5. Judge

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Quand Emmeline m'a dit qu'elle avait des sentiments pour moi, je me suis senti franchement con.
Cette femme est merveilleuse, et pourtant, je n'arrive pas à me débarrasser du souvenir de Michelle.

C'est débile. J'aime Emmeline. Elle est belle, douce et souriante. Elle me donne le sentiment d'être quelqu'un de spécial.

J'attends comme un gosse idiot que Smart termine ce qu'il est en train de faire.
Il faut que j'aille voir Michelle. Il n'y a que de cette façon que je pourrais tourner la page.
J'ai besoin de lui parler, de m'assurer qu'elle va bien. Peut-être a-t-elle fini par s'en sortir ? Je l'espère de tout cœur.

— Judge !
— Inutile de crier, je ne suis pas encore sourd.
— Pas sûr. Ça fait trois fois que je t'appelle. Bref, de quoi tu as besoin ?
— Une adresse. Michelle Mayfield, elle doit toujours être à Denver.

Smart pianote sur son clavier quelques minutes avant de crier victoire.

— Bingo ! Elle est pas mal pour son âge. C'est qui ?
— Mon ex.
— C'est les tiens les mômes ?
— Sûrement pas, ça fait près de vingt-cinq ans que je ne l'ai pas revue.
— Ah, pas même celui de vingt-quatre piges ?

Il me tend le dossier qu'il vient d'imprimer sans que je le lui demande. Son sourire moqueur en dit long sur ce qu'il pense.

— Pas un mot ! Ou je te promets que ta propre mère ne te reconnaîtra pas.

De l'index, il trace une croix sur sa bouche en signe de silence.
Il a intérêt.

J'étudie le dossier en rejoignant ma chambre.
Elle vit dans les beaux quartiers de Denver, chez un certain Steven Williams.
Elle a quatre enfants. Jackson a 24 ans, les jumeaux, Hayden et Jayden, ont 19 ans et le cadet, Alex, aura bientôt 17 ans.
Je suppose qu'elle a dû s'en sortir après mon départ. Je vois mal comment une droguée pourrait élever correctement des enfants.
Je ne suis plus vraiment sûr de vouloir y aller. Me retrouver face à elle sera suffisamment pénible. Alors rencontrer son compagnon et ses mômes, ça me semble insurmontable.
Je suppose malgré tout que cela me permettra de mieux tourner la page.

Je prends la peine de me changer pour avoir l'air un minimum présentable sous mon cuir.
La pauvre, elle risque d'avoir un choc. J'étais un avocat respectable à l'époque, toujours tiré à quatre épingles. Aujourd'hui, je suis juste un biker pas très regardant sur l'apparence.

Je rejoins ma moto et démarre sur les chapeaux de roues.
Je veux en finir avec Michelle et le plutôt sera le mieux.

Je m'arrête devant une superbe maison. Le genre de baraque tellement belle que ça vous file la nausée. Ça pue le fric à plein nez.
Je descends de mon engin, remonte la petite allée bordée de fleurs et appuie sur la sonnette.
Des bruits de pas résonne de l'autre côté de la porte qui finit par s'ouvrir.
Un homme grisonnant et bien habillé m'accueille avec une politesse naturelle.

— Bonjour, que puis-je faire pour vous ?
— Je cherche Michelle Mayfield, je crois savoir qu'elle vit ici.
— En effet. Puis-je vous demander ce que vous lui voulez ?
— Je m'appelle James Caldwell et...
— Entrez donc, me coupe-t-il en s'écartant. Michelle sera heureuse de vous revoir.

Je n'aurais pas mieux été accueilli si j'avais été invité. C'est comme si il attendait ma venue.

— Suivez-moi, dit-il en entrant dans une grande pièce. Michelle, ma chérie, tu as de la visite.

Une femme se lève d'un fauteuil et avance vers moi.
Elle est maigre et semble épuisée, mais c'est bien elle.

— Jimmy ? C'est vraiment toi ?

Elle pose ses mains sur mes joues et me fixe un moment avant de m'offrir un sourire sincère.

— Michelle. Tu as meilleur mine que la dernière fois.
— Steven m'a beaucoup aidée. Ça fait cinq mois que je n'ai rien pris.
— Je suis heureux pour toi. Je m'en veux de t'avoir laissée. J'avais besoin de m'assurer que tu allais bien.
— Je t'en ai voulu. Je croyais que tu ne m'aimais plus. Mais j'y ai beaucoup pensé et je sais à présent pourquoi tu es parti. Je suis désolée de t'avoir fait subir tout ça.
— C'est de l'histoire ancienne. Il est temps de passer à autre chose pour de bon. J'ai appris que tu avais des enfants. Ils ne sont pas là ?
— Et bien... C'est que...
— Michelle, intervient Steven. Nous en avons assez discuté. Il a le droit de savoir.
— Michelle ? Ton aîné, c'est mon fils, c'est ça ?
— Oui. Je croyais que tu ne voudrais pas de lui, alors je n'ai rien dit. C'était une erreur. Il aurait été plus heureux avec toi.

Putain, j'en reviens pas ! Je ne sais pas si je dois lui en vouloir ou si je dois être heureux d'avoir un fils.
Je suis venu pour remettre de l'ordre dans ma tête, et au final, c'est encore plus le bordel.

Un verre de whisky apparaît sous mon nez. Steven me regarde d'un air désolé tandis que j'avale ma boisson d'une traite.

— Où est-il en ce moment ?
— Je suppose qu'il doit être en train de te rechercher. Je lui ai dit ton nom.
— Il revient quand ?
— Ça fait sept ans que Jackson ne vit plus avec moi. Et il a emmené ses frères avec lui.
— Il habite où ?
— Je ne peux pas te le dire. J'ai promis de ne donner son adresse à personne. Je ne peux pas le trahir encore, je l'ai déjà trop fait.
— Ce n'est pas grave, Michelle. Je ne t'en veux pas. Il faut que j'y aille. Promet-moi de ne plus jamais replonger.
— Je te le promet, Jimmy. Et toi, promet-moi de venir me voir de temps en temps.
— C'est promis.

Je l'embrasse sur les deux joues et serre la main de Steven en le remerciant de son accueil.

Je retourne au club aussi vite que je l'ai quitté et me rends directement au bunker.

— Smart !
— Putain, Judge ! Tu m'as foutu la trouille !
— Trouve-moi tout ce que tu peux sur Jackson Mayfield.
— Le môme qui est peut-être ton fils ?
— Non, le môme qui est mon fils.
— Oh merde ! Je te fais ça tout de suite.

Je le regarde s'acharner sur son clavier. Quelque chose semble le contrarier.

— Smart ?
— Judge, ton fils est un putain de fantôme. J'ai une photo judiciaire qui date d'il y a trois ans. Une adresse qui ne correspond à aucun bâtiment. Et c'est tout. Il semble n'avoir fréquenté aucune école, n'a pas de travail. Rien.

Je prends la photo qu'il me tend et observe le jeune homme qui me fixe d'un regard vide.

— Et son casier judiciaire, ça donne quoi ?
— Pas grand chose. Il a été suspecté de meurtre, mais a été relâché faute de preuve.
— Merci Smart.

Je rebrousse chemin les yeux rivés sur la photo de mon fils. J'ai un mauvais pressentiment. Il faut absolument que je le retrouve.

***************

Je suis de retour.
Pour la petite histoire, c'est le camp Nanowrimo. Ça fait au moins 3 ans que je veux y participer sans pouvoir. Je profite donc du confinement et de ce tome à terminer 😉

J'espère que vous et vos familles allez tous bien.
Je vous envoie beaucoup d'ondes positives et plein de gros bisous 😘

Devil's Eagles T4 : Les Ailes Du DestinOù les histoires vivent. Découvrez maintenant