Chapitre 2 ~ And we will never be alone again...

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Cela fait désormais quelques mois que je l'observe. Ou plutôt non. Dit comme ça, ça fait bizarre. Disons plutôt que... cela fait quelques mois qu'elle me sert de source d'inspiration. Voilà, c'est mieux comme ça. Je me suis laissé happer par son quotidien, et j'ai repris espoir. Maintenant que ma vie a un but, une inspiration, j'ai à nouveau la force de sortir de chez moi. J'ai trouvé un emploi dans une petite boulangerie, qui par un merveilleux hasard s'est avérée être celle où elle mange tous les midis. Bien que je sois contraint au ménage de la cuisine, soi-disant parce que mon teint translucide fait peur aux enfants, tous les midis j'ai le loisir d'admirer de loin tantôt ses joues rougies par le vent frais, tantôt les robes qu'elle met les jours de soleil. Il m'est arrivé un jour, en remplaçant un collègue, de lui servir moi-même la quiche qu'elle était venue chercher, et le contact de ses doigts lorsque je lui ai tendu le petit paquet a suffi à occuper mes pensées pendant des jours.

Malheureusement toutes les bonnes choses ont une fin, mon bonheur naïf n'y fait pas exception, et je sens que ma curiosité vient le remplacer. Passé la joie de la revoir après l'été, je réalise que je ne peux plus me contenter de ce que j'avais. Ces entrevues éclair quotidiennes ne suffisent plus, et j'ai l'impression que je ne peux en apprendre plus sur elle, rien qu'en l'observant tout du moins.

Depuis six mois, presque 7, je récolte jour après jour des fragments d'information sur elle, sur ses goûts, sa personnalité, ses loisirs... Mais il m'est impossible d'en savoir plus sans aller lui parler. Malheureusement pour moi, les boulangers refusent de me laisser travailler en boutique, et notre dernière conversation date de ce jour où, après avoir récupéré son parapluie, j'ai quitté son bureau sans avoir droit au moindre regard de sa part.
Mais allez trouver une bonne excuse pour l'accoster !

— Oui bonjour, je m'appelle Sam, je vous observe quotidiennement et j'aimerais connaître les derniers aspects de votre vie qui m'ont échappé ! Mais si, vous devriez me connaître voyons, j'ai quand même postulé dans toutes les boulangeries de votre quartier pour me rapprocher de vous....

À moins de chercher à ce qu'elle me colle un procès pour harcèlement, il faut que je trouve une autre approche. Si elle avait un entourage auquel je pouvais m'adresser, ça m'arrangerait mais dans son cas, il n'y a pas grand monde. Je tourne en rond dans ma chambre, et me creuse les méninges avec tout le bon sens que je parviens à réunir.
Quoique ! Dans son immeuble, il me semble bien qu'il y ait un gardien. Oui, j'en suis sûr, j'ai déjà vu un vieil homme qui attendait des colis en balayant le hall d'entrée. Avec un peu de chance il connaîtra au moins un élément qui pourrait m'aider. D'où elle vient, sa famille, n'importe quoi, mais je veux savoir. C'est décidé ! Je dois aller le voir. Je cours au salon, prend mon manteau, mais la pendule vissée au mur attire mon regard. 22h43. Mauvaise idée. Si je m'y rends tout de suite, il me prendra pour un fou dans le meilleur des cas. Mieux vaut attendre demain.

Je passe la nuit à me tourner et me retourner sur mon matelas, mes pensées s'entrechoquant dans ma tête. C'est pas bon pour toi, Sam, me dis-je intérieurement. Mais comment faire autrement ? Elle risque de faire un scandale, tu ne pourras plus l'approcher, tu devras l'oublier ! Alors je l'inventerai. Si je ne peux pas connaître sa vraie vie, je lui en écrirai une. Elle vivra dans mes romans. C'est sur cette pensée que mes yeux se ferment, n'attendant que le lendemain pour se rouvrir.

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