Un dîner étrange

42 4 0
                                    

- Deux hot-dogs ketchup-framboise-
épinard, un smoothie et une queue de castor à la rose, s'il-te-plaît, Nathan.
- Parfait, ma belle, dit-il à Morgane. J'te fais ça. Pis toi, mec, tu veux quoi?
- Moi? fit Arthur, qui avait suivi Morgane, perdu.
- Ouais. Demande-moi c'que tu veux sur ton hot-dog.
- Heum... Je...
- Il va en prendre un ketchup-mourtarde, un smoothie et une queue de castor à l'érable et au chocolat.
- Ça sera prêt dans une minute!

Ils s'éloignèrent, laissant place au client suivant.

- Ah lala... Vous devez tellement vous demander ce que vous allez manger! s'exclama la jeune femme, en riant.
- Effectivement. Je n'ai aucune idée de ce qui sera dans mon assiette.
- Croyez-moi, vous allez adorer.
- Morgane?
- Oui?
- Vous pouvez me tutoyer. Je vois bien que... Que c'est coutumier, ici.
Elle le fixa pendant quelques secondes.
- D'accord. Seulement si tu me tutois aussi.

Arthur réfléchissa. Même si cela paraissait anodin, ça allait être tout un défi pour lui. Il n'avait jamais tutoyé quelqu'un. En fait, lorsqu'il avait apprit le français, il avait été étonné de découvrir cette fonctionnalité de la langue.

- D'accord.
- Parfait!

Elle lui fit un sourire éclatant.

- Le cuisinier Nathan v... te ferait-il la cour?
- Hein? Qu'est-ce que tu racontes?
- Eh bien... Ma mie, j'ai bien entendu un "ma belle" sortir de sa bouche pour te désigner.
Morgane éclata de rire, ses yeux gris pétillants.
- Mais non! "Ma belle", c'est une façon de désigner n'importe qui! Je pourrais t'appeler "mon beau", si je voulais. Mais je ne le ferai pas. Ça serait un peu trop étrange.
- Je m'excuse d'avoir crû que... d'avoir insinué...
- Ce n'est pas grave. En fait, tu avais raison.
- Excuse-moi?! s'exclama Arthur.
De son temps, les amours étaient une affaire très délicate.
- Eh oui. Depuis... onze décennies.
- Comment était le mariage? demanda innocemment Arthur.
- Le mariage? Ah, non! On sort ensemble depuis onze décennies. On ne s'est pas marié. Et nous le ferons probablement jamais!
- Mais... J'espère que personne n'est au courant!
- Tout le monde le sait, mais ne t'inquiète pas. Le mariage, ce n'est plus un si gros évènement, maintenant.
- Oh...

Arthur, trop embarrassé pour parler, détourna la tête. Il se sentait ignorant, stupide et—

- Hey! Monsieur le bizarre! cria une petite voix.
Et bizarre. Il se sentait ignorant, stupide et bizarre.
Arthur se retourna. C'était Sarah Côté.
- Salut! fit Vince, qui était à côté d'elle. Ça va?
- Je vais fort bien, quoi qu'un peu déboussolé.
- Bah, tu vas t'y faire bien vite, au monde des années 2000. Plus besoin d'être hyper distingué, de porter des robes si t'es une femme, de marier quelqu'un pour des intérêts politiques ou économiques, etc. Pis on est bien plus ouvert.
- Ouvert?
- Ben par exemple, on ne brûle plus les femmes rousses qui ont guérit leur voisin en les traîtant de sorcières. Les filles ont autant de droits que les hommes. Il y a le mouvement LGBTQ+, aussi.
- LTGQ+?
- LGBTQ+. Lesbienne, gay, bisexualité, transgenre et queer.
- ...
- Ah, désolé. Vous deviez les appeler différemment. Les gens qui aiment le même sexe qu'eux, ou les deux sexes, et ceux qui sont des garçons dans un corps de fille, ou vice-versa.

Arthur regarda Morgane, avec un air amusé. Vince était-il réellement sérieux? Il vut que Morgane, elle, n'avait pas l'air de trouver cela drôle. Le roi décida alors qu'il vallait mieux changer de sujet.

- Sinon, quelqu'un peut-il m'expliquer ce que nous allons bientôt déguster? demanda-t-il.
- Bon sang! J'avais oublié notre lunch. Je vais aller prendre nos assiettes. Arthur, peux-tu rester avec Vince et Sarah?
- Oui, bien sûr.

Elle s'en alla en un coup de vent.

- Alors, ça c'est bien passé, au Grand Conseil? demanda Vince en invitant Arthur à s'assoir sur le tronc d'arbre, à côté de lui.
- Oui... J'ai eu des réponses.
- Ça doit être difficile, pour toi, hein?
- Je ne peux point dire le contraire.
- Ouf... Par contre, va falloir que l'on fasse quelque chose à propos de ta façon de parler.
- Je...
- C'est vrai. Tu parles trop vieillement, dit Sarah.
- Exactement, renchérit Vince.
- J'en suis bien désolé, veuillez me croire.
- Non! On dit: "ah, bah désolé"! Allez, vas-y!
- Ah bah désolé?
- Il a un accent, remarqua Sarah, tout en jouant avec ses cheveux. Un gros, en plus.
- J'aime bien mon accent, moi, ronchonna Arthur.

Morgane alors revint, les bras pleins de nourriture.

Arthur se dépêcha pour aller l'aider. Il prit les assiettes et les déposa sur le tronc d'arbre. La fée le remercia et s'assit à son tour.

- Alors, Arthur, prêt à goûter à ton premier repas du 21e siècle?
- Je crois bien.

Il prit dans sa main ce qu'elle lui désigna être un hot-dog, après qu'elle lui ai assuré que ce n'était pas du chien mort.
La première bouchée le laissa perplexe. Il en prit une deuxième. Et à la troisième, il ne put s'arrêter d'en prendre une autre, puis une autre... Jusqu'à ce qu'il l'ai entièrement dévoré.

- Waw! Tu l'as mangé en, genre, 20 secondes! s'exclama Vince, sincèrement impressionné.
- Mon frère pouvait dévorer toute une tarte aux pommes en une minute.
- Le smoothie, maintenant! cria Sarah, toute excitée.

Pendragon devait avouer que cela avait l'air délicieux. Vince lui expliqua que les papayes et les mangues, que le smoothie contenait, étaient des fruits provenant de pays que, au temps d'Arthur, l'Europe n'avait pas encore découvert.
Il prit une gorgée et faillit s'étrangler. Il n'avait pas prévu que ça allait être froid. Il pensait que c'était plutôt comme une compote. Revenu de sa surprise, il le finit d'une traite.

- Et? T'aimes aussi?
- Oui; j'adore!
- PROCHAIN! hurla la petite fille en donnant des petites tapes sur le bras d'Arthur et en sautillant.

La queue de castor... Apparemment, c'était du pain, et non de la viande, qui ressemblait à la queue d'un castor. Lorsqu'Arthur demanda ce qu'était un castor, Sarah lui dit que c'était un petit-beau-trop-chou animal du Canada. Morgane expliqua que le Canada était un pays d'Amérique, un continent inconnu il y a 1500 ans. Elle dit aussi que le chocolat et le sirop d'érable provenaient aussi de l'Amérique. Arthur fut grandement ébranlé par cette information.
Lorsqu'il y goûta, la queue de castor le laissa sans opinion. Mais quand il arriva au sirop d'érable, c'était comme si ses papilles gustatives étaient mortes, puis avaient récussité cinq fois de suite. La substance sucrée était un véritable coup de cœur.

- Incroyable... Le sirop d'érable, ma foi, c'est une des meilleures choses que je n'ai jamais degustées!

Ses trois amis hochèrent la tête, en souriant.

Vous avez atteint le dernier des chapitres publiés.

⏰ Dernière mise à jour : Jan 24, 2022 ⏰

Ajoutez cette histoire à votre Bibliothèque pour être informé des nouveaux chapitres !

Le retour du roi ArthurOù les histoires vivent. Découvrez maintenant