. Cole et Sal avaient crée Hayden en modifiant ses paramètres génétique. C'était du moins ce qui était stipulé dans ce qu'il avait pu trouver de cette expérience, dont la majorité des papiers avaient disparus en même temps que Cole, Sal et le bébé. 

S'il lui révélait ça, alors, bientôt ce ne serait plus qu'un secret de polichinelle, un secret mal gardé, et lui comme elle seraient en danger. 

—Mais, reprit-il, en échange je peux t'aider à libérer tes parents. 

Hayden hésita. Elle se pinça les lèvres, attrapa une mèche de ses blonds cheveux, en pleine réflexion. 

—Deal. soupira-t-elle finalement, en tendant sa main. 

—Je te recontacte bientôt.

L'individu s'effaça du chemin. Hayden inspira longuement. Pouvait-elle réparer ses erreurs ? Faire disparaître son sentiment de culpabilité ? 

Cet individu, si louche, puissant soit-il, il lui en offrait les moyens. Alors quoi qu'il lui demande, elle le ferait. En marchant, elle essuya le sang qu'elle sentait couler et sécher sur son visage. Puis elle continua, ignorant le mal de tête.

Hayden continua son chemin jusque Domino'z. L'endroit, honnêtement, était pitoyable. D'abord l'enseigne rouge clignotante, n'attirait pas grand monde mais Hayden y allait parfois. Les murs extérieurs blancs, la peinture se désolidarisait des murs. Hayden entra, poussant lentement la porte grinçante du genre que l'on ne trouve que dans les films d'horreur. L'intérieur était dans un état pire que l'extérieur. Le parquet grinçant, usé. Les murs, rongés par l'humidité. Les tables et les chaises tanguaient dangereusement. Les nappes étaient déchirées, rongées par les mites. Mais Hayden aimait l'endroit. Il y avait une raison, et elle surpassait, aux yeux de la jeune femme, toute les autres. C'était les bougies. L'éclairage était assuré par des bougies. Des centaines. Peut-être des milliers. Et dans l'imaginaire d'Hayden cela rendait le lieu chaleureux, avec une lumière rougeoyante comme si elle était au coin de la cheminé. Voilà ce qui faisait le charme tout entier du lieu. 

Un instant, elle parvint à oublier le danger. « Fui ». Le ton implorant de ses parents.

Et elle.

Qui obéit.

Pourquoi ? Pourquoi ?

« Hum hum ». Hayden releva les yeux. Elle regarda un instant le serveur avec son carnet face à elle. Et puis le tatouage du Phoenix sur la main gauche. 

—Rien. Je ne veux rien. Dit Hayden sans lever les yeux plus haut que la main du serveur qui tenait un carnet et un crayon à papier. 

—Il faut consommer quelque chose pour rester ici.

—Je consomme la chaleur. Rétorqua-t-elle sèchement.

Dans son dos, elle entendis une chaise racler sur le parquet usé, et la main qui s'abattit sans ménagement sur son épaule la fit sursauter.

—Ne fait pas attention à lui, il est toujours ronchon. Nevy Haps pour te servir, Princesse.

Visiblement, il ne l'avait pas bien regardé, elle, une princesse ? Pleine de sang, une commotion cérébrale et en état de choc. 

—OK. 

Il dévisagea Hayden, et soudain, son visage s'illumina. C'était la fille. Il lui fallut une seconde pour se remémorer, ce nom murmuré de lèvre en lèvre, avec la photo qui l'accompagnait. 

—Et toi, je suppose que sous tes bleus et sous le sang, tu es Hayden Coaqs. 

L'intéressée retins un soupir d'agacement, d'où tout le monde la connaissait ? L'individus sembla comprendre qu'il y avait quiproquos. Il avança son buste au dessus de la table et ses mains autour de sa bouche. Instinctivement, Hayden s'avança aussi prête à recueillir le secret.

—Tu es recherché par la Milice. Une criminelle. 

Hayden tomba des nues. De mieux en mieux cette journée ! Elle ferma les yeux. Des souvenirs de ces dernières heures défilaient devant ses paupières. Que devait-elle faire ? Elle ouvrit les yeux. 

—Viens, je vais t'aider. 

Il se leva, et elle le suivit. La jeune fille voulut remonter sa capuche, mais il l'en empêcha. Elle aurait alors l'air suspecte. 

Pour la deuxième fois de la journée, elle fit confiance à un inconnu. 

Les Braises de la LibertéOù les histoires vivent. Découvrez maintenant