44. "CQFD"

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Les gargouillements de mon ventre me tirent de mon demi-sommeil. Je pourrais attendre que ça passe comme la tonne d'autre fois, mais ça devient critique. Je sais pas depuis combien de temps j'ai pas mangé, mais une chose est sûr, ça fait longtemps. C'est pas que j'ai pas envie de manger, mais j'ai vraiment trop la flemme de sortir du lit. J'y suis depuis samedi. Je suis rentré chez mes parents, et, une fois la valise posée, je me suis désapé et foutu au lit. Le meilleur endroit au monde... Je l'ai quitté uniquement lorsque ma vessie était sur le point d'exploser, et, comme là, quand la faim devenait insupportable.

Je ne sais même pas quelle jour on est. Lundi ? Peut-être mardi. J'espère pas mercredi. Ce serait chaud là, même si de toute façon, j'ai rien à faire. C'est les vacances donc pas de prépa. Enfin si, je pourrais bosser, mais flemme, j'ai trop donné depuis la rentrée. Et puis, pas de Harry. Plus de Harry. Après tout, c'est mieux comme ça. Il me mérite pas. Ça me refait penser aux message qu'Eleanor m'a envoyés, et auxquels je n'ai toujours pas répondu. Comment j'ai la flemme de faire ça aussi...

Et qu'est-ce que j'ai pas envie de lever... C'est ouf. J'aimerais tellement pouvoir hiberner. Me faire un stock de bouffe et dormir pendant des mois sans m'arrêter. Le rêve.

Bon, là, les gargouillements, c'est trop. On dirait une femme enceinte avec des contractions de plus en plus rapprochées. Sauf que dans mon cas, il s'agit de me remplir le ventre, pas de le vider.

J'attrape mon portable et... Six heure ? Mais quoi ? Même pour la prépa, je me lève pas à cette heure là. Au moins, chose "rassurante", on est mardi. Et, autre chose rassurante, je risque pas de croiser quelqu'un si tôt. Cool.

Je sors de sous la couette, portable dans la main droite, main gauche tendu pour tâter le vide jusqu'à la porte, et bouche ouverte en train de bailler. Le glamour en toute circonstance. Je vais jusqu'à la cuisine et ouvre le frigo. Y'a rien à bouffer, ou alors faut réchauffer, et flemme. Bon, comme pour toutes les autres fois, ça va être céréales. Je sors le lait, puis un bol, puis le paquet, et zou. Vite fait, bien fait. Maintenant : retour chambre.

Je retrouve ma pièce favorite, et pfoua... Mais comment j'ai fait pour rester dans cette odeur ? Expression de vieux, mais vraiment, ça sent le fauve. Je lève le bras avec mon bol en équilibre pour vérifier un truc, et effectivement, je sens le fauve. Logique. En même temps, je me suis pas lavé depuis presque quatre jours. Bon, avec tout ça, je me suis presque réhabitué à l'odeur. Cool du coup. J'allume la lumière et vais me poser sur le lit. J'aime pas le silence. Faut que je mette de la musique... Sauf que j'ai laissé mon putain de téléphone dans la cuisine. Évidemment. Pourquoi je l'ai pris même ? Pourquoi ?

Du coup, retour cuisine, puis retour chambre. Je prends une seconde pour souffler, lance du Thérapie Taxi, et récupère mon bol au sol pour enfin me mettre à manger. Ça me fait même pas du bien. D'un côté je me sens comme une merde qui fout rien de ses journées, mais d'un autre côté, j'ai pas la motivation pour me secouer. Bah ouais, pour quoi faire ? Travailler ? J'aimerais bien, mais non. Pour quoi alors ? J'ai rien. J'ai plus rien. Et, dans le fond, j'ai envie de rien.

Ha si. De Harry. J'ai envie de lui comme le putain d'égoïste que je suis. C'est moi qui aurait dû le quitter. J'ai pas arrêté de me convaincre qu'il était impossible qu'il puisse m'aimer, alors que c'est moi qui n'en suis pas capable. Et je le savais. Je l'ai toujours su, et j'ai rien fait. Je l'ai laissé tomber amoureux sous mes yeux, et j'ai préféré les fermer parce que j'avais pas envie d'être seul. Mais je suis quel genre de personne pour faire ça ? Parce que je crois que connard, ça suffit pas.

C'est dingue quand même, d'avoir cette image de mec timide, gentil et réservé, alors que je suis plutôt du genre à utiliser les gens et jouer avec leurs sentiments. Et pour quoi ? Pour ne pas me sentir seul, pour cette sensation de plaire qui vient compenser mon manque de confiance en soi... Un pervers narcissique quoi. Putain. Mais je me dégoûte. Oui. C'est ça. Je me dégoûte.

Virgin to your Love [Larry]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant