Les Iblis

2 0 0
                                    


Un jour, une tribu inconnue est arrivée. Ces hommes avaient l'air brutaux et sans pitié. Nous n'avons pas pu fuir : ils nous acculaient contre une barrière rocheuse. Ils sont arrivés sur nous en hurlant et en faisant claquer leurs lassos. La panique était totale, le sable volait partout, s'insinuant dans mes yeux et mes naseaux. Je ne pensais qu'à fuir cette menace inconnue : l'Homme n'était-il pas notre ami ? Pourquoi ceux-là étaient-ils si agressifs ? Fine et agile, je réussis à me faufiler dans une crevasse avant d'être remarquée, m'écorchant les flancs au passage. Mais en cinglant l'air avec leurs cordes, ils ont capturé et emmené Sayyid, notre étalon-chef, la Kabiratone Ra-iss actuelle, Djamila, 'Ami Chebba et plus de la moitié du troupeau. Lorsque je sortis de ma cachette, seuls dix d'entre nous avions évité la capture. Nous étions totalement abattus. J'ai tout de même éprouvé un bref soulagement en retrouvant mon meilleur ami Ziyada, mais je m'y attendais : lui et ses parents étaient rejetés par tout le monde, les iblis n'avaient pas fait exception à la règle.

Il faut dire que Zi avait un look particulier. Il était étonnamment laid et peu adapté au désert. Tout le troupeau le méprisait à cause de ça. Il nous avait été rapporté par les Tha'ïr, qui l'avaient récupéré dans une tribu du nord. Sa lignée avait fait le jouet des Occidentaux, qui avaient croisé ensemble les races de chevaux les plus discordantes et écopé de cet étrange animal dégingandé, noir et blanc, à la tête lourde et aux articulations hypertrophiées. Sa couleur était trop voyante, ses jambes mal formées l'empêchaient de galoper correctement dans le sable et son endurance laissait franchement à désirer. En un mot : il n'était pas fait pour le désert, contrairement à moi ou au reste du troupeau.

A cause de tout cela et malgré son jeune âge, il était le paria du troupeau. Seules Chebba et moi le défendions face aux attaques des autres. A à peine deux ans, sans Chebba, nous étions perdus, comme un Homme qui ne sait pas lire les étoiles ; et comme le troupeau privé de sa tête. Mon statut de bombe populaire ne nous aiderait pas. J'avais beau jouer à la Kabiratone Ra-iss, l'étendue de mon ignorance me semblait, à cet instant précis, incommensurable.

Nous avions perdu plus des deux tiers du troupeau. Il restait Ziyada, bien sûr, mais aussi mon demi-frère plus âgé Mouqbil et son meilleur ami, deux des Qadim, mes amies Katib et Habiba et deux poulains plus jeunes, désormais orphelins.


Iblis : Démons

Hypertrophie : développement trop important d'une partie du corps.

Les Qadim : Les Anciens

La Flamme ArabeWhere stories live. Discover now