4. Jackson

2.7K 204 21
                                    

Les journées semblent si longues quand on ne sort pas de chez soi.
J'ai fini par laisser les frangins sur leur console pour monter dans ma chambre.

Je n'ai pas arrêté de ruminer les paroles de Kyle.
J'en arrive à la conclusion qu'il a tout à fait raison. Je suis encore et toujours à la botte de Sheitan. Quoi que je fasse et où que je sois, je suis celui qu'il veut que je sois. Rien d'autre.

Depuis ce fameux jour où il m'a emmené, je suis sa chose. Je n'ai plus d'existence propre, plus de personnalité, plus d'identité.
Je ne suis personne.

Il faut que ça change.

Je retire mes pompes de luxe, mon costume taillé sur mesure, ma chemise blanche et même ce putain de slip qui me gêne à longueur de journée.

Je fouille dans ma commode et en ressors un boxer noir, comme mon humeur.
Je vide la commode ainsi que la penderie et rassemble toutes ces horribles fringues que je ne compte plus porter.
Il ne me reste pratiquement plus rien à me mettre, mais je m'en cogne.
J'attrape un pantalon cargo et un vieux tee-shirt à l'effigie des Guns que j'enfile.

J'entre dans la salle de bain et regarde mon reflet. Mes cheveux trop longs sont fixés en arrière avec du gel. J'ai l'air d'un vieux de trente piges.

Je mets ma tête au-dessus de la baignoire et fais couler de l'eau sur mes cheveux pour enlever un maximum de gel. Une noisette de shampoing et un rinçage plus tard, je suis enfin débarrassé de cette crasse.
J'attrape un essuie et frictionne ma tignasse avec vigueur.

Je les coiffe aux doigts un peu n'importe comment. Le coiffé décoiffé, c'est à la mode il me semble. En tout cas, mes frères ne jurent que par ça.

Je me sens beaucoup mieux.

Je ramasse toutes les fringues que j'ai foutue par terre et les emporte avec moi dans le jardin.

Je les dépose et vais récupérer un bidon d'essence et des allumettes dans le garage.

Quand je reviens, mes frères sont dehors et m'observent de la tête aux pieds.

— Un problème ?
— Nan, répond Jayden avec un grand sourire. Cool ton nouveau look.

Alex tends son pouce vers le haut pour me faire savoir qu'il approuve.
Hayden ne dit rien. Il n'en a pas besoin, son jumeau parle pour lui.

J'ouvre le bidon d'essence et verse son contenu sur le tas de vêtements.

— Il vaudrait peut-être mieux prendre un extincteur, lâche Hayden. Juste au cas où.
— Ouais, bien vu. Alex, tu y vas ?

Il entre dans la maison et ressort quelques instants plus tard prêt à éteindre le feu.

Je sors une clope et après l'avoir allumée, je jette l'allumette sur les fringues.
Le tas de linge se met à flamber.
Les flammes dansent sous mes yeux, telles un feu purificateur, et me libère d'un poids qui pesait sur mes épaules.

Lorsque le feu devient incontrôlable, Alex l'inonde de neige carbonique.
Il ne reste plus rien des vêtements de luxe que ce connard m'obligeait à porter. Tout est cramé et encore fumant.

Pourquoi n'ai-je pas fait ça plus tôt ? C'était facile pourtant.

Une fois le feu entièrement éteint, nous retournons à l'intérieur.
Jayden nous commande des pizzas tandis qu'Alex et Hayden reprennent leur jeu vidéo.
Je me sers un whisky lorsque la sonnette de l'entrée me fait sursauter.

— Fait chier, putain !

J'extirpe mon arme de ma ceinture et vais ouvrir.
Il n'y a personne. Juste un carton abandonné sur le pas de la porte.
Je vérifie une nouvelle fois qu'il n'y a personne, range mon flingue et ramasse le paquet.

— C'est quoi ? demande Hayden quand je reviens dans le salon.
— Aucune idée, c'était devant la porte.

Je pose le carton sur la table basse et m'accroupis.

— Tu devrais faire gaffe, lance Jayden. C'est peut-être une bombe.
— Arrete de dire des bêtises.
— Ben, t'as qu'à l'ouvrir comme on saura ce qu'il y a dedans.

Je souleve les rabats et regarde à l'intérieur. La première chose que je vois est une enveloppe à mon nom.
Je ne l'ouvre pas, un objet brilliant ayant attiré mon attention.
C'est une gourmette d'homme frappée du prénom James et d'une date de naissance.
Je ne connais personne qui se nomme ainsi. Celui qui a déposé ce paquet a dû se tromper quelque part.

Je sors le dernier objet, un album photo. Je l'ouvre et ce que je vois me stupéfait. Il y des clichés de ma mère avant qu'elle ne sombre dans la drogue et l'alcool. Il y a un homme avec elle sur la plupart des photos. J'ignore de qui il s'agit. Peut-être ce mystérieux James.
Mais je ne vois pas en quoi ça me concerne.

Je me décide à ouvrir cette fameuse enveloppe en espérant qu'elle éclaire ma lanterne.

Cher Jackson,

Je sais que je n'ai pas été une bonne mère pour toi et tes frères, mais je tiens à me racheter du mieux que je le peux.
Tu trouveras ci-joint un album photo datant de l'époque où j'étais en couple avec ton père. Le bracelet lui a appartenu. Rend-le lui de ma part et dis-lui que je suis navrée pour tout ce qu'il a subi par ma faute.
Sois gentil avec lui, il n'a jamais su qu'il avait un fils.
Son nom est James Caldwell. J'espère que tu pourras le retrouver.

Ta maman qui t'aime.

Michelle Mayfield

Je me laisse tomber dans le canapé. Je ne suis pas sûr de savoir comment je dois réagir.
Ma garce de mère m'a menti sur toute la ligne. Ça fait vingt-quatre ans que je pense que mon père m'a abandonné.
Du coup, je ne sais pas trop si je dois chercher à le rencontrer.
Mais elle m'a menti. Mon père ne sait même pas que j'existe.
Et si je le retrouve et qu'il ne veut pas me connaître ? Est-ce que j'arriverai à l'accepter ?

J'aimerais vraiment savoir qui il est, mais ça me file une peur bleue.

— Y a au moins une quinzaine de James Caldwell rien que dans le Colorado. Bonne chance pour trouver le bon !

Jayden, annuaire en main, sors son téléphone et composé un numéro.

— Bonjour, je suis bien chez James Caldwell ? Excusez-moi de vous déranger mais connaîtriez une certaine Michelle Mayfield ? Non? Dans ce cas, je m'excuse de vous avoir dérangé.

Mon frère met fin à l'appel et barre le numéro. Je l'arrête avant qu'il ne compose le numéro suivant.

— Appelle Kyle plutôt. Il a un pote flic qui m'en doit une.
— Ok, répond-il en lançant l'appel. Salut Kyle, c'est Jay! On a besoin que ton pote flic retrouve un gars... Ouais, il s'appelle James Caldwell et il est né le 29 février 1966... Ok, on attend son coup de fil, merci Kyle.

Nous attendons toute la soirée, si bien que les jumeaux ont fini par s'endormir dans le salon.
Alex, lui, joue encore sur son foutu téléphone.

— Alex, tu devrais aller te coucher.
— Pas fatigué, signe-t-il.
— Eux non plus n'étaient pas fatigués. Allez, viens. On va les secouer et tout le monde ira se coucher.

Il soupire, contrarié, mais réveille nos frères malgré tout.
Ils râlent d'avoir été tirés de leur sommeil avant de monter se coucher en compagnie d'Alex.

Je vérifie que les portes et les fenêtres soient bien fermées, on ne sait jamais.
J'éteins et grimpe à l'étage.

Mon lit a beau être confortable, j'ai du mal à trouver le sommeil.
Maman avait l'air si heureuse et si douce sur les photos. Et mon père avait l'air d'être quelqu'un de bien. Je me demande ce qui a bien pu se passer pour que les choses se terminent aussi mal.
Comment ma mère a-t-elle pu sombrer dans la drogue alors qu'elle semblait tellement épanouie.
J'aurais aimé connaître la femme de la photo, mais je n'ai eu que sa pâle copie à la place.
Je finis par sombrer dans un sommeil peuplé de rêves où ma mère est une femme saine et souriante, de merveilleux songes où nous sommes tous heureux jusqu'à la fin des temps.

Devil's Eagles T4 : Les Ailes Du DestinOù les histoires vivent. Découvrez maintenant